Constantine vient de perdre une icône, et l'Algérie l'un de ses fils les plus engagés. La nouvelle de la disparition du Pr Abdelmadjid Merdaci est tombée en effet tel un couperet jeudi soir. L'universitaire est mort à l'hôpital Beni Messous à Alger des suites d'une longue maladie. Il avait 75 ans. La disparition de Abdelmadjid Merdaci ne laisse personne indifférent. L'universitaire constantinois était aussi agitateur d'idées, très présent sur les terrains de la réflexion et de l'opinion. Touche à tout, il faisait partie des rares universitaires qui produisaient dans leur domaine et au-delà. Professeur des universités, titulaire d'un doctorat d'Etat en sociologie et d'un diplôme d'études approfondies en «Histoire des civilisations», le Pr Merdaci était enseignant à l'université de Constantine, et auteur prolifique, connu pour ses ouvrages consacrés au Mouvement national, à la politique, à la musique algérienne et à l'histoire de la ville de Constantine. Dans son dernier essai politique, GPRA, un mandat historique, il tente de rendre justice à cette institution, toujours otage d'un imposant silence d'Etat 60 ans après sa naissance, et invite, en conclusion, à «libérer l'histoire des peurs, des mensonges et des occultations.» Elevé avec ses frères et sœurs au quartier mythique de Rebaïn Cherif, dans le Vieux Constantine, Abdelmadjid est né en 1945 à Mila où son père, Hadj Ahcene, était en poste comme magistrat musulman. Il vient tôt à la politique et fait partie des opposants au coup d'Etat contre Ben Bella en 1965 dans le cadre de l'ORP et réprimés durement par le régime putschiste. Sa trajectoire universitaire sera toujours doublée de sa trajectoire politique. Assumant l'idéal progressiste, l'universitaire a toujours fait en sorte d'intervenir dans les débats sur les questions nationales, affichant un patriotisme farouche. Pour ce faire, il signe en tant que journaliste dans de nombreuses publications, notamment depuis l'avènement du pluralisme médiatique, et produit des contributions écrites toujours remarquées dans la presse algérienne. Féru de musique et son premier amour musical, le malouf, il publie aussi le Dictionnaire des musiques et musiciens de Constantine, un outil utile pour les jeunes chercheurs, mais aussi un ouvrage sur le chaâbi, Compagnons de Sidi Gassouma. Contribuant largement à enrichir l'histoire culturelle de sa ville léguée à la postériorité, il écrit aussi Constantine sur scènes – Contribution à l'histoire du théâtre constantinois ; Constantine, citadelle de vertige et Tata, une femme dans la ville. La diversité et la consistance de son œuvre a fait de lui l'intellectuel qu'on regrette aujourd'hui. Dans un communiqué de la présidence de la République, le président Abdelmadjid Tebboune a adressé hier vendredi un message de condoléances à la famille Merdaci, saluant «les contributions du défunt dans l'enrichissement de la pensée et de l'histoire». L'historien Benjamin Stora n'a pas manqué, de son côté, de réagir à la nouvelle en publiant un statut Facebook avec sa photo en compagnie du défunt et ce commentaire : «1er novembre 2014 à Constantine, avec mon frère, mon ami, le grand historien Abdelmadjid Merdaci. Il est mort cette nuit, ma peine est immense.» Peine largement partagée, notamment sur les réseaux sociaux, envahis massivement par un flux d'expressions de tristesse et des messages de condoléances. Le défunt a été enterré hier à Constantine, parmi les siens.