Nos émissions... Vos cibles, réussir ensemble l'avenir ». Le slogan, pompeux et vide de sens, choisi par la Télévision algérienne pour présenter les programmes de ce mois de Ramadhan, reflète parfaitement la qualité du cru 2010. Au diagnostic de la grille des programmes de l'Entv apparaissent trois principales lésions : un manque patent d'humour, une programmation hasardeuse et une grave carence d'imagination. Les téléspectateurs algériens semblent déplorer l'absence de fictions comiques. Juste après les repas, il n'y a point de sketchs humoristiques qui égayent, d'ordinaire, la soirée du jeûneur. Le réalisateur Djâafar Gacem, auteur de sitcoms à succès comme Djamaï Family ou Nass M'lah City, a une explication rationnelle à cette entorse aux traditions : « Le fait est, souligne-t-il, qu'il est très difficile de mettre sur pied une fiction en trois mois avant d'arriver à échéance. » Certaines boîtes de production ont ainsi opté pour la caméra cachée par souci de rapidité d'exécution. Elles sont surtout bien plus avantageuses financièrement. Réalisateurs et producteurs peuvent néanmoins se piéger par ce concept de caméra cachée. « Nous avons eu la période de la Coupe du monde qui a été difficile pour mettre sur pied le travail. Nous nous sommes piégés avec cette production qui réclame de la complicité et de la coordination. » Il se montre fier de son dernier-né Wach dani : « Nous avons voulu mettre en place un concept nouveau de caméra cachée, alliant fiction et piège de célébrités. » Il se dit que l'Entv songerait à mettre de l'ordre dans le secteur de la production ainsi que de préparer le programme du mois de Ramadhan plusieurs mois à l'avance. « Nous aurons ainsi plus de temps pour préparer des productions de qualité et de ne plus refaire les mêmes erreurs. On sera ainsi comptables devant les téléspectateurs », soulignant qu'il aimerait monter une fiction dramatique. L'autre faille de l'Entv consiste dans l'aménagement des programmes. Il apparaît étrange, même aux yeux des néophytes, de présenter deux programmes similaires l'un après l'autre. Immédiatement après les deux productions de caméra cachée, l'Entv laisse place au journal télévisé. Si le téléspectateur peut comprendre que la télévision dispose de peu de temps entre l'appel du muezzin et le journal télévisé pour faire place au rire, certains choix invitent à l'interrogation. « Il y a tellement de caméras cachées qu'on a l'impression qu'ils ont des choses à nous cacher », déclare, goguenard, le réalisateur Larbi Lakehal. Cette année encore, la créativité fait cruellement défaut dans l'« unique ». Certains imputent cette panne d'imagination au décalage entre la Télévision publique et la société, comme si l'Entv avait coupé le lien ombilical avec ses téléspectateurs. « Il faut intégrer l'idée que la télévision ne doit pas rester dans un cadre strictement administratif ou politique, préconise Larbi Lakehal. Il est important d'y associer les professionnels, les sociologues, les psychologues afin de déterminer les besoins des téléspectateurs. » Et de trancher : « On ne sait pas ce que veut le téléspectateur algérien. On ne sait même pas qui il est. » Le principal problème serait, sans doute, le verrouillage du champ audiovisuel qui n'incite pas à l'émulation. En résumé, les programmes de la Télévision algérienne est composée de séries sociales et éducatives telles que Saâd El Guet, avec Mohamed Bouchaïb et Abderrahmane Rabhi, Dar da Meziane, une histoire en 34 épisodes qui se déroule dans une région de la Kabylie, l'éternel Djouha et Maouedh wa Hikam, produite par la station de Béchar, qui traite des fléaux sociaux. L'émission « Assab wa awtar wa afkar » revient dans une nouvelle version qui se veut, selon le communiqué de l'Entreprise publique de télévision, un véritable reflet de la société algérienne où se mêlent toutes les contradictions d'un citoyen confronté à des situations inattendues et cocasses. La Télévision algérienne diffusera, par ailleurs, plusieurs feuilletons, notamment deux feuilletons iraniens intitulés Ashab El Kahf et Ibn Sina, un drame social produit par la télévision d'Abu Dhabi Dakirat el Djased, adapté du roman d'Ahlam Mostaghanemi, et quatre feuilletons syriens, à savoir Saad El Waraq, El Soundouq El Assouad, El Qaaqa Ben Amr El-Tamimi et Rayat El Haq. S'agissant des programmes religieux, il est prévu plusieurs émissions dont « Liqua'a El Quanat », « Ala Bassira », « El Tarikh Ibra », « Haie Ala Elfalah » et « Dourousse Dinia ». Les comédiens des sketches chorba seront ainsi les grands absents de ce Ramadhan 2010. Salah Aougrout, figure de proue des sitcoms humoristiques, est plutôt résigné : « Il n'y avait pas de rôle pour moi, nous explique-t-il. On m'a proposé un personnage qui ne colle pas à mon profil, j'ai préféré le laisser à un acteur qui saurait l'interpréter mieux que je ne le ferai. » Son appréciation de la grille des programme est tout aussi apathique : « Il faut dire que je ne regarde pas trop la télévision, à peine si je vois la caméra cachée et je cours à la mosquée pour la prière de taraouih ».