Le Zimbabwe a organisé hier sa première vente de diamants de Marange, autorisée par le régulateur du secteur qui en avait suspendu la commercialisation en novembre en raison de graves violations des droits de l'homme dans les mines frontalières du Mozambique. « 900 000 carats ont été certifiés. Ce sont des diamants de grande qualité, dont le prix est estimé à 80 dollars par carat », a déclaré Abbey Chikane, le représentant au Zimbabwe du processus de Kimberley (KP). Ce système de certification internationale vise à proscrire la vente de « diamants du sang ». Au départ, cette dénomination concernait les diamants dont la vente alimentait les sanglantes guerres civiles du Liberia et de Sierra Leone, avant de s'étendre à d'autres pays comme l'Angola et la République démocratique du Congo. Ainsi qu'aux graves violations des droits de l'homme dans les mines comme Marange. Les « diamants du sang » sont revenus sur le devant de la scène dans une autre affaire avec le témoignage du mannequin Naomi Campbell au procès de l'ex-président du Liberia, Charles Taylor, devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Des acheteurs des Etats-Unis, du Liban, d'Israël, de Russie et d'Inde participaient jusqu'à hier soir à l'aéroport de Harare à cette première vente aux enchères depuis la suspension du commerce des diamants de Marange par le KP. « C'est un moment historique car nous avons réussi à suivre les critères minimums du processus de Kimberley », s'est réjoui le Premier ministre Morgan Tsvangirai. « Nous avons mis en place des mesures pour s'assurer que nous respectons les principes du processus de Kimberley et vendons nos diamants de manière transparente », a-t-il affirmé. En 2008, l'armée avait pris le contrôle des mines de Marange, situées à l'est du pays. Les militaires avaient expulsé des dizaines de milliers de petits chercheurs et tué 200 personnes, selon des groupes de défense de droits de l'homme. Les soldats avaient ensuite battu et violé les villageois pour les obliger à extraire des pierres précieuses. Après enquête, le processus de Kimberley avait suspendu les ventes de diamants en provenance de Marange, en novembre, et donné aux autorités jusqu'à juin pour changer cette situation. Le Zimbabwe a alors confié à deux petites entreprises sud-africaines, Mbada Diamonds et Canadile Miners, l'exploitation de ses mines, mais la zone est restée sous haute sécurité avec une forte présence militaire. Face à ces progrès, le processus de Kimberley a autorisé, à la mi-juillet, deux ventes limitées de diamants sous supervision du KP et du cabinet d'audit Ernst & Young. La première vente ne concerne que les pierres extraites ces deux derniers mois, date à laquelle le Zimbabwe s'est conformé aux exigences du KP. Une deuxième vente est prévue d'ici septembre. Plusieurs organisations de défense des droits de l'homme se sont opposées à cette décision, Human Rights Watch ayant fait état en juin de nouvelles violations. Le KP a envoyé une nouvelle mission, mardi, dans la zone diamantifère pour faire le point. Selon le gouvernement d'union nationale formé en 2009, la vente de ces pierres précieuses est primordiale afin de reconstruire ce pays d'Afrique australe après une décennie de marasme économique et de crise politique. D'autant plus que le Zimbabwe est assis sur une petite mine de diamants de 4,5 millions de carats en stocks, évalués par le gouvernement à 1,7 milliard de dollars, soit plus de la moitié du budget national. Le ministre des Finances, l'ancien opposant Tendai Biti, a cependant rappelé que les 30 millions de dollars des ventes de diamants de Marange, l'année dernière, n'avaient pas atteint les caisses de l'Etat.