Les Américains se sont réveillés hier de la présidentielle sans connaître le nom de leur Président après avoir fait leur choix la veille. Une première depuis 2000. Ils doivent encore attendre pour savoir lequel du démocrate Joe Biden ou du président sortant, le républicain Donald Trump sera le 46e président des Etats-Onis, car l'opération de dépouillement n'est pas terminée. L'élection a suscité la plus forte participation depuis que les femmes ont le droit de vote : 160 millions d'Américains ont voté, soit une participation estimée à 66,9%, contre 59,2% en 2016, selon le US Elections Project. Des Etats sont débordés par le nombre de bulletins envoyés par correspondance, dont le dépouillement pourrait dans certaines villes prendre plusieurs jours. Le spectre de plusieurs journées d'incertitudes et de batailles judiciaires hante désormais le pays de l'Oncle Sam. Le nom du Président qui prêtera serment le 20 janvier prochain est suspendu aux résultats de plusieurs Etats-clés. Un scénario potentiellement plus complexe qu'en 2000, quand l'élection dépendait de la seule Floride. A l'époque, la Cour suprême a fini, plus d'un mois après le scrutin, par intervenir pour mettre fin à l'opération de recomptage et déclarer le républicain George W. Bush face au démocrate Al Gore. Les deux candidats se sont exprimés hier sur l'issue du scrutin. Ainsi, Joe Biden a affirmé qu'il est «en bonne voie de gagner». «Gardez la foi, nous allons gagner !» a indiqué l'ancien vice-président américain devant des partisans dans son fief de Wilmington, dans le Delaware. «Nous pensons que nous sommes en bonne voie de gagner cette élection», a-t-il déclaré appelant à la patience. De son côté, Donald Trump s'est déclaré vainqueur alors que l'opération de dépouillement n'est pas terminée. «Honnêtement, nous avons gagné l'élection», a-t-il soutenu lors d'une allocution depuis la Maison-Blanche. Evoquant une «fraude», il a réclamé que «tous les votes cessent» et assuré vouloir saisir la Cour suprême. Auparavant, il a accusé les démocrates d'essayer de «voler l'élection», dans un message contre lequel Twitter a immédiatement mis en garde ses utilisateurs, estimant qu'il pouvait être «trompeur». Un peu plus tard dans la journée, la cheffe de campagne de Joe Biden a qualifié de «scandaleux» et«sans précédent» les propos de Donald Trump, Dans un communiqué, Jen O'Malley Dillon a affirmé que les démocrates sont prêts à «combattre» en justice, si le président républicain saisit la Cour suprême, comme il l'a annoncé en évoquant une «fraude», mais sans livrer aucun élément concret. «La déclaration du Président ce soir à propos d'arrêter le décompte de bulletins dûment déposés était scandaleuse, sans précédent et incorrecte», a-t-elle écrit. «Joe Biden et Kamala Harris, sa colistière, défendront le droit de tous les Américains de voir leur vote pris en compte, peu importe pour qui ils ont voté», a-t-elle ajouté. Et de poursuivre : «Nous sommes encore confiants qu'une fois le processus achevé, Joe Biden sera le prochain président des Etats-Unis.» Elle a affirmé que «si le Président met sa menace de se tourner vers les tribunaux pour essayer d'empêcher le comptage correct des votes à exécution, nous avons des équipes de juristes prêtes à être déployées pour combattre ces efforts». Pour la cheffe de campagne démocrate, «ce sont les Américains qui décideront de l'issue de cette élection». Voix discordantes Un peu plus tard dans la journée, la guerre des mots reprend. Entre les deux camps. «Hier soir (mardi, ndlr), j'avais une bonne avance, dans de nombreux Etats-clés», a tweeté Donald Trump. «Puis, un par un, ils ont commencé à disparaître magiquement avec l'apparition et le comptage de bulletins surprise.» Il s'agit en réalité du dépouillement de bulletins arrivés par courrier, qui pourraient mettre plusieurs jours à être comptés dans certains Etats. Il a aussi relevé que les sondeurs se sont trompés pour cette élection de façon «historique». Peu après, son adversaire a promis une lutte «sans répit jusqu'à ce que chaque bulletin soit compté» sur Twitter. Les équipes de campagne des deux hommes ont chacune défendu leurs candidats lors de conférences téléphoniques avec la presse. «Si nous comptons tous les bulletins légaux, nous pensons que le Président gagnera», a déclaré Bill Stepien, le directeur de campagne de Donald Trump. Mais il a souligné que les marges semblent suffisamment minces dans le Wisconsin, l'un des Etats les plus disputés, pour justifier un recomptage des voix. De son côté, la directrice de campagne de J. Biden, Jen O'Malley Dillon, a affirmé que le démocrate est en avance dans suffisamment d'Etats pour atteindre les 270 grands électeurs nécessaires pour qu'il devienne président des Etats-Unis. «C'est une conclusion assurée», a-t-elle déclaré. Les chances de chacun Le président sortant a conservé la Floride, ainsi que le Texas, bastion conservateur qui a un temps semblé menacé, et l'Ohio. Mais l'incertitude demeure quant à décrocher un second mandat : il doit encore remporter l'essentiel des autres Etats-clés qui ont contribué à sa victoire surprise de 2016. Aussi, Joe Biden dispose des chances pour arracher la victoire. Il est donné vainqueur par certains médias dans l'Etat crucial de l'Arizona, remporté par Donald Trump en 2016, bien que le dépouillement n'y soit pas encore terminé. Il semble en bonne posture dans le Nevada. Si cela se confirme, il devra désormais gagner au moins deux ou trois des Etats disputés du Nord industriel (Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin) et de l'Est (Géorgie, Caroline du Nord), tous ayant été remportés par Donald Trump il y a quatre ans. Et dans ces Etats, le dépouillement se poursuivait hier. Dans le Nord industriel (Wisconsin et Michigan), au petit matin, l'écart entre Donald Trump et Joe Biden s'est réduit, au fur et à mesure que les agents électoraux comptaient les bulletins arrivés par courrier. Mais dans ces Etats, ainsi qu'en Pennsylvanie, les analystes pensaient que les bulletins restant à ouvrir seraient majoritairement pour le démocrate. En Pennsylvanie, Donald Trump avait hier près de 700 000 voix d'avance au total, mais il reste encore 1,4 million de bulletins envoyés par courrier à compter. En amont du scrutin, la Cour suprême a déjà été saisie de plusieurs recours portant sur les votes par correspondance. Les républicains de Pennsylvanie lui ont notamment demandé d'empêcher le décompte des bulletins postés avant mardi soir mais qui arriveraient dans les trois jours suivant l'élection. La haute juridiction a refusé de se prononcer en urgence, mais si le résultat est serré, elle devra examiner le fond du dossier et dire s'il faut invalider ou non les bulletins arrivés entre mercredi et vendredi. Comme cela était largement anticipé, les démocrates ont gardé le contrôle de la Chambre des représentants. Mais leurs espoirs de faire basculer dans leur camp le Sénat, aujourd'hui contrôlé par les républicains, s'éloignaient. Les démocrates ont repris deux sièges aux républicains (Colorado, Arizona), mais en ont perdu un dans l'Alabama. La majorité précédente est de 53 républicains contre 47 démocrates et affiliés. Sans surprise, les deux candidats septuagénaires ont rapidement engrangé l'essentiel des Etats qui leur étaient promis. L'Indiana, le Kentucky, l'Alabama, l'Idaho ou encore le Tennessee, entre autres, pour Donald Trump. La Californie, la Virginie, New York, le Colorado, le Delaware pour Joe Biden. Advertisements