Le palais de la Culture Moufdi Zakaria de Kouba a étrenné son programme spécial Ramadhan, dimanche soir, par la dernière production du dramaturge Cherif Ayad, intitulée Le café du bonheur, El Ghourbi y a mon ami, interprété par la compagnie El Gosto. Après une première prestation réussie de la copie zéro l'année dernière dans le même lieu, Cherif Ayad a reconduit sa conception du café-théâtre avec un spectacle, exhumée du quotidien algérien. C'est au niveau d'une partie du patio du palais de la Culture que des tables et des chaises placées en cercle laissaient deviner en filigrane le concept de la halqua. Le centre est par excellence réservé aux trois comédiens : un jeune chômeur qui rêve d'exil, un vieux propriétaire de café qui ressasse ses souvenirs d'antan, et un illustre intrus qui semble connaître le monde mieux que personne. Un autre petit espace en retrait est réservé au musicien et chanteur, ayant la lourde tâche de restituer le temps de quelques partitions musicales le passé. Le spectacle débute vers 22h30 devant une assistance nombreuse, venue découvrir le dernier cru hilarant de Cherif Ayad. Le décor est planté. Un café datant des années 30 semble redécouvrir sa clientèle après la décennie noire qu'a traversée l'Algérie. Des touristes qui ne sont autres que les spectateurs, sirotent un thé à la menthe sur la terrasse. Un des employés scrute dans les sens la carte géographique. Subitement, des cris stridents de bagarre se font entendre. Le propriétaire du café dit Kada - un grand râleur - chasse pour la énième fois de son établissement El Omri, un jeune désœuvré au look à la Che Guevarra. De là débutera le fil d'histoire plurielle, tirée de la réalité algérienne. Ces quatre personnages aux antipodes différents, vomissent à quelque exception près la même malvie. Le café du bonheur n'est autre que la confrontation de quatre destinées qui excellent à raconter des séquences graves du quotidien algérien, mais d'une manière légère et digeste à la fois. El harraz Dans ces discours lourds de sens, on retrouve plusieurs thèmes qui hantent le quotidien de plusieurs dont, entre autres, le relogement des sinistrés du tremblement de terre de 2003, la révolution agraire, les harraga, les coupures d'eau. Le chanteur et anthropologue Noureddine Saoudi, qui a campé le rôle du chanteur, a revisité quelques titres du comique algérien Rachid Ksentini, dont Quand j'etais dans mon gourbi. Le public a également pu s'enivrer d'autres grands standards du hawzi et du chaâbi, tels que El haraz du regretté El Hachemi Guerrouabi, Tlata zahoua ou mrah, de Reinette l'Oranaise et d'autres titres d'actualité Ana Ghrib, Mata N'stterih, Oualech ya ghezali et Sidi H'bibi Alalay lali. Noureddine Saoudi reconnaît qu'il n'est pas un comédien, mais un intrus. C'est du moins ce qu'il nous confié en aparté. « Cette expérience permet de décaler les horizons. Il y a beaucoup de choses à apprendre dans la vie. J'avoue que je suis plus à l'aise cette année dans mon rôle », dit-il fièrement. Au bout d'une heure et quart de spectacle, la représentation produite par la compagnie El Gosto, mise en scène par Cherif Ayad se termine par l'incontournable chanson de Abkaw âal Righ, suivie de youyous stridents. Si la trame de l'histoire est en elle-même bien ficelée, chapeau bas pour les comédiens qui ont campé leurs rôles avec assurance et pugnacité. Citons Amri Aouane, Tarik Bouarrar, Mohamed Bellag, et Noureddine Saoudi. Il est à noter qu'une mini tournée est programmée dans les jours à venir et ce, à travers 18 wilayas du pays. Sinon, Cherif Ayad promet de reconduire ce genre de concept de la « halqua » environ tous les six mois et ce, en proposant des histoires différentes.