Les instructions du gouvernement visant la valorisation des biens des collectivités locales n'ont pas obtenu l'effet escompté. Dans la wilaya de Boumerdès, rares les communes qui ont établi leurs sommiers de consistance ou actualisé les tarifs de concession des biens immobiliers en vue d'augmenter leurs recettes. Malgré le contexte de crise que vit le pays, d'importants biens sont cédés au dinar symbolique tandis que d'autres sont livrés totalement à l'abandon en raison de l'inertie des élus et la complexité de la législation. Dans l'instruction 0096 du 10 mars 2016, le ministère de l'Intérieur s'est montré très critique à l'égard des élus locaux, en les accusant d'avoir «perdu de vue les règles de bonnes gestion de leur patrimoine et n'ont pas toujours su tirer tous les revenus que celui-ci est susceptible de leur procurer.» En effet, au chef-lieu de wilaya, des dizaines de locaux commerciaux, dont des cafés et des restaurants très spacieux, sont cédés depuis des lustres à 4110 DA/mois alors que d'autres ont été sous-loués à coups de millions de centimes par leurs exploitants. En 2019, l'APC a décidé d'augmenter les tarifs à 18 000 DA et de céder de nombreux parkings aux enchères, mais la délibération a été bloquée sous la pression de certains élus proches d'exploitants craignant de perdre leur intérêt. «On avait également exigé à l'entreprise Tahkout 400 DA/j pour chaque bus de transport universitaire stationné dans nos parkings. A l'époque, on avait décidé que plus personne n'aura à occuper les terrasses et les trottoirs gratuitement. Cela pourrait générer 4 milliards de centimes par an aux caisses de la commune. Malheureusement, rien ne s'est traduit dans les faits», dira un élu à l'APC qui déplore la rupture du contrat signé avec un expert pour le recensement des biens de la municipalité. Cette gestion qui ne profite guère à la collectivité est constatée dans plusieurs communes de la région. A Bordj Menaïel, Chabet El Ameur, Issers, Thénia, Dellys, Khemis El Khechna, Naciria, etc., d'importants biens dont des immeubles et de grandes surfaces commerciales peinent à être valorisés et transformées en sources de revenus. Dans ces localités comme partout ailleurs, les droits de place ne sont jamais recouvrés. Pour se défendre, certains élus pointent l'inadéquation des lois avec la réalité. Mohamed Chabla, vice-président à l'APC de Chabet El Ameur, revient sur les difficultés rencontrées pour régulariser les biens de la commune afin de mieux les exploiter ou les céder par adjudication dans le cadre du décret 18-199 du 2 août 2018 relatif à la délégation de service public. «Tout est à refaire. 60% de nos biens ont été réalisés sans permis de construire ni plan de morcellement ou autre acte administratif. Leur nature et leur consistance n'a rien à avoir avec ceux qui existent dans la réalité. Pour remédier à cette situation, nous devons engager un expert foncier, mais rien ne garantit qu'il réussira sa mission», a-t-il expliqué, soulignant que les revenus des biens immobiliers, à l'instar des locaux commerciaux et des appartements, sont insuffisants. «Ils ont été loués sans contrats et la pluparts ne payent rien. L'APC ne peut pas les mettre en demeure car elle ne dispose d'aucun titre de propriété. Cela est valable aussi pour les logements dont la plupart ont subi des modifications et ne peuvent être vendus ni régularisés dans le cadre de la loi 08-15», a-t-il ajouté. Un élu à l'APC des Issers déplore le fait que ce soit la direction des Domaines qui fixe les prix de concession des biens communaux et non pas les élus, précisant ce problème a retardé la concession par adjudication de plusieurs marchés et de crèches. Pour lui, cette anomalie traduit la spoliation des prérogatives des élus et le peu de confiance dont ils jouissent de la part des autorités centrales.