Le projet de révision de la Constitution sera soumis au suffrage universel aujourd'hui. Des opposants au régime, à l'instar de Me Zoubida Assoul, estiment que ce projet de révision constitutionnelle a donné des «pouvoirs pharaoniques» au président de la République : il contrôle tous les leviers de décision : il est le chef du pouvoir exécutif et même celui du pouvoir réglementaire. Le projet de révision de la Constitution, qui sera soumis aujourd'hui au suffrage populaire, renferme certes de nouvelles dispositions, mais qui seront, selon des hommes de loi, «difficilement» applicables sur le terrain. Ce chantier, l'un des plus chers au président de la République, Abdelmadjid Tebboune, ne fait pas, il faut le dire, l'unanimité au sein de la population. Le chef de l'Etat avait promis de doter l'Algérie d'une nouvelle Constitution qui lui épargnerait de tomber de nouveau dans «le pouvoir personnel» et permettrait de satisfaire les revendications du hirak, seulement, de l'avis des acteurs politiques, cette nouvelle Constitution offre des «prérogatives pharaoniques» au Président, ce qui n'est pas fait pour arranger les choses. Parmi les principaux amendements proposés dans cette nouvelle Loi fondamentale figure le poste de Premier ministre ou de chef de gouvernement. Le comité d'experts a prévu un Premier ministre si la majorité échappe au président de la République et un chef de gouvernement dans le cas contraire : ainsi, l'article 103 stipule que «le gouvernement est dirigé par un Premier ministre lorsqu'il résulte des élections législatives une majorité présidentielle» et «par un chef de gouvernement lorsqu'il résulte des élections législatives une majorité parlementaire». Conséquemment, «s'il résulte des élections législatives une majorité présidentielle, le président de la République nomme un Premier ministre et le charge de lui proposer un gouvernement et d'élaborer un plan d'action pour la mise en œuvre du programme présidentiel qu'il présente au Conseil des ministres» (article 105). Par contre, «s'il résulte des élections législatives une majorité autre qu'une majorité présidentielle, le président de la République désigne un chef de gouvernement issu de la majorité parlementaire et le charge de former son gouvernement et d'élaborer le programme de la majorité parlementaire» (article 110). Pour ce qui est du parlementaire, il jouit, selon l'article 129, de l'immunité pour les actes rattachés uniquement à l'exercice de sa fonction. L'autre nouveauté prévue dans le texte est la limitation du nombre de mandats de député (deux mandats). La création du poste de vice-président, une proposition qui a fait couler beaucoup d'encre, n'a pas été retenue dans la mouture finale. En revanche, celle relative aux mandats présidentiels est maintenue. L'article 88 dispose que nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels «consécutifs» ou «séparés». Pour briguer la présidence de la République, le candidat doit être de nationalité algérienne d'origine, et justifier la nationalité algérienne d'origine de son père et de sa mère. Il doit avoir 40 ans révolus, et n'avoir jamais obtenu une nationalité étrangère. Selon l'article 223, tamazight fait partie des articles qui ne peuvent pas faire l'objet d'une révision constitutionnelle. Sans surprise, l'article relatif à l'officialisation de tamazight comme langue nationale et officielle est maintenu dans le projet préliminaire de la révision constitutionnelle (article 4). Ce qui a suscité le tollé des islamistes. «Constitutionnaliser le clientélisme» S'agissant du rôle de l'armée, l'autre article qui a divisé les Algériens, le projet de révision constitutionnelle précise dans son article 30 que l'ANP «défend les intérêts vitaux et stratégiques du pays conformément aux dispositions de la Constitution». Cette disposition s'ajoute à celles déjà existantes dans l'actuelle Constitution. Concernant l'envoi de troupes à l'étranger, l'article 31 dispose que «l'Algérie peut, dans le cadre du respect des principes et objectifs des Nations unies, de l'Union africaine et de la Ligue arabe, participer au maintien de la paix». Plus loin, dans les prérogatives du président de la République, il est précisé que ce dernier peut «décider d'envoyer des unités de l'Armée nationale populaire à l'étranger après approbation du Parlement à la majorité des deux tiers de chaque chambre». Le projet, qui sera soumis aujourd'hui à référendum, prévoit une nouvelle composition du Conseil supérieur de la magistrature dans laquelle ne figure plus le ministre de la Justice, le remplacement du Conseil constitutionnel par une Cour constitutionnelle, l'adoption du régime de déclaration pour la création d'associations ou de journaux écrits, la réparation des victimes de détention provisoire arbitraire... Zoubida Assoul, avocate, estime que ce projet de révision de la Constitution a donné des «pouvoirs pharaoniques» au Président, il contrôle tous les leviers de décision : il est le chef du pouvoir exécutif et même celui du pouvoir réglementaire. Il est chef suprême des armées et ministre de la Défense. Le Président nomme à tous les postes civils, militaires, diplomatiques, administratifs, dirigeants des autorités de régulation. La Cour constitutionnelle est sous sa coupe. Cet avis est partagé par plusieurs partis politiques qui pensent qu'il y a une tentative de «constitutionnaliser» le clientélisme à travers la création de plusieurs institutions consultatives, notamment l'Observatoire de la société civile, le Conseil national de la jeunesse, le Haut conseil islamique, le CNES, etc. Les droits et libertés sont garantis dans l'absolu par l'Etat mais toujours soumis aux lois qui vont les verrouiller. Advertisements