Le président du Conseil italien a surpris ses propres ministres, en décidant, le jour suivant le vote administratif, de se présenter à un programme de grande écoute sur la troisième chaîne de la télévision publique Rai, connue pour être le fief de la gauche. Depuis la chute de son gouvernement et l'arrivée de la gauche au pouvoir, le leader de Forza Italia n'avait pas fait son apparition dans un débat contradictoire face à d'autres leaders politiques. Se contentant de lire ses décisions, dans un seul programme très suivi en Italie, animé par un journaliste connu pour être favorable aux positions du gouvernement de droite, M. Berlusconi a créé la surprise, mardi, en descendant dans l'arène politique où l'attendait l'ancien chef du gouvernement de gauche, Massimo D'Alema, et d'autres hommes politiques de l'opposition. Le cavalier, comme on l'appelle ici, a défendu le programme des réformes initiées par son parti et a reconnu, tout de même, la victoire de l'Union, nom donné à la coalition de centre gauche dirigée par l'ancien président de la Commission européenne et du Conseil italien, Romano Prodi. Non seulement l'homme le plus riche d'Italie a affirmé reprendre en main, lui-même, les affaires de son parti Forza Italia afin de redorer son blason, mais il a fait clairement comprendre qu'il compte se porter de nouveau candidat aux élections politiques de 2006. Son adversaire D'Alema, avec la verve qui lui est connue, n'a pas manqué de lui rappeler : « Voyez que nous, nous ne demandons pas des élections anticipées, comme vous l'aviez fait. Moi, j'ai présenté ma démission après notre défaite. » Il faut dire que le Premier ministre italien n'avait plus le choix, après que la défaite de la droite eut créé un malaise parmi ses propres alliés. Son bras droit et ministre des Affaires étrangères, Gianfranco Fini, leader de l'Alliance nationale, avait reconnu, lundi, la défaite de sa coalition, sans détours. « Le gouvernement n'est pas faible, il faut changer pour gagner », a affirmé, hier, l'allié de Berlusconi. Adressant un reproche à peine voilé à Berlusconi, il a ajouté : « On peut vaincre, d'ici un an, mais pas en disant qu'il y a un danger communiste ou fasciste. » Il faut dire que même les alliés les plus inconditionnels de Berlusconi ne lui ont pas épargné des critiques sur ses choix en matière de politique sociale et de réformes, jugées trop libérales et à l'avantage des seuls entrepreneurs. Désormais, selon certains analystes, la gauche s'imposera comme alternative crédible à la coalition de droite, au pouvoir en Italie, à en croire les résultats des dernières élections administratives, qui ont vu la majorité au gouvernement lourdement battue. Une campagne sous le mot d'ordre « L'union des diversités » a été la carte gagnante de la gauche, qui a arraché la déterminante région du Latium (Rome) au parti de l'Alliance nationale, avec la victoire Pierro Marazzo, un candidat qui était, il y a à peine quelques mois, un simple animateur d'un programme de la télévision publique Rai. Même les communistes ont eu une bonne part dans ce vote, puisqu'il ont pu faire élire, pour la première fois, un président de région (Les Pouilles) communiste, responsable de l'association Arcigay et homosexuel déclaré, avec Nichi Vendola. « Le grand séducteur n'enchante plus », écrit le quotidien de gauche La Repubblica, dans son commentaire publié hier sous le titre « L'Italie a changé ».