Le jeune journaliste Khaled Drareni écope en appel de deux ans de prison ferme. Il a été jugé coupable par la cour des chefs d'inculpation «staliniens» d'«atteinte à l'unité du pays» et d'«incitation à attroupement non armé». Le dossier d'accusation de notre confrère est totalement vide, affirment ses avocats, qui vont interjeter appel. Pour la majorité d'entre eux, l'acharnement contre Khaled Drareni obéit à des considérations extrajudiciaires. Pour d'autres, «le verdict sert à casser la détermination et la bravoure de notre confrère et de tous les journalistes libres du pays». Au début dépités et tristes, la majorité des sympathisants de Khaled ont été écœurés par l'issue qui a été donnée au procès. La Toile s'est d'ailleurs enflammée pour dénoncer le verdict prononcé à l'encontre de Khaled Drareni. Blasés, d'aucuns estiment qu'il ne faut même pas s'attendre à une grâce présidentielle au profit de notre confrère, qui risque de purger la totalité de sa peine. Le cas spécifique de Khaled Drareni et celui des autres confrères incarcérés pour délit d'opinion illustrent, pour certains, une volonté de museler la presse indépendante. Un travail journalistique pratiquement banal peut désormais faire l'objet d'interprétations en «haut lieu» des plus ahurissantes et conduire en prison. Un média ne peut être rendu responsable des lectures des uns et des autres, surtout si le système en place nage en pleine opacité et est marqué par des clivages entre différents clans. Aujourd'hui, l'économie nationale est pratiquement à terre pour cause de pandémie de Covid-19. Une situation exceptionnelle qui aurait dû inciter l'Etat à intervenir en tant que régulateur pour justement aider la presse et éviter de faire bénéficier indûment des titres de la manne publicitaire publique. Comme au temps de Saïd Bouteflika, on préfère visiblement reprendre des méthodes éculées. Pis encore, dès janvier 2021, le monopole de l'ANEP sur la publicité publique sera extrêmement renforcé. Contrairement à ce qui a été avancé par certains courtisans du système, El Watan a construit sa prospérité sans la publicité publique de 1994 à 2013. Ce n'est qu'en 2019 qu'un contrat a été signé avec l'ANEP, vite suspendu après la parution de deux placards. Autant dire que la presse nationale, son économie, son organisation, connaissent une dangereuse régression. Tout laisse présager un durcissement vis-à-vis de la presse indépendante. Le pouvoir en place manque d'assurance et semble craindre une résurgence du hirak à une période critique où le président Tebboune soumet à référendum son projet de réforme constitutionnelle, le 1er novembre prochain. La sentence cruelle infligée à notre confrère Khaled Drareni sera contre-productive.