Encore une fois, l'Algérie replonge dans une période lourde d'incertitudes. Mais cette fois, d'une manière particulièrement paradoxale, qui voit la conjonction de situations à la fois inédites et déjà vécues. D'abord par un très faible taux de participation au référendum pour la révision de la Constitution, le plus faible sans doute depuis l'existence de la consultation populaire chez nous. Et ensuite par la maladie du président Abdelmadjid Tebboune, une situation déjà vécue par les Algériens sous le régime de son prédécesseur, son absence de la scène politique nationale à l'occasion de cet événement électoral dont beaucoup au sein du pouvoir réel, et en premier lieu le chef de l'Etat lui-même, espéraient en faire un large plébiscite. Avec comme objectif d'effacer des mémoires la faible participation populaire à l'élection présidentielle du 12 décembre 2019 et le déficit de légitimité qui en a découlé. Tout cela sur fond de pandémie de coronavirus, un contexte jamais vécu auparavant, mais qui n'explique pas les raisons de la défection des Algériens face aux urnes. Défection qui s'est illustrée par une chute de 16 points par rapport à l'élection présidentielle du 12 décembre 2019 ! On est donc bien loin du plébiscite envisagé par les «spin doctors» de la Présidence qui escomptaient combler le déficit de légitimité du président Tebboune, un peu à l'image du référendum élaboré pour l'adoption de la charte pour la réconciliation nationale organisé dans la foulée de l'élection en 1999 de Abdelaziz Bouteflika, qui ne voulait pas et n'entendait pas être, selon sa propre expression, «un trois quarts de Président». Seulement voilà, les deux contextes ne sont pas les mêmes et les personnalités n'ont pas le même charisme. Et surtout qu'entre les deux, un mouvement populaire d'ampleur inédite a pris forme le 22 février 2019, balayant sur son passage le régime du premier et ses prétentions autocratiques. Une lame de fond qui voulait la remise en cause du système et appelait à la rupture avec les pratiques autoritaires qui privilégient le clientélisme, la sauvegarde des intérêts de clans en tolérant, sinon en encourageant la prédation à grande échelle des richesses de la collectivité nationale. Mais de cette rupture avec le système qui a permis le maintien et la reconduction d'un régime autoritaire comme celui de Bouteflika durant deux décennies, le pouvoir réel n'en voulait pas, même s'il a concédé au «hirak» une vertu salvatrice et son caractère béni qui ont empêché la mise en place d'un régime autocratique. C'est à partir de là que s'est opérée la coupure avec le mouvement populaire de contestation, qui ne voulait plus et n'en plus de ce système usé et dépassé. Préférant le formalisme institutionnel au réel changement démocratique, le pouvoir s'est attelé à mettre en coupe réglée la contestation populaire par le harcèlement sécuritaire et l'instrumentalisation de la justice à l'encontre de militants du hirak, de partisans des droits de l'homme, de cyberactivistes... En tournant le dos au hirak et en envisageant «une solution par le haut» à la crise multidimensionnelle que traverse le pays, plutôt qu'en associant d'une manière la plus large, la plus démocratique possible le mouvement de remise en cause du système, le pouvoir ne pouvait s'attendre à d'autres résultats que ceux auxquels il doit faire face aujourd'hui. Comment pouvait-il en être autrement, quand le régime actuel s'appuie sur les résidus de l'ancien système pour effectuer des changements qui ne sont en fait que des replâtrages, des opérations cosmétiques d'un système rejeté par la vox populi ? Aujourd'hui, beaucoup s'interrogent de façon tout à fait légitime sur la continuité de l'Etat, des institutions, dans un contexte aussi incertain, né encore une fois de fuites en avant et de la recherche d'un statu quo éphémère et trompeur. Les risques de nouvelles crises ne sont pas totalement écartés. Advertisements