La figure masculine domine la crise libyenne. Faite par les hommes, menée et négociée par eux. Mais qu'en est-il des Libyennes ? Où en sont-elles de cette décennie sanglante ? Quelle est leur place dans cette crise ? Comment vivent-elles cette guerre ? Dans une Libye déchirée par les conflits armés et marquée par les liquidations des militants, les femmes sont une cible privilégiée. Elles sont nombreuses à avoir été kidnappées, violées et assassinées. C'est le sort terrible qui a été réservé à l'avocate, militante des droits de l'homme et figure emblématique de l'opposition libyenne, Salwa Bougaïghis. Connue pour ses positions anti-islamistes et son combat contre les milices, elle a été assassinée à Benghazi le 25 juin 2014. Des droits des Libyennes, l'avocate en avait fait son combat. En janvier 2013, elle affirmait à la télévision : «C'est la femme (libyenne) qui a déclenché cette révolution, non en réponse à une demande masculine, mais en tant qu'initiatrice du mouvement. C'est elle qui a donné de la voix, elle qui a lancé : »Lève-toi Ô Benghazi, ce que tu attendais est enfin arrivée ».» Il est possible aussi de citer le cas de Siham Sarguiwa, la députée de Benghazi qui a été kidnappée de chez elle le 18 juillet 2019. Avant elles, le 23 août 2013, l'avocate Hamida Al Asfar a été retrouvée étranglée. La journaliste Nassib Miloud Karfana a, quant à elle, été égorgée à Sabha en mai 2014. La députée démissionnaire Fariha Al Barkawi a été tuée aussi en juillet 2014. Les crimes ne se sont pas arrêtés. La militante des droits de l'homme Intissar Al Hassairi a également été retrouvée assassinée le 24 février 2015 en compagnie de sa tante dans le coffre de leur voiture. Zyneb Abdelkarim avait été assassinée 3 jours avant. Les trois sœurs Hourouda, kidnappées courant avril dernier, ont été retrouvées dans l'un des huit charniers découverts à Tarhouna dans le courant de la semaine dernière et bien d'autres personnalités et des anonymes ont été sacrifiées. Les Libyennes se battent, au péril de leur vie, bien décidées à s'affirmer et se faire une place dans la Libye de demain, elles ont accepté de revenir pour nous sur leurs combats respectifs et de nous faire part de leurs lectures de la situation libyenne. Pugnacité, charisme et prestance, ces Libyennes n'en manquent pas. Elles se refusent au rôle de figurantes. Encore plus à celui de caution d'une fausse ouverture sociopolitique. Elles sont journalistes, députées, médecins, juristes, enseignantes et activistes de la société civile à se battre pour une citoyenneté pleine et effective. Nos cinq interlocutrices, Sana Elmansouri, Hajer Sharif, Hilana Al Koni, Hind Shouba et Rabiâ Abourasne ne sont que quelques exemples de ces nombreuses Libyennes qui se battent au quotidien dans une Libye où tout reste à faire et à reconstruite. (2e partie et fin)
Assia Bakir Universitaire à Paris 8. Diplômée en relations euro-méditerranéennes et monde maghrébin