Pour Athènes, Ankara et Tripoli «n'ont ni zones maritimes superposées ni frontières communes et, par conséquent, il n'y a aucune base juridique pour conclure légalement un accord de délimitation maritime». La Grèce a appelé, hier, les Nations unies à condamner un accord maritime entre la Turquie et la Libye qu'elle qualifie de «perturbateur» pour la paix et la stabilité en Méditerranée orientale. C'est ce qu'a déclaré le porte-parole du gouvernement, Stelios Petsas, cité par des médias. Athènes «veut que l'accord soit porté à l'attention du Conseil de sécurité» de l'Organisation des Nations unies (Onu) «afin qu'il puisse être condamné», a ajouté le même responsable devant la presse. Le gouvernement de Kyriakos Mitsotakis a envoyé des lettres séparées soulevant la question auprès du secrétaire général de l'Onu, Antonio Guterres, et du Conseil de sécurité onusien, a indiqué Stelios Petsas. Ce dernier a soutenu que l'accord en question est conclu «de mauvaise foi» et demeure «invalide car il n'a pas été approuvé par le Parlement libyen», contrôlé par une faction rivale du gouvernement de Tripoli. Cet accord, qui délimite des frontières maritimes entre les deux pays, «ignore la présence des îles grecques dans cette zone maritime, y compris l'île de Crète, et viole leur droit à créer des zones maritimes comme n'importe quel territoire terrestre», a écrit l'ambassadrice grecque aux Nations unies, Maria Theofili, dans une lettre datée de lundi et adressée au secrétaire général de l'Onu. Et d'observer : «La Turquie et la Libye n'ont ni zones maritimes superposées ni frontières communes et, par conséquent, il n'y a aucune base juridique pour conclure légalement un accord de délimitation maritime». L'accord en question a été signé le 27 novembre à Istanbul par le président turc, Recep Tayyip Erdogan, et Fayez Al Sarraj, chef du gouvernement libyen d'union nationale (GNA), reconnu par l'Onu. Depuis sa signature, la Grèce condamne vivement cet accord, le qualifiant vendredi de «violation du droit maritime international et des droits souverains de la Grèce et d'autres pays». Elle a annoncé l'expulsion de l'ambassadeur libyen à Athènes. Le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, estime que l'accord «a déjà entraîné l'isolement diplomatique de la Turquie». L'accord a été «dénoncé par les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Egypte et Israël», a-t-il dit devant le Parlement grec. «Chantage» et odeur de pétrole Le Premier ministre grec est attendu à la Maison-Blanche le 7 janvier. Son ministre des Affaires étrangères, Nikos Dendias, en contact avec ses partenaires européens et avec l'Egypte sur ce dossier, a estimé que la Turquie a fait du «chantage» à la Libye pour signer cet accord. Il a jugé sur la chaîne télévisée ANT 1 que l'entente turco-libyenne est «clairement» liée aux revers subis par le gouvernement de Tripoli face au maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'Est libyen. Allié du maréchal Haftar, le président du Parlement libyen, Aguila Saleh Issa, qui, selon Athènes, s'est déclaré «contre cet accord», est attendu cette semaine à Athènes. De son côté, le président turc a affirmé, hier, que son pays est prêt à envoyer des troupes en Libye pour soutenir le GNA, aux termes dudit accord. «Si la Libye formule une telle demande, nous pourrons envoyer nos personnels (militaires), surtout que nous avons conclu un accord militaire», a-t-il déclaré. La veille, il a annoncé qu'il envisageait «des activités d'exploration conjointes» avec la Libye au large de Chypre, dans une zone qui recèle d'importants gisements de gaz. «Avec cet accord, nous avons augmenté au maximum le territoire sur lequel nous avons autorité. Nous pouvons mener des activités d'exploration conjointes», a indiqué le président turc lors d'une interview accordée à la télévision publique TRT. Il a ajouté qu'Ankara devrait dépêcher un nouveau navire de forage en Méditerranée orientale et pourrait étendre ses efforts d'exploration à la mer Noire et même aux eaux internationales. Plusieurs bateaux turcs sont déjà à la recherche de pétrole et de gaz au large de Chypre, sujet de tensions avec l'Union européenne dont ce pays est membre, la Turquie occupant la partie nord de l'île. Début novembre, Bruxelles a franchi une nouvelle étape vers l'imposition de sanctions contre Ankara pour ces forages «illégaux», en adoptant formellement un cadre juridique pour cibler les personnes concernées.