Sorti nettement vainqueur des élections législatives italiennes, l'ancien président de la Commission européenne, Romano Prodi, revient au pouvoir et tentera d'incarner le retour d'une Italie sérieuse et crédible après cinq ans de “berlusconisme”. L'Union de la gauche dirigée par Romano Prodi a remporté hier la majorité dans les deux chambres du Parlement italien avec un score allant de 50% à 54% des voix contre 45% à 49% à la coalition de Silvio Berlusconi, selon les premiers sondages à la sortie des urnes. Ces sondages ont été réalisés par la société spécialisée Nexus pour le compte des deux groupes de télévision Rai et Mediaset et ils ont une marge d'erreur de plus ou moins 2%, a précisé un responsable. L'Institut Piepoli a effectué un sondage pour la chaîne de télévision d'information en continue Sky TG24 qui donne à la coalition de M. Prodi 52% des voix contre 47 à la coalition de Silvio Berlusconi. Au cours de la campagne, “Il Professore”, un économiste austère âgé de 65 ans, n'a jamais compté sur son charisme pour l'emporter face au sourire éclatant du “Cavaliere” Silvio Berlusconi. Quand son adversaire, roi du marketing politique et des coups médiatiques, promettait de nouvelles coupes dans les impôts pour séduire des Italiens touchés par la hausse du coût de la vie, Romano Prodi insistait sur l'assainissement des finances publiques, la lutte contre l'évasion fiscale et le retour de la morale en politique, dans un pays devenu, selon lui, “un self-service” gangrené par les intérêts particuliers. Les Italiens n'auront pas été surpris par ce discours, prononcé sur le ton de l'évidence, avec un regard rieur protégé par de grosses lunettes carrées. Car le parcours de Romano Prodi, partisan d'un Etat présent dans le social mais pas du tout effrayé par le libéralisme économique, a souvent été marqué par les missions douloureuses. En 1982, quatre ans après avoir été ministre de l'Industrie dans un gouvernement de démocrates-chrétiens, l'ancien élève de la London School of Economics se voit confier les destinées de l'Institut pour la reconstruction industrielle (IRI), la plus importante holding publique italienne. À la tête du mastodonte (450 sociétés, 400 000 employés) criblé de dettes, il accélère privatisations et dégraissages qui lui permettent de redresser les comptes. Une décennie plus tard, le technicien entre en politique à cinquante ans passés, dans la foulée du gigantesque scandale de pots-de-vin révélé par l'opération judiciaire “Mains propres”. Tirant profit de son indépendance par rapport aux anciens partis balayés par les soupçons de malversations, il prend la tête d'une coalition de centre gauche et remporte les élections législatives en 1996. Premier chef d'un gouvernement orienté à gauche depuis l'après-guerre, il donne là encore la priorité à la baisse des déficits publics pour faire entrer son pays dans l'euro, dès 1999. Malgré les prédictions pessimistes, il tient son pari, au prix d'un impôt exceptionnel et de lois de finances ultra-rigoureuses. Ulcéré par ce mauvais coup, Romano Prodi, qui a pris goût aux batailles politiques, fonde son propre mouvement (Les Démocrates) pour prendre sa revanche. Appelé pour diriger la Commission européenne, il accepte cependant de suspendre l'aventure politique pour un destin à Bruxelles. Depuis deux ans, Romano Prodi avait surtout travaillé à ressouder le centre-gauche pour réunir une dizaine de partis sous la même bannière, des communistes qui l'avaient lâché en 1998 aux centristes catholiques. Le défi qui l'attend désormais est peut-être plus rude encore que l'affrontement virulent qui l'a opposé à Silvio Berlusconi, pour lequel il ne cachait plus son aversion. K. A./Agences