Au lendemain de la condamnation de Khaled Drareni à 3 ans de prison ferme, le comité de soutien au directeur du site Casbah Tribune a qualifié le verdict d'"énorme faute politique" et appelle à la réhabilitation du journaliste qui, selon le comité, "doit comparaître libre à son procès en appel". "La Cour doit juger les éléments du dossier et rien d'autre. Le salut pour les institutions et l'image de l'Etat passe par là", a soutenu le comité, dans un communiqué sanctionnant la conférence de presse animée hier au siège de SOS Disparus à Alger. La condamnation de Khaled Drareni a "provoqué une onde de choc dans l'opinion publique algérienne" et "relancé une campagne mondiale jamais égalée en solidarité avec un citoyen algérien frappé par une brutale injustice", a-t-il encore souligné. Pour le comité, le rapport de police judiciaire et l'acte d'accusation ne corroborent point les chefs d'accusation retenus contre Khaled Drareni et ses codétenus Samir Belarbi et Slimane Hamitouche, à savoir incitation à attroupement non armé et atteinte à l'intégrité nationale. "Le procès a montré l'absence totale d'éléments matériels à charge pour soutenir que les prévenus ont incité à l'attroupement ou porté atteinte à l'intégrité nationale. Le verdict aurait dû, en toute conséquence, accéder à la demande de relaxe des avocats. Le tribunal en a décidé autrement", a déploré le comité, non sans pointer du doigt le traitement différent réservé par le tribunal à Khaled Drareni en agissant avec lui comme "s'il était jugé pour d'autres faits pour une autre affaire non évoquée lors de l'audience du 3 août". Le comité de soutien à Khaled Drareni dénonce "des interférences et des interventions malveillantes colportées au sommet de l'Etat dans le but de justifier l'incarcération d'un des plus grands professionnels indépendants, qui, des mois durant, a résisté aux intimidations des services de sécurité (4 interrogatoires à la caserne Antar) afin qu'il renonce à sa couverture du mouvement populaire", a commenté le comité. Pour l'avocate Zoubida Assoul, la condamnation de Khaled Drareni à 3 ans de prison "a nui à Drareni, à la justice et à l'image du pays". Aussi, elle a lancé un appel aux Algériens pour se mobiliser pour mettre un terme à ces dépassements car, a-t-elle expliqué, "la liberté de la presse n'est pas une affaire de journalistes seulement mais de toute la société". Pour l'avocat de la défense, Abdelghani Badi, Khaled Drareni est "un journaliste injustement incarcéré". "Parce qu'il a refusé de se soumettre à toutes les pressions des services de sécurité, le pouvoir a décidé de faire taire cette voix libre". Il a remarqué que Khaled Drareni a eu la plus lourde condamnation depuis le début du Hirak et, de son point de vue, sans les interventions du procureur de la République à la télévision publique, du ministre de la Communication et du président Tebboune "un tel verdict ne sera jamais prononcé". "On ne défend pas Khaled Drareni seulement mais surtout la liberté d'expression et celle de la presse", a-t-il soutenu. Membre du comité de soutien à Khaled Drareni, le journaliste Mohamed Iouanoughen a estimé, lui aussi, que "la liberté de la presse est une affaire de toute la société". Pour lui, les journalistes "ne doivent pas se laisser faire" au risque de se voir imposer "la liste de personnalités auxquelles donner la parole comme cela est de mise dans les médias publics". Son collègue d'El Khabar, Mohamed Sidoummou s'est dit être "sous le choc". "C'est une journée noire pour la presse algérienne qui n'a jamais connu une telle condamnation", a-t-il asséné, allant jusqu'à qualifier la condamnation de Drareni de "scandale d'Etat". Pour lui, l'affaire dépasse Khaled Drareni et c'est "l'avenir de la presse qui est en jeu". "Pas de liberté de presse sans libération de Khaled Drareni", s'est-il exclamé. Consterné par la sévérité de la condamnation de Khaled Drareni, l'ancien directeur de publication d'El Watan, Omar Belhouchet, a qualifié le verdict de "catastrophe". "On n'a jamais vu une telle condamnation même durant les années 90. On dirait qu'ils ont affaire à un tranfiquant de drogue ou à un grand bandit". Pour lui, "il y a une volonté chez le pouvoir de mater ce qu'il reste de la liberté d'expression", tout en suggérant aux professionnels de la presse de s'organiser pour faire face à cette "politique répressive du pouvoir à l'égard des médias". Le mouvement de solidarité avec Drareni s'intensifie Les dénonciations de la sévère condamnation du journaliste Khaled Drareni à 3 ans de prison ferme continuent à se faire jour en Algérie comme à l'étranger. La coalition du Pacte pour l'alternative démocratique (PAD) a assuré, dans un communiqué rendu public mardi 11 août, avoir "appris avec consternation le verdict prononcé par le tribunal de Sidi M'hamed à l'encontre du journaliste Khaled Drareni pour attroupement contre l'Etat et atteinte à l'unité nationale, alors qu'il ne faisait que couvrir les manifestations populaires de la révolution citoyenne au mois de mars dernier". Pour le PAD, cette condamnation est "lourde de sens" et trahit "l'absence de volonté du pouvoir de s'incliner devant la volonté de changement démocratique exprimée par des millions d'Algériennes et d'Algériens durant treize mois (...)". "Khaled Drareni et tous les détenus politiques et d'opinion doivent être rendus immédiatement à leurs familles et à leur peuple dans la pleine réhabilitation juridique, sociale, morale et matérielle qui leur est due", a-t-il réclamé. Le président de l'Institut du monde arabe à Paris et ancien ministre français de la Culture, Jack Lang, a assuré, dans un tweet, partager "la forte émotion" suscitée par "la condamnation à trois ans de prison du journaliste Khaled Drareni". "L'Institut du monde arabe a eu le bonheur d'accueillir cette personnalité talentueuse et de grande qualité lors d'un colloque sur la transformation des médias en juin 2019. Ses interventions pertinentes y avaient passionné le public", a-t-il témoigné, non sans rappeler son "attachement constant à la liberté d'expression et à la liberté de la presse". Dans une lettre envoyée au Comité de soutien à Khaled Drareni, Pierre Audin, fils de Maurice Audin, a estimé que l'Algérie "doit se ressaisir et libérer Khaled Drareni". Elle doit aussi, a-t-il insisté, "laisser les journalistes faire leur travail, laisser les citoyens s'exprimer". "Comment Khaled Drareni, fils de moudjahid, neveu de chahid, peut-il être soupçonné de porter atteinte à l'intégrité du territoire national ? Simplement parce qu'il a fait ce que fait n'importe quel journaliste dans le monde, observer, témoigner, communiquer, rendre compte ?", s'est-il interrogé. Arab C.