La gêne de Boudjemaâ Haïchour, hier sur la Chaîne III, sur l'ouverture au privé de l'espace audiovisuel exprime bien tout le désarroi du Pouvoir sur ce dossier encombrant : d'un côté, celui-ci sent qu'il n'est plus possible pour l'Algérie de continuer à cultiver le statu quo - ce qui fait d'elle un des derniers de la classe dans le monde -, de l'autre, il redoute que la libéralisation du secteur n'ait des effets « dévastateurs » sur le pays. Le ministre de la Communication n'a pu que se réfugier dans la langue de bois pour dire que « les choses se régleront au moment voulu », exhibant maladroitement deux projets de télévision thématique sous la férule de... l'ENTV. Mais à la décharge de Boudjemaâ Haïchour, ce dossier est du domaine réservé du chef de l'Etat, lequel s'est mis dans la tête que l'ouverture ne profitera qu'au privé « maffieux » et « véreux ». Des gens sensés ont beau lui dire qu'une instance de régulation veillera à la bonne tenue des projets, par le biais de cahiers des charges rigoureux, et que des professionnels sérieux et honnêtes existent dans l'audiovisuel, rien ne paraît le convaincre. Il a manifestement peur de lancer le pays dans cette aventure culturelle, intellectuelle et artistique. Au temps où il était chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche ne s'était pas posé de questions : il avait donné son feu vert sans préalables ni préjugés, car il avait confiance dans la corporation de journalistes et savait que l'Algérie, pour se démocratiser, avait besoin de journaux indépendants. Le temps lui a donné amplement raison. Sa décision de création de la presse de statut privé fut éminemment politique et courageuse. C'est la même vision qui manque aujourd'hui, alors même que l'Algérie de 2005 a évolué et n'est plus celle de 1990 : celle-ci a pu « digérer » les images et les sons déversés en nombre considérable des satellites et n'a, à aucun moment, perdu ses valeurs et son amour pour la patrie. Tout au contraire, le pays a beaucoup évolué grâce à l'universalité venue du ciel et il y aura inévitablement une accélération de cette modernisation, une fois installées des chaînes TV et des radios privées nationales : elles apporteront de la culture, des idées et des émotions. Comme ce fut le cas dans la presse écrite, ces médias finiront, après quelques nécessaires tâtonnements, par trouver leurs marques et coexister d'une manière fructueuse avec les médias audiovisuels publics. Les craintes du chef de l'Etat ne sont nullement fondées à moins que d'autres considérations n'aient, à son niveau, pris le dessus sur l'intérêt général de la collectivité.