Plusieurs dizaines d'hommes et de femmes ont pris d'assaut, mercredi et jeudi derniers, les sièges de la daïra et de la wilaya ainsi que le complexe omnisports Badji Mokhtar, lieu d'affichage des listes provisoires des bénéficiaires du logement public locatif (LPP). Un quota de 2051 unités annoncé antérieurement après étude et classement des dossiers par la commission de daïra est attendu impatiemment depuis des mois par des milliers de demandeurs de logement. Au premier jour de l'affichage et la publication via Facebook des noms des attributaires, des mécontents ont émis des signes forts de colère et de désespoir. Cris, évanouissements suivis d'évacuations aux différentes structures sanitaires, une tentative de suicide devant le siège de la wilaya, des corps lacérés à l'aide d'armes blanches et émeute à la cité Laâlaouia furent les premières réactions constatées. L'important dispositif de sécurité déployé depuis la nuit de mardi à mercredi et – faut-il noter – le professionnalisme dont ont fait preuve les policiers en tenue officielle et civile ont épargné à la ville l'atteinte aux biens publics et privés. Il n'empêche que les protestataires ont continué pendant deux jours consécutifs à exprimer leur refus des listes. «J'ai un dossier qui remonte à plus de vingt longues années et voilà que je découvre une attribution sommaire à des jeunes de l'âge de mon dernier fils», a vociféré un homme d'un certain âge sorti de la foule qui observait un regroupement imposant devant le siège de la daïra. Brahim Touaf est journalier, handicapé à 85% et son refus de ces listes trouve raison dans un écrit qui lui a été remis par la commission d'étude et dans lequel on lui a signifié que son dossier n'est pas actualisé. Une mention adressée à plusieurs autres postulants dont les points de notation étaient en leur faveur, estime-t-il. C'est d'ailleurs la même impression ressentie du côté des habitants des constructions vétustes de l'ancienne ville. «Nous avons été sacrifiés, nous qui sommes nés à Souk Ahras ou à défaut y sommes résidents depuis plusieurs décennies au profit des constructions illicites et des baraques érigées sous les auspices des tenants de ce marché juteux», a fulminé Mohamed B., un homme d'un certain âge habitant un vieux bâti menaçant ruine. Encore pour les sept familles victimes de sinistres et abritées à titre humanitaire dans les locaux du Croissant-Rouge algérien (CRA), c'est le cas le plus pertinent qui semble tombé de la liste des futurs bénéficiaires, en l'occurrence celle qui occupe depuis deux années le siège principal de ladite organisation humanitaire. Victime d'un effondrement d'une bâtisse occupée antérieurement à titre de prêt, cette famille composée de sept membres, a été bizarrement exclue de la liste des attributaires. Les protestataires qui défendent dans leur majorité le principe de la primauté des cas jugés prioritaires dénoncent la présence en surnombre de personnes à l'abri du besoin et autres qu'ils croient résidents dans d'autres communes, sinon des excès dans le traitement des dossiers de la frange des moins de 35 ans. Une source très au fait du dossier du logement à Souk Ahras a déclaré ceci : «Vous savez pertinemment que l'assainissement des dossiers du logement social est une tâche ardue que l'on supporte avec la ferme conviction que l'on n'est jamais près du point zéro-faute (...) je citerai, à titre illustratif, mes propres présomptions par rapport au nombre jugé excessif de femmes divorcées présentes dans les listes provisoires et qui sont de l'ordre de 141 dossiers retenus ; nous avons eu vent comme tout le monde des divorces à blanc conclus à l'approche des opérations d'attribution des logements, mais les instances concernées n'y peuvent pas grand chose face au risque de pénaliser les authentiques cas sociaux ; nous devons, toutefois, reconnaître un taux zéro pour les grands salariés dont les noms ont été exclus des listes.» C'est à peu près la même logique qui a prévalu pour les autres cas des bidonvilles et des célibataires, décriés par les protestataires. Le wali de Souk Ahras avait promis la veille de l'affichage des listes de prendre en considération toutes les demandes de recours et de ne point lésiner sur les moyens pour répondre aux doléances des demandeurs qui se voient lésés.