La Grèce souhaite un sommet d'urgence de l'Union européenne (UE) sur la Turquie, a annoncé hier le bureau du Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, cité par des médias. L'appel intervient après l'envoi d'un navire turc de recherche d'hydrocarbures dans une zone disputée de Méditerranée orientale qui a ravivé les tensions entre les deux pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan). «Le ministère des Affaires étrangères va déposer une demande pour un sommet d'urgence du Conseil des Affaires étrangères de l'Union européenne», a déclaré la même source. Ce même jour, le ministre des Affaires étrangères turc, Mevlüt Cavusoglu ,a indiqué qu'Ankara étendra ses recherches gazières en Méditerranée orientale. «A partir de fin août, nous allons délivrer des permis pour mener de nouvelles recherches et des forages dans de nouvelles zones (…) dans la partie occidentale de notre plateau continental», a affirmé le chef de la diplomatie turque, lors d'une conférence de presse à Ankara. «Tout projet qui n'implique pas la Turquie (…) en Méditerranée orientale n'a de chance de voir le jour», a déclaré pour sa part le ministre turc de la Défense, cité par l'agence de presse étatique Anadolu. De son côté, un porte-parole du chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, a, le même jour, exhorté au «dialogue», jugeant la situation «extrêmement préoccupante». «Je ne peux pas vous dire si une décision sera prise aujourd'hui. Mais, bien sûr, nous sommes d'accord sur le fait que la situation en Méditerranée orientale est extrêmement préoccupante et doit être réglée par le dialogue», a déclaré ce porte-parole, Peter Stano. La veille, Athènes a accusé Ankara de «menacer la paix» en Méditerranée orientale, estimant que la présence dès lundi dans cette zone maritime du navire sismique de recherche turc Oruç Reis constitue «une nouvelle escalade grave» et «montrait le rôle déstabilisant» de la Turquie. Ankara a affirmé que ce bateau effectuerait ses recherches du 10 au 23 août dans une zone située entre la Crète, dans le sud de la Grèce, et Chypre et au large de la ville turque d'Antalya. Lundi, le chef du gouvernement grec, Kyriakos Mitsotakis, a évoqué ce sujet avec le président du Conseil européen, Charles Michel, et le secrétaire général de l'OTan, Jens Stoltenberg. «Cette situation doit être réglée dans un esprit de solidarité entre alliés et en accord avec les lois internationales», a ensuite déclaré ce denier sur Twitter. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a dénoncé dimanche les mouvements «extrêmement préoccupants» de la marine turque en Méditerranée après la signature jeudi d'un accord maritime entre l'Egypte et la Grèce. Cet accord vise à délimiter les frontières maritimes entre les deux pays et semble être une réponse à un accord similaire conclu en novembre dernier entre la Turquie et le gouvernement officiel libyen qui siège à Tripoli. Le pacte turco-libyen, aux termes duquel l'espace maritime de la Turquie est considérablement élargi, a suscité l'ire de la plupart des Etats situés en Méditerranée orientale, dont la Grèce. En novembre 2019, le secrétaire d'Etat américain, Mike Pompeo, et son homologue chyprio-grec, Nikos Christodoulides, ont signé une déclaration d'intention afin de renforcer «les relations de sécurité bilatérales, la sécurité en mer et aux frontières, ainsi que la promotion de la stabilité régionale». En décembre de la même année, le Congrès américain a adopté deux projets de loi en soutien à Chypre dans ses différends territoriaux et énergétiques avec la Turquie. L'un lève l'embargo imposé il y a trente ans sur la vente d'armements américains à Nicosie, l'autre renforce l'aide à la sécurité de Chypre tout en condamnant la Turquie pour ses activités de forage au large de l'île. La découverte ces dernières années de vastes gisements gaziers en Méditerranée orientale a aiguisé l'appétit des pays riverains, comme la Grèce,Chypre, la Turquie, l'Egypte et Israël. En 1999, est découvert le champ gazier de Noa au large d'Israël. Suit un vaste processus de forages dans la région. Il a permis la découverte des gisements Mari-B, Dalit, Tamar, Tanin et, à la fin de la décennie, de Léviathan, tous situés dans la zone économique exclusive (ZEE) revendiquée par Israël. En avril 2013, le Liban a lancé à son tour des appels d'offres pour l'exploitation de blocs exploratoires dans sa ZEE. Concernant la Syrie, l'exploration de ses eaux territoriales est pour le moment suspendue à cause de la guerre. Une vente à l'encan de «blocs exploratoires» a été menée début 2011. L'Egypte s'est engagée dans l'exploration de son sous-sol maritime. Fin août 2015, le groupe italien ENI a annoncé avoir trouvé un immense champ de gaz naturel dans les eaux territoriales égyptiennes. Selon ladite entreprise, il pourrait contenir 850 milliards de mètres cubes sur une zone de 100 kilomètres carrés et assurer les besoins de l'Egypte «pour des décennies». La République de Chypre grecque a investi dans des explorations maritimes. En 2011 est découvert le gisement gazier d'Aphrodite par la compagnie américaine Noble Energ. Nicosie a attribué des blocs d'exploration à ENI, à la société sud-coréenne Korean Gas Corporation (Kogas) et au groupe français Total. Le 2 janvier dernier, la Grèce, Chypre et Israël ont, à Athènes, signé un accord sur le projet de réalisation du gazoduc EastMed. D'une longueur d'environ 2000 kilomètres, l'EastMed doit permettre de transporter du gaz naturel depuis les réserves au large de Chypre et d'Israël vers la Grèce, puis vers le reste de l'UE. L'Italie, qui n'est pas représentée à Athènes, a déjà exprimé son intérêt à rejoindre le projet.