L'industrie militaire algérienne serait intéressée par la récupération du complexe sidérurgique Sider El Hadjar de Annaba. En effet, selon des sources proches de la direction des fabrications militaires du ministère de la Défense nationale, l'armée algérienne étudie l'option de reprendre le complexe sidérurgique d'El Hadjar, comme cela a été le cas pour plusieurs usines civiles, notamment de constructions mécaniques (SNVI) et de textiles (Sonitext), et dont la majorité est en difficulté financière. «Le complexe Sider El Hadjar, qui est appelé à fabriquer dans un proche avenir les produits plats, pourrait facilement se greffer à l'industrie de véhicules militaires algériens. En effet, il intégrera les ateliers de fabrication des camions et bus de la SNVI, de celle de production de véhicules de marque Mercedes Benz de Tiaret et des véhicules spéciaux de Constantine», plaident les mêmes sources. Louable, cette action l'est à plus d'un titre, puisqu'elle répond à l'appel des sidérurgistes qui dénoncent quotidiennement une main basse externe sur la production de l'usine. «Nous préférons travailler sous la coupe de l'armée au lieu de laisser les rênes de notre complexe aux mains d'un clan d'opportunistes avec, paradoxalement, la complicité du syndicat et de la direction générale. Avec la mise en application du partenariat public/privé (PPP), le capital de notre usine risque également d'être intégré par le secteur privé tel qu'a été le cas de Fertial avec Ali Haddad du FCE. A ce propos, nous faisons appel au vice-ministre de la Défense, le général-major Ahmed Gaïd Salah, qui réside à Annaba, d'œuvrer dans ce sens pour placer dans le giron de l'Armée nationale populaire l'usine d'El Hadjar et sauver cet outil de travail dont dépendent plus de 4500 travailleurs», espèrent les employés du complexe. Chasse aux sorcières La crainte des sidérurgistes est justifiée, si l'on se fie à la mauvaise gestion, sinon aux dépassements quotidiens dans cette usine qui a englouti près d'un milliard de dollars sans résultat probant. «Pour comprendre le véritable enjeu, il faut voir du côté du département commercial. En un temps record, il y a eu cinq limogeages à la fois dans ce département, dont quatre sont des hauts cadres commerciaux. Du jamais vu depuis la création du complexe. Leurs torts : ils n'ont pas accepté les règles du jeu imposées par la direction générale et le secrétaire général du syndicat pour la commercialisation du rond à béton. Limogés, ces cadres demandent au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et à leur tutelle, le ministre de l'Industrie, de dépêcher une commission d'enquête au niveau de la direction générale et celle des ressources humaines (DRH) pour déterminer les motifs exacts de ces sanctions. Mieux, c'est le député Bahaeddine Tliba qui, au quotidien, établit depuis son quartier général la liste des entreprises qui doivent bénéficier des produits de l'usine», dénoncent les sidérurgistes. Pour étayer leur réquisitoire, ils avancent des preuves (documents à l'appui) : «Pour un seul client privé – Sarl Ste El Hadj Moussa Import – le directeur général, Maatallah Shemseddine, a exigé par écrit qu'il soit servi. Ce qui lui a valu d'acheter 1444 tonnes de rond à béton en seulement cinq opérations. C'est-à-dire en cinq jours, répartis sur la deuxième quinzaine du mois d'août 2017. A ce moment, faut-il le rappeler, la production du rond à béton était encore non stable et la priorité était pour les entreprises publiques. Sous l'impulsion de Amouri Noureddine, le secrétaire général du syndicat de l'entreprise, le directeur général nous a imposé un revendeur au lieu d'une entreprise publique, sinon en charge des grands projets de l'Etat.» S'appuyant sur son cousin, le secrétaire général du syndicat de Sider El Hadjar qui vient de l'élire membre du bureau de l'UGTA en faisant déplacer le secrétaire général Sidi Saïd lui-même à un simple congrès de wilaya. Pour confirmer sa connivence avec le député Bahaeddine Tliba, et en l'absence des autorités locales, il l'a fait monter sur sa table, en exhortant ouvertement les congressistes à s'adresser à ce député si besoin est, avons-nous constaté sur place. «Pour preuve, les frais de la prise en charge de Sidi Saïd à Annaba et du congrès n'ont pas été réglés par le syndicat local. C'est le député Tliba qui s'en est chargé. Cependant, Abdelmadjid Sidi Saïd n'a émis aucune objection, car Tliba se prévaut de ses relations intimes avec Ali Haddad, le patron du FCE», confirment les syndicalistes de Annaba. Pourquoi cette chasse aux sorcières ? Contacté, Maatallah Shemseddine, le directeur général de Sider El Hadjar, n'a pas daigné nous répondre. Nos multiples appels et messages sont restés lettre morte. Même chose pour Amouri Noureddine, le secrétaire général du syndicat de l'entreprise, qui se trouve actuellement en mission en Egypte. Encore une fois, les cadres honnêtes de l'entreprise s'interrogent sans cesse. Mévente et bradage des prix Bien que la demande sur les produits sidérurgiques batte son plein, les stocks au niveau du complexe s'élèvent à quelque 40 000 tonnes entre produits plats et longs. La direction crie à la mévente et veut faire brader les prix sans consulter le conseil d'administration. Ce qui est illicite. «Cette astuce est appliquée pour brader les prix des produits sidérurgiques, paradoxalement très convoités par les entreprises spécialisées. Les clients sont les mêmes et souvent des revendeurs bénéficiant de relations commerciales avec le député Tliba, le cousin du secrétaire général de Sider El Hadjar», dénoncent encore et toujours les commerciaux de cette entreprise. «Où sont passés les services de sécurité qui sont tous au courant de ce qui semble être des crimes économiques ? Pourquoi le parquet général ne s'autosaisit pas de cette affaire d'intérêt public ? Paradoxalement, pour un simple délit, on intervient et condamne avec une grande force. Ce qui n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'atteintes à l'économie nationale, où les interférences du député Tliba Bahaeddine sont notoirement connues. D'ailleurs, le silence des autorités locales a encouragé l'impunité, poussant les auteurs à continuer à faire main basse sur le complexe», regrettent les mêmes cadres de Sider El Hadjar. A vrai dire, les sidérurgistes veulent sauver le complexe d'El Hadjar des appétits voraces de la maffia politique locale en le plaçant dans le giron de l'Armée nationale populaire, où personne n'osera l'approcher.