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Un peuple indépendant en mal de souveraineté (2e partie et fin)
Publié dans El Watan le 13 - 07 - 2020

D'une constitution l'autre avec un seul et unique dénominateur commun, la pérennité du pouvoir en place
Depuis son indépendance, l'Algérie a connu quatre constitutions adoptées respectivement en 1963, 1976, 1989 et l'actuelle loi fondamentale de 1996, révisée à de multiples reprises.
A peine adoptée, la constitution du 19 septembre 1963 se voit très vite piétinée par le Président Ben Bella qui s'arroge d'autorité des pouvoirs exorbitants face à une opposition très virulente émanant notamment de dirigeants historiques de la révolution qui dénoncent un populisme débridé, le pouvoir personnel, la démagogie et le culte de la personnalité érigés en idéologie d'Etat, le mythe du zaïm.
Le 19 juin 1965, Ben Bella est renversé par son ministre de la défense nationale, bras armé du clan d'Oujda, le Colonel Houari Boumédienne. En fait, Ben Bella n'a été qu'un instrument propre à servir les desseins de Boumédienne qui, au lendemain de l'indépendance, voulait donner au regard du monde un visage civil à un pouvoir d'essence éminemment militaire.
Le coup de force du 19 juin 65 est qualifié par euphémisme de « redressement révolutionnaire ». Les hauts gradés de la hiérarchie militaire rentrent officiellement et publiquement dans une lutte de clans sourde et brutale. Le Conseil de la révolution, instance suprême de direction et de décision, s'accapare du pouvoir, de tous les pouvoirs, au nom de la légitimité révolutionnaire.
Le 19 juin 1965, aura mis à nu les limites de l'Etat-nation édifié après l'indépendance et le parti pris flagrant de l'armée dans l'exercice du pouvoir, alors que sa mission constitutionnelle est de veiller à la sécurité et à l'intégralité territoriale du pays. En réalité, l'Algérie postindépendance aura vécu son deuxième coup d'Etat après le premier, celui qui vit l'entrée en force de Ben Bella à Alger avec l'appui de l'armée des frontières.
Le coup d'Etat militaire de 1965 fera date dans l'histoire. Il a dévoilé au grand jour la nature d'un régime adossé à une logique de pouvoirs et de clans, bien éloigné des valeurs de Novembre. Le rêve d'une Algérie démocratique n'est plus qu'un rêve. Plus de loi fondamentale, plus de représentativité populaire. Le peuple exclu, interdit de parole, suit la cours des événements en simple spectateur. La dérive totalitaire ne fait plus de doute.
La constitution de 1976 ou l'idéologie nationaliste au service du système
Pendant plus d'une décennie après le coup de force de 1965, l'Etat algérien s'est dispensé de toute constitution, celle de 1963 ayant été suspendue. Un systéme politique militarisé a été mis en place pour assurer la direction du pays avec pour bras séculier, le parti unique du FLN. Le conseil de la révolution légifère par ordonnance. Faute de texte constitutionnel, c'est « la légalité révolutionnaire », notion vague et insaisissable, qui en tiendra lieu.
La proclamation du 19 juin 65 déclare en substance : « Le conseil de la révolution s'attachera à réunir les conditions pour l'institution d'un Etat démocratique sérieux, régi par des lois et basé sur une morale, un Etat qui saura survivre aux gouvernement et aux hommes ». Un tel engagement ne pouvait se réaliser en l'absence d'une constitution, socle juridico-politique de l'Etat projeté. Le 22 novembre 1976, une nouvelle constitution entre en vigueur tandis que le Président du conseil de la révolution, en l'occurrence le Colonel Houari Boumédienne, candidat unique, se fait élire Président de la république avec un score à la soviétique.
Fondamentalement, la constitution de 1976 s'inscrit dans le continuum de celle de 1963, en ce qui concerne la dominance du parti unique sur la vie politique et sociale du pays. En lui et sur lui se concentre l'essentiel du régime politique. Conformément au principe de l'unicité du parti et de l'Etat, les pouvoirs exécutif, législatif et judicaire se réduisent à de simples fonctions soumises au contrôle du parti. Malgré la reconnaissance de principe des droits et des libertés individuelles et collectives, le systéme de parti unique étouffe toutes divergences d'opinion, tout esprit critique. La constitution, creuset où se noue le pacte de confiance gouvernants-gouvernés, échappe à la volonté souveraine du peuple. Son adoption par référendum n'est nullement un gage de la réalité du sentiment populaire. Le monopole de la pensée unique, corollaire du système de parti unique, s'est imposé en chape de plomb à la société entière. Le droit souverain, imprescriptible et aliénable du peuple, a été dilué dans la confusion savamment entretenue entre « souveraineté nationale », « souveraineté de l'Etat » et « souveraineté populaire ».
Un Etat national en mal de légitimité.
La caution populaire reste et demeure la plus ferme assise de tout pouvoir politique, sachant que la confiance Etat-citoyen en constitue le ciment à l'origine du pacte social. Ce ne fut pas tant s'en faut, la norme de gouvernement depuis l'indépendance. Les coups de force électoraux qui ont entaché les différents scrutins ont largement dépassé l'art du trucage et de la fraude en la matière dont s'est rendu coupable le gouverneur général Naegalen lors des élections municipales d'avril 1948 que les militants nationalistes dénoncèrent avec la dernière des ardeurs.
Faute d'élections crédibles, loyales et régulières, le pouvoir en Algérie a toujours souffert d'un manque de légitimité. L'expression de la volonté populaire bannie des urnes a depuis bien longtemps jeté le discrédit sur les institutions élues. Le continuum nation-Etat implique avant tout un Etat souverain régi par des règles de fonctionnement démocratiques où les élections sont libres, équitables et sans reproche.
Le système Etat-parti, exempte de contre-pouvoirs institutionnels, porte les germes de sa propre destruction à terme, dans la mesure où tôt ou tard la rue s'érige, par défaut, en contre-pouvoir.
Les violentes émeutes d'octobre 1988 à travers tout le pays, en sont la preuve à plus d'un titre. Le peuple et notamment sa frange juvénile a investi la rue pour crier haut et fort son rejet du système de parti unique incarné par le FLN qui, avec l'armée en arrière-plan, encadre de manière autoritaire la société dans son ensemble.
Les émeutiers se sont attaqués essentiellement aux symboles de l'Etat ainsi qu'aux sièges des structures centrales et locales du FLN qui à lui seul cristallisait toutes les colères. Dans l'engrenage de la violence, l'hebdomadaire « Algérie actualités » du 24 novembre 1988 écrit: «Les enfants d'octobre 1988 ressemblent étrangement à ceux du 8 mai 1945, à ceux de novembre 1954, à ceux de décembre 1960…Entre tous ces enfants, il n'y a pas qu'une ressemblance, il y a identité de revendication… »
L'onde de choc d'octobre 88 marque la fin d'une époque. La crise d'Etat, sociale et politique, est profonde. Elle est la preuve sanglante que les dirigeants du pays quel que soit leur clan, ne connaissent pas leur propre peuple, à force d'en avoir ignoré ces aspirations profondes. Le passer outre à la volonté populaire a crée un fossé immense entre la classe politique et le peuple, corps de la nation. C'est bien là l'expression d'une situation où l'Etat inquisiteur est partout présent dans la société et la société nulle part dans l'Etat. Un Etat désincarné, frappé d'autisme, à l'écoute de lui-même. Une république ne part se construire dans la négation du peuple.
La constitution de 1989 ou l'ancrage d'un projet démocratique inabouti, inaccompli et inachevé
La constitution du 23 février 1989 sonne la fin d'un système politique non représentatif mis en place au lendemain de l'indépendance, dénué de légitimité démocratique, porté par un unanimisme populiste, à l'ombre tutélaire du FLN et de l'institution militaire. C'est la rupture avec le système de parti unique auquel les constitutions de 1963 et 1976 ont consacré une place privilégiée dans le dispositif institutionnel de l'Etat. La mutation politique vers le multipartisme consacre le principe de la légitimité élective en substitution au principe de la légitimité révolutionnaire et son corollaire, « le consensus totalitaire ».
L'ouverture politique de 1989 a donné naissance à de nombreux partis le plus souvent sans ancrage social par absence de militants, puisque leur création se suffisait de 15 membres fondateurs seulement. La fragmentation du champ politique et son émiettement en une multitude de partis aboutit à un multipartisme débridé. Le parti du FLN si décrié se réinsère dans le nouveau paysage politique. Dans un contexte de guerre des clans larvée, il ne se départira ni de ses attaches avec l'institution militaire ni de son rôle d'intermédiation politique dans une conjoncture où vont se redéfinir les rapports entre l'Etat formel représenté par le gouvernement, expression du pouvoir exécutif, et l'Etat réel qu'incarne la haute hiérarchie militaire avec toutes les subtilités relationnelles qui en découlent.
Si la constitution de 1989 se caractérise par un gain démocratique évident, le pluralisme politique n'a pas pour autant produit les résultats escomptés. Le remède a été pire que le mal. A l'exception de quelques rares partis représentatifs d'une opposition authentique, tous les autres, issus d'une création du pouvoir, vont complètement fausser le jeu politique. Contrairement aux apparences, la mécanique du système a réussi avec leur complicité à maintenir son emprise sur les rouages de l'Etat.
L'introduction du multipartisme dans la vie politique de la nation n'a guère favorisé l'alternance au pouvoir, gage d'un régime démocratique vivant et fonctionnel. La majorité des partis n'ayant le plus souvent à défendre que le nom, a très vite donné une image répulsive de la vie politique partisane. Le pouvoir y trouvait son compte à manipuler ces partis en coquilles vides dont le peuple, conscient des enjeux, s'en détournait complètement.
Le FLN, fortement ébranlé par les événements, s'est prêté à un jeu d'opposition critique vis à vis du pouvoir en place. Dans ce système pseudo-démocratique, la séparation des pouvoirs, n'est qu'une chimère. L'Etat démocratique en trompe-l'œil issu de la constitution de 1989 va ouvrir la voie à des dérives chaotiques qui déboucheront sur une crise politique autrement plus grave que celle inhérente aux événements d'octobre 1988.
L'évolution historique de l'Etat national sujette à un constitutionalisme de crise
La constitution du 23 février 1989 n'a pas survécu aux élections législatives de décembre 1991 qui virent la victoire du Front islamique du Salut au premier tour. L'interruption du processus électoral par l'institution militaire et la démission du Président Chadli Benjedid, le 11 janvier 1992, crée un vide politique et institutionnel que la haute hiérarchie militaire va combler, le 14 janvier, par la création du Haut-Comité d'Etat. Dans la tourmente et la succession précipitée des événements, l'Etat d'urgence est proclamé le 29 février. La constitution, les partis politiques et la liberté d'expression sont suspendus. L'Algérie vivra une guerre civile des plus tragiques pendant toute une décennie. La décennie noire.
A chaque crise sa constitution.
La nouvelle constitution adoptée par référendum le 28 février 1996, en vigueur à ce jour, marque une avancée et un recul par rapport au processus de démocratisation engagé en 1989. L'avancée consiste dans la création d'un conseil d'Etat et le renforcement du rôle du juge, notamment le juge administratif, dans le souci de faire prévaloir l'Etat de droit et le respect de la règle juridique. Le recul se situe dans l'institutionnalisation du Conseil de la nation dont l'objectif s'inscrit dans une volonté de contrôle du pouvoir législatif.
La constitution de 1996 a fait l'objet de plusieurs modifications sous la magistrature du Président Bouteflika en 2002, 2008 et 2016, notamment sur le point relatif à la limitation du nombre de mandats présidentiels.
Cette question des plus sensibles va mettre le feu aux poudres à l'occasion de la reconduction de Bouteflika pour un 5éme mandat. Le Hirak, ce mouvement citoyen de contestation à caractère pacifique, se mobilise à l'échelle nationale en février 2019, pour réclamer l'avènement d'une nouvelle république fondée sur l'Etat de droit. Le peuple crie haut et fort son rejet du système. Il revendique sa souveraineté pleine et entière. Celle-ci ne peut réduire à une souveraineté déléguée.
Huit constitutions, matérielles ou formelles, se sont succédées depuis l'indépendance et pourtant la question afférente à la nature du pouvoir continue de se poser avec acuité. Preuve du caractère inachevé de la construction de l'Etat national, social et démocratique, respectueux des libertés fondamentales, que les rédacteurs de l'appel de Novembre appelaient de tous leurs vœux. Force est de constater que l'Etat postindépendance a failli. Toutes les constitutions sans exception ont échoué à résoudre la crise latente que vit l'Algérie depuis 1962. Dans ce constitutionalisme de crises qui affecte cycliquement le système politique national, il ressort clairement que l'Etat dans sa conception, son organisation et sa forme de gouvernance, a atteint les limites historiques de son obsolescence. L'insurrection citoyenne renvoie à la crise de légitimité de l'Etat.
Après 58 ans d'indépendance, le pays est à la croisée des chemins. Les exercices d'équilibrisme, les habillages de circonstance, les demi-mesures, le changement dans la continuité, les écrans de fumée ne font plus recette. Le peuple ne peut être condamné à espérer indéfiniment. Le pays a trop souffert de l'image écornée qu'il en a donné tout au long de ses quatre mandats. Une règne empreint d'impotence et de ridicule, d'autocratie et d'arbitraire, d'impunité et de prédation, de corruption et de mépris. Pendant vingt années,
Bouteflika ne tenait pas ses pouvoirs de la constitution, mais de sa violation systématique.
La nécessité d'une refondation du systéme de gouvernance est criante. Celle-ci doit aller aux racines de la colère du peuple et mettre le citoyen au cœur du systéme politique, abstraction faite des intérêts claniques ou occultes. Faut-il sauver l'Algérie ou le système. Le choix s'impose de lui-même. La sève de la révolution continue d'irriguer la terre éternelle d'Algérie.

Par Djamal Kharchi
Ex Directeur Général de la Fonction Publique
Ecrivain Docteur en sciences juridiques


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