Uranium, nickel, coton, argent, sucre... Avant leur flambée actuelle, les marchés des matières premières ont déjà connu des heures chaudes. Entre bulles spéculatives et craintes de pénurie, retour sur les moments forts de leur histoire. Des financiers en quête de gros cailloux
DIAMANTS. Un fonds table sur la raréfaction des grosses pierres, plus chères de 60% en six mois. Une méconnaissance de la "marchandise". C'est peut-être cela que les vieux routiers du négoce reprochent le plus aux financiers ayant surgi sur "leurs" marchés. Plus encore que l'envolée et l'instabilité des cours provoquées par leur arrivée. Sucre brésilien, nickel calédonien, coprah philippin... autant de produits de base relégués au rang d'actifs financiers. Même les diamants. "Par-delà son image un peu ésotérique, on retrouve exacerbée dans le diamant toute la problématique des matières premières", assure Stéphane Barbier de la Serre, responsable du conseil du Diamond Capital Fund à la presse anglo-saxonne. Des caillouxà un million Coté sur la bourse de Londres depuis un mois, ce fonds d'investissement, lancé par la maison de gestion lausannoise Diapason CM, ne fait qu'une seule chose avec les 75 millions de dollars récoltés: acheter des diamants. Les plus gros. Ceux pesant leur million de dollars. Ces deux cents pierres de plus de 10 carats arrachées du sol chaque année. Pour mieux les mettre au frais, dans un coffre d'UBS à Genève. Et attendre que leur prix s'envole. "Nous offrons à nos souscripteurs la diversification de leur investissement - dans une grande variété de pierres - une protection contre l'inflation, contre la baisse du dollar" vante Stéphane Barbier de la Serre. La craintedu "squeeze" Oubliés, Breakfast at Tiffany's, les diamantaires d'Anvers, les ventes de Christie's. Selon le financier, il y aurait, "plus de points communs avec le marché de l'or, qu'avec celui de l'art; à la différence près que les diamants de la plus haute qualité sont 150 000 fois plus rares que le métal jaune". Les gemmes? De simples "commodités". Un minerai comme un autre. Mêmes difficultés à trouver de nouveaux gisements pour les géants de la mine BHP, Rio ou l'Anglo. Même envolée de la demande: la De Beers a vu ses ventes progresser de 10% en six mois, en raison de la forte demande asiatique. Même épuisement des stocks. Même envolée des prix. Selon le négociant new-yorkais Rapaport, les pierres de moins de 0,5 carat se sont appréciées de 7% en six mois, celles de moins de 5 carats se sont envolées de 37%, et celles de 10 carats de... 63%. Parmi les diamantaires, l'irruption d'un tel fonds d'investissement - le premier du genre - fait évidemment craindre un "squeeze", un étranglement du marché entretenant la rareté. "Avec quelques dizaines de millions de dollars, notre influence reste marginale... et le report d'un an du lancement de notre fonds n'a pas empêché les cours de monter", rétorque Stéphane Barbier de la Serre. Au contraire, "nombre d'acteurs de l'univers du diamant, très endettés, voient d'un bon œil cette bouffée d'oxygène apportée au marché". La magie, elle, a disparu. Devenus investissement alternatif, les cailloux disparaissent du cou des élégantes (très) fortunées. Fiche signalétique : le diamant Pensez-y. L'extraction d'un banal diamant de bague de fiançailles nécessite de remuer entre 200 et 400 millions de fois son volume de roches. On comprend sa rareté. Car sinon, le diamant est exclusivement constitué de carbone, tout comme le... graphite, qui a simplement cristallisé sous des pressions bien plus faibles. Le diamant s'est formé à 150 ou 200 km de profondeur, sous des pressions de 70 tonnes par cm2 et à une température de 2 000°C. Le secret des diamants se nomme kimberlite. Des cônes souterrains de roches volcaniques, remontant jusqu'à la surface, hérités de l'éruption de volcans actifs il y a 70 à 140 millions d'années, en Afrique du Sud, Inde, Australie ou Amérique du Sud. Ceci explique la forme de gigantesques "trous", extrêmement profonds, des mines de diamants. Les cheminées des kimberlites peuvent avoir un diamètre de quelques dizaines de mètres à 2 kilomètres. Ce qui explique les difficultés à les trouver. Le diamant brut destiné à la joaillerie représente un marché de 15 milliards de dollars par an (et de 70 milliards au niveau de la bijouterie).