A l'instar des artistes de Dar El Gharnatia de Koléa, une association musicale qui est demeurée active durant le confinement, le chanteur Youcef Cherchali, de son vrai nom Ould Yahia Youcef, utilise à son tour les réseaux sociaux pour permettre aux familles de se retremper dans l'ambiance conviviale et entretenir les liens. Youcef Cherchali brise le confinement. Le chanteur est sollicité par de très nombreuses familles des wilayas du centre du pays lors des fêtes de mariage, il est invité sur les plateaux de télévision, parfois victime de la caméra cachée. Il a à son actif sept CD. Il a opté pour la musique algéroise moderne uniquement, en se référant aux textes du terroir. Nous avons réussi à le croiser au niveau de la place publique de Cherchell. Il a répondu à nos questions, pour la première fois. Propos recueillis par M'hamed Houaoura
-Vos «live» ont du succès. Mais comment l'idée vous est-elle venue ? Sur ma page Facebook, mes fans m'avaient demandé avec insistance de chanter. L'idée d'organiser des spectacles depuis mon appartement est venue, d'autant plus que le confinement a créé de nouveaux réflexes. Mon geste consiste à briser le marasme, l'ennui dans les foyers. -Cela a été facile pour rencontrer vos fans à travers les réseaux sociaux ? Durant les premiers temps, il était difficile pour moi de chanter. Le mode de vie a connu un bouleversement. Aucun n'était préparé pour vivre ce confinement. Le stress et l'impatience avaient envahi les esprits. C'était l'inconnu. Au départ, je craignais la réaction des citoyens pendant ces premiers jours d'incertitude. Après la célébration particulière de l'Aïd-el Fitr, j'avais remarqué que la tension avait baissé de quelques crans. Les appels des familles deviennent de plus en plus nombreux. J'ai décidé alors d'organiser un spectacle à partir de mon appartement. J'ai planté le décor dans ma chambre. J'ai installé mon instrument de musique. J'avais tenté le coup, après avoir averti la veille mes fans, que j'allais organiser un spectacle musical. Mon 1er rendez-vous a enregistré un franc succès. J'étais agréablement surpris par cette rencontre virtuelle avec les familles algériennes, y compris nos compatriotes confinés dans les pays étrangers. Alors, j'ai décidé d'organiser un second spectacle. Les familles avaient apprécié mon geste. La magie de la technologie. -Le 8 juin, l'Algérie a célébré la Journée nationale de l'artiste ? En effet, j'ai décidé de célébrer à ma manière cette journée, en organisant un live à partir de 21h. Cet événement est national. Je voulais mettre la situation de l'artiste algérien sous les projecteurs. Sachez que mes compagnons artistes souffrent en silence, dans l'anonymat et l'indifférence en cette période confinement. C'est le néant total pour elles et pour eux. Il m'est arrivé de rendre visite à certains d'entre eux qui vivent des situations dramatiques, en raison de l'absence de ressources. Modestement, j'essaie d'atténuer leurs souffrances en passant quelques moments avec eux, en guise de solidarité. Allah ghaleb ! -Le ministère de la Culture avait alloué une aide de 54 000 DA aux artistes ? Que représente cette aide pour ces pères de familles durant ces mois de confinement ? Elle est insuffisante. Nombreux sont les artistes qui vivent dans le dénuement. Ici, je ne parle que des chanteurs uniquement. Durant les ramadhans passés, l'ONCI programmait 4 spectacles pour des artistes. Ils se produisaient dans toutes les wilayas du pays. Les artistes percevaient jusqu'à 90 000 DA par spectacle. Je crois qu'il aurait été souhaitable d'allouer une allocation mensuelle pour l'artiste, au lieu de donner 54.000, 00 DA et après rien. Le confinement a été pénible et long pour les artistes. Les activités culturelles sont suspendues, y compris les fêtes de mariage, donc pas de revenus. -Vos «live» durent plus de trente minutes ? Quand j'ai remarqué que le nombre des familles était très important, le spectacle durait 75 minutes. Heureusement que mon voisinage est constitué de familles extraordinaires. D'ailleurs, une voisine à moi m'avait dit qu'elle éteignait la TV dès que je commençais le «direct ». Un ami, m'a appelé pour savoir dans quelle salle des fêtes je me trouve. Il ignorait que le spectacle se déroulait dans ma chambre. Le décor l'a dérouté (rires). -Avez-vous un programme précis pour votre spectacle ? Oui. Il se compose des chansons du terroir et de quelques chansonnettes. Il est apprécié. Je m'en rends compte en lisant les commentaires, au moment où je chante. Je profite aussi de ces moments pour annoncer les dédicaces et devenir un trait-d'union entre les familles, y compris celles qui vivent à l'étranger. J'essaie de faire de mon mieux pour satisfaire tout le monde. Je vous assure que ce n'est pas une tâche facile. J'attire l'attention de mes fans, pour rendre hommage aussi à tous les travailleurs qui sont mobilisés dans les hôpitaux, les éléments des services de sécurité et de la protection civile, sans oublier les familles endeuillées par la perte de l'un de leurs proches et celles qui sont en situation sociale difficile. -Votre dernier mot ? Je souhaite la fin de cette période délicate qui a plombé notre pays et tout le bonheur pour le peuple algérien. Nous traversons des mois insupportables. Il faut rester positif, car la vie nous réserve aussi des moments et un avenir merveilleux. L'artiste algérien est aussi un avant-gardiste, il l'a prouvé dans le passé. J'exhorte les artistes, chanteurs, artistes peintres à offrir des spectacles et à exposer leurs œuvres en «live» pour nos compatriotes en ces moments de confinement. C'est bon pour le moral.