La protection de la production nationale en produits sidérurgiques continue à être ignorée en Algérie. Le rond à béton en est un. Bien que le droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS) figure les priorités du ministère du Commerce, sur injonction du président de la République, la liste des produits soumis au DAPS n'a pas encore été rendue publique. Parallèlement, on continue à importer du rond à béton, dont un navire battant pavillon panaméen décharge depuis le 15 juin au port de Annaba une quantité de près de 10 000 tonnes de ronds à béton, produits au Portugal. A quelques encablures, un autre bateau battant pavillon maltais est arrivé, hier, avec une cargaison de près de 5000 tonnes de bobines en provenance d'Anvers (Belgique). Ces deux produits sont fabriqués dans le complexe sidérurgique d'El Hadjar, à moins de dix kilomètres du port de Annaba. Contactée, la direction du complexe sidérurgique d'El Hadjar affirme : «Nos stocks en rond à béton avoisinent les 20 000 tonnes. Ils sont sujets, malheureusement, à une mévente.» Le complexe sidérurgique Algerian Qatari Steel (AQS) de Jijel souffre également du même problème. En effet, la mévente a touché plus de 30 000 tonnes de son rond à béton. Les complexes sidérurgiques privés ne sont pas en reste. Même s'il est l'un des exportateurs du rond à béton, le géant turc Tosyali d'Oran enregistre actuellement quelque 100 000 tonnes dans ses stocks. Mais pourquoi on tarde à appliquer le DAPS et rendre publique la liste des produits soumis à ce droit ? Sur les plateaux de l'EPTV, l'actuel ministre du Commerce, Kamel Rezig, avait révélé en février 2020 que «le DAPS sera appliqué à l'importation du rond à béton à 100%». Concernant la liste des produits concernés par ce droit, elle a été modifiée est passée de 1095 produits soumis à des taux de DAPS entre 30% et 200% à 992 avec des taux oscillant entre 30% et 120%. Entre-temps, les importations du rond à béton et des bobines continuent à racler les réserves en devises du pays et impacter négativement les ressources des entreprises nationales. Lors du dernier Conseil des ministres, il a été convenu de réduire le déficit de la balance commerciale, qui était de plus de six milliards de dollars en 2019, sachant que la facture des importations est estimée annuellement à plus de 40 milliards de dollars. Ainsi, avec la chute du prix du pétrole, l'impact des mesures de protection contre la Covid-19, l'arrêt imposé de l'industrie et des chantiers du bâtiment durant trois mois et les mesures d'aide financière au profit des victimes de cette situation, l'importation des produits sidérurgiques s'inscrit en porte-à-faux avec les orientations économiques du pays. Dans le monde entier, comme en Egypte, Tunisie, Maroc et même aux Etats-Unis, de fortes taxes sont appliquées avec rigueur pour protéger les productions nationales. Pis, au moment où la Banque algérienne annonce que la liquidité bancaire s'est contractée de plus de 180 milliards de dinars à fin mai 2020, passant sous le seuil de 1000 milliards de dinars, l'importation des produits sidérurgiques n'a pas été impactée. Selon les chiffres officiels de ce secteur, l'Algérie produit annuellement un total de plus de 6 millions de tonnes de rond à béton et deux autres de produits sidérurgiques. N'est-ce pas une solide raison pour bloquer l'importation des produits sidérurgiques ?