Dans la wilaya de Saïda, l'artisanat a été de tout temps relégué au second plan, même si des mesures encourageantes ont été formulées, hélas sans grande concrétisation sur le terrain ni de manière mûrement réfléchie. La chambre d'artisanat traditionnel et des métiers de Saïda, censée s'occuper de toutes les activités de production, de création, de transformation, de restauration d'art, d'entretien et de réparation s'acquitte-t-elle de la mission qui lui est dévolue ? Quels sont les problèmes auxquels elle est confrontée ? Le directeur de la Chambre de l'artisanat et des métiers, M. Amari Smail, interrogé sur la situation de cette structure commerciale, nous dira que «la chambre artisanale et des métiers de la wilaya, créée en 1998, est un établissement public à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière. La situation du secteur de l'artisanat traditionnel s'est complètement détériorée après la dissolution en 1987 de la Société nationale de l'artisanat traditionnel qui aidait beaucoup les artisans». En ce qui concerne le bilan des activités de ce secteur au niveau de la wilaya de Saïda, soit de 1998 au 31 octobre 2020, le directeur dira : «Nous avons recensé 5105 artisans inscrits en possession de leur carte d'artisan, 1526 ont été rayés de la liste pour diverses raisons, le reste, à savoir 3579, sont encore opérationnels.» Selon les statistiques en notre possession, pour ce qui est du monde de l'artisanat dans la wilaya de Saïda, la gent féminine n'est pas très présente, les artisanes, en effet, ne comptent que 35% de l'effectif, d'un côté. De l'autre, le monde rural ne représente que 11% des artisans implantés dans les campagnes et autres agglomérations, alors que le secteur urbain se taille la part du lion avec 89% de l'effectif inscrit. Il faut savoir que durant les années 1970, il existait dans le quartier Derb, en plein centre-ville de Saïda, de nombreux locaux d'artisanat traditionnel qui attiraient un grand nombre de clients. Le travail était réalisé manuellement avec des matériaux traditionnels. Ainsi étaient traités le cuivre, le cuir et autres produits fabriqués, transformés, construits réparés ou réalisés par des mains expertes et habiles. «Ces anciens locaux ont été rasés et d'autres magasins et commerces tout neufs et clinquants les ont supplantés pour d'autres activités», dira Miloud, un octogénaire citadin, qui connaît bien la ville. Artisanat, le parent pauvre Durant les années 1990, un centre commercial a été réalisé en plein centre-ville, prés de l'ancienne daïra, pour regrouper tous les artisans afin de satisfaire leur clientèle pour qu'ils puissent profiter des diverses prestations de service. Malheureusement, les locaux ont été distribués à des commerçants, restaurateurs, administration, associations, mais points de plombier, cordonnier ou menuisier. Pour les Saïdis interrogés sur l'artisanat, la majorité considère que le mot artisanat «ne s'applique qu'au secteur économique de fabrication d'objets décoratifs réalisés souvent manuellement avec des matériaux et outils traditionnels par une main d'œuvre locale». Certains même voient l'artisanat comme un secteur n'ayant aucune utilité. Interrogé sur sa profession d'artisan, un marchand d'habits traditionnels, de père en fils, nous dira : «L'artisanat est très important, ce n'est pas seulement un métier, mais il représente pour moi une véritable passion enracinée. C'est un legs historique hérité des générations qui nous ont précédés. Il fait partie du patrimoine matériel, de la mémoire collective. Nous devons le préserver et l'utiliser de manière efficiente pour aller de l'avant. Il y a certes des problèmes auxquels nous sommes confrontés, mais nous devons faire face et participer à la promotion de ce noble secteur». Les 100 locaux, appelés communément «locaux du président», prévus dans chaque commune, est un vrai gâchis. L'opération est en elle-même très intéressante pour juguler partiellement le chômage et créer un dynamisme pour booster le secteur de l'emploi, mais la majorité de ces structures commerciales sont abandonnées depuis plus de 10 ans, parfois détournées de leur vocation initiale ou sous-louées. Dans le chef-lieu de wilaya, il existe 250 locaux commerciaux destinés en principe aux artisans, répartis en lots de 50 locaux dans chaque quartier choisi, «mais la distribution n'était pas correcte et beaucoup d'indus bénéficiaires les ont sous-loués. Dans le quartier de Amrous, pourtant bien situés, sur les 50 locaux censés activer, seuls 13 travaillent, 5 sont sous-loués», nous explique-t-on. «Je paye 8000 DA mensuellement au bénéficiaire qui s'acquitte de 2000 DA de location J'ai déposé un dossier en 2016 et j'ai la carte d'artisan. J'attends !», nous explique un couturier d'habits traditionnels ayant à son actif plus de vingt années d'ancienneté, qui précise que «des individus, ne remplissant aucune condition et profitant d'un coup de pouce salutaire, ont obtenu des locaux avec une facilité déconcertante». Difficultés «immobilières» Une artisane de 52 ans, spécialisée dans la confection de gâteaux traditionnels et modernes, dira, quant à elle qu'elle travaille à partir de chez elle tant la location est très chère (9000 DA par mois et un mauvais emplacement qui s'apparente à un local commercial encore en état de carcasse dont les travaux sont à la charge de l'acquéreur). «Cela ne m'intéresse pas. Je travaille sur commande, chez moi, avec ma carte d'artisane. La chambre d'artisanat essaye de nous aider, les attributions de locaux ne relèvent pas de leurs attributions, mais relèvent de l'OPGI». Une autre, couturière totalisant 25 années d'expérience, nous témoigne son vécu : «On m'a donné un local à Trig el Kahla (la route noire). Je paye 9500 DA par mois. Le local, c'est une carcasse ! Il n'y a absolument rien ! J'ai dépensé 40 millions de centimes, je me suis sacrifiée et j'ai été terriblement déçue. C'est un endroit isolé et peu sécurisé. Pratiquement tous les locaux sont fermés. Nous sommes 8 femmes et aucune n'a ouvert son local. Si je trouve quelqu'un pour me payer les frais que j'ai engagés, je lui cède le local. J'ai 12 millions de centimes de loyer impayés». Une autre couturière abonde dans le même sens : «Je paye 7000 DA par mois, je veux travailler dans la cité 600 Logements. L'Etat doit nous aider. Nous sommes une famille de couturiers et couturières de père en fils et filles. L'OPGI ne nous a pas donné de local mais une carcasse. Il faut 40 à 50 millions de centimes pour terminer les travaux, il n'y a absolument rien !» En effet, les divers locaux implantés dans les diverses communes sont totalement abandonnés. D'ailleurs, certains ont même été transformés en logement de fortune. Les artisans sont alors confrontés à d'énormes problèmes financiers, et affirment que l'Etat doit intervenir pour la survie de ces richesses inestimables du terroir. Il faut savoir que le métier d'artisanat dépend en grande partie du tourisme, et à Saida, il n'existe que le tourisme thermal, qui est fort de ses trois stations que Hamame Rabi, Sidi Aissa et Skhouna. L'artisan est confronté à la commercialisation de ces produits, au renchérissement des matières premières, à la concurrence des produits industriels, à l'absence ou à la cherté de la location des locaux. Les artisans sont motivés pour travailler et développer un secteur qu'ils chérissent. Pour eux, c'est aux responsables locaux de les aider, à moins que ces derniers ne fassent la sourde oreille pour voir la mort programmée de l'artisanat... Advertisements