Restent trois problèmes essentiels : la volonté politique, le financement et le facteur humain. Il y a environ un mois, après la messe de 20 h, à une heure de grande écoute, soit vers 21 h, les téléspectateurs ont eu la surprise, en suivant le feuilleton Ahmed et Ahmed réalisé par Abderrazak Hellal, d'entendre ces propos dans la bouche d'un personnage : «On est à une époque où une chaîne unique ne peut répondre aux attentes de tous les auditeurs. Le champ audiovisuel doit s'ouvrir. Des chaînes de télé privées doivent être créées.» (Nous citons de mémoire). Le personnage qui parle est campé par Ahmed Ben Aissa, censé être un grand réalisateur connu à l'étranger, et qui rentre au pays pour tourner un film. Ces propos ont été prononcés au cours d'une conférence de presse, en réponse aux questions d'un journaliste qui lui demandait si l'Algérie pourrait continuer à vivre en marge de la modernité et des avancées technologiques avec une chaîne publique unique. La question et la réponse étaient osées. Elles impliquaient une critique implicite du travail fait par la télévision algérienne et du retard énorme qu'elle accuse par rapport à ses rivales venues du ciel. Or, il était impossible qu'une telle critique puisse passer à l'écran sans que l'épisode n'ait été visionné par la direction de l'Entv. Avant-hier, c'est Hamraoui Habib Chawki lui-même qui se livre à une certaine autocritique, tout en rejetant la responsabilité de la situation actuelle sur le cahier des charges qui est dépassé et qui ne répond plus aux exigences du troisième millénaire, à l'heure du numérique, du satellite et de la concurrence féroce qui s'exerce au-dessus de notre tête. Le moins que l'on puisse dire est que HHC était décontracté et nullement agacé par les questions qui se voulaient gênantes et qui visaient à le faire sortir de ses gongs. On ne s'étalera pas ici sur les questions ayant trait aux émissions de télé réalité et qui font le bonheur des chaînes concurrentes outre Méditerranée et au Moyen-Orient, comme Star académie et Qui veut gagner des millions ? En revanche, on retiendra cette annonce par HHC de la création de plusieurs chaînes thématiques : une chaîne culturelle, une pour tamazight , une pour la jeunesse et une parlementaire. Technologiquement parlant, il ne fait aucun doute que le numérique donne la possibilité de créer plusieurs chaînes, ce qui n'était pas le cas avec les canaux hertziens qui limitaient le choix. Restent trois problèmes essentiels : la volonté politique, le financement et le facteur humain. Pour ce qui est de la volonté politique, l'on peut se demander pourquoi c'est justement Hamraoui Habib Chawki qui monte au créneau pour défendre le principe de l'ouverture de l'audiovisuel, lui qui est le patron d'une chaîne publique unique. Il aurait bien pu défendre bec et ongles le statu quo. Pourquoi pas après tout, mais on sent que le Dg de l'Entv lui-même n'est pas satisfait de la situation actuelle et qu'il souhaite travailler dans un cadre plus concurrentiel, tout en souhaitant voir émerger un groupe audiovisuel public comme celui de la BBC britannique et de la RAI italienne. A lire entre les lignes, on peut comprendre par là que HHC n'a pas peur de la concurrence, il pense au contraire qu'elle peut être un facteur de saine émulation pour une production de qualité. Cela dit, l'autre question que l'on peut se poser est la suivante : HHC est-il en phase avec le pouvoir politique sur cette question, sachant que le président de la République a nettement laissé entendre qu'il n'y aurait pas de télévision privée pendant la campagne électorale? Est-ce un ballon sonde que lance HHC? Reste encore à savoir si ce dossier a été discuté en haut lieu, avec le chef du gouvernement et le président de la République. Le ministre de la Communication est-il sur la touche? Côté financement maintenant. HHC a évoqué les différentes sources de financement pour une boîte qui absorbe près de 132 milliards de dinars rien qu'en masse salariale. A chaîne publique, financement public, par le biais du Trésor, mais surtout par les cotisants, c'est-à-dire Monsieur Tout-Le-Monde qui verse 100 DA à l'Entv par le biais de la Sonelgaz. Et puis il y a la publicité. Nous savons tous que c'est cette dernière qui fait vivre les journaux et les chaînes de télé. En d'autres termes, sans pub, il n'y a pas de médias, qu'ils soient écrits ou audiovisuels. Le moins qu'on puisse dire est que les spots de pub sont en train d'envahir le petit écran. Ils sont diversifiés et assez bien faits. Même si le marché n'est pas extensible à l'infini, c'est dans ce gisement qu'il faut creuser pour trouver des financements aux nouvelles chaînes, qu'elles soient publiques ou privées.