Le plus grand Musée d'art islamique du monde rouvre ses portes au Caire, après huit ans de travaux destinés à remettre en valeur un patrimoine exceptionnel souvent négligé par les touristes au profit des antiquités pharaoniques. Le bâtiment datant de 1903, rénové de fond en comble, a été solennellement inauguré par le président Hosni Moubarak samedi, dans la période symbolique du Ramadhan, mois de jeûne et de prière pour les musulmans. Le public devra toutefois attendre début septembre pour avoir accès à l'édifice, ont indiqué des officiels. Plus de 2000 pièces, triées parmi les quelque 100 000 objets et œuvres que le musée possède dans ses dépôts, sont exposées dans 25 salles. Environ 10 millions de dollars ont été consacrés à cette rénovation engagée en 2003 pour ce bâtiment imposant du centre du Caire, où les trésors du patrimoine islamique, mal étiquetés, étaient autrefois présentés dans des salles aux murs décrépis. Avec de maigres contingents de visiteurs, le Musée d'art islamique du Caire végétait face aux foules envahissant les sites et musées pharaoniques du Caire, de Louxor ou d'Assouan. L'ouverture, il y a deux ans, d'un Musée d'art islamique flambant neuf au Qatar a également piqué au vif l'orgueil de l'Egypte, qui se prévaut d'un patrimoine historique plus riche. Le musée du Caire avait été conçu à l'origine pour préserver le patrimoine égyptien des pilleurs d'antiquités qui ont écumé le pays au XIXe siècle et au début du XXe. Il profite de la diversité des apports des dynasties musulmanes qui ont dominé le pays après des invasions arabes du VIIe siècle : Omeyyades, Abbassides, Fatimides, Ayyoubides, Mamelouks puis Ottomans, entre autres. Mais le musée comporte notamment des pièces venues en Egypte au fil des siècles de tout le monde musulman : Perse, Afrique du Nord, Andalousie, Levant, Turquie, Inde et même Chine. Parmi les pièces les plus remarquables, une clé incrustée d'or de la Kaâba, l'édifice central de la grande mosquée de La Mecque, ou le plus ancien dinar islamique connu, datant de l'an 697. Plusieurs manuscrits rares du Coran sont également exposés, ainsi que des tapis persans ou des céramiques ottomanes, de même que des vases, des moucharabieh (persiennes de bois ouvragé) ou des tissus rares. Des instruments anciens d'astronomie, d'architecture ou de chimie, témoignent de la très ancienne maîtrise des sciences et des techniques des savants du monde arabe. Les travaux ont conduit à « un grand changement dans la manière d'exposer les œuvres, de les protéger et de les éclairer », a déclaré le ministre de la Culture, Farouk Hosni. Cette rénovation s'accompagne depuis des années d'une vaste restauration des édifices -mosquées ou demeures les plus remarquables- dans le vieux quartier islamique du Caire, cher au prix Nobel de littérature Naguib Mahfouz. Les antiquités pharaoniques ne sont toutefois pas oubliées, avec le transfert prévu dans quelques années du poussiéreux Musée égyptien du Caire, qui abrite notamment le fabuleux trésor de Toutankhamon, vers un nouveau musée ultra-moderne près des pyramides de Guizeh. L'Egypte a également entrepris des travaux de rénovation de son patrimoine copte, notamment des monastères parmi les plus vieux de la chrétienté et juif avec la remise en état de synagogues du Caire qui tombaient en ruine.