L'archevêque émérite d'Alger, Henri Teissier a quitté ce monde hier matin à Lyon, dans sa 91e année. Il a fallu que le poids de l'âge l'y contraigne pour qu'Henri Teissier se décide à quitter l'Algérie en 2018, au bout d'un parcours exceptionnel d'homme d'église au service de sa foi, d'une fidélité sans faille et d'un engagement fraternel généreux et bienfaisant pour le genre humain. Il est décédé hier à Lyon à l'âge de 91 ans. Nommé évêque d'Oran dans les années 1970, il devint archevêque d'Alger de 1988, succédant à Mgr Léon-Etienne Duval, jusqu'en 2008. Il aura vécu à cette fonction les années noires des tensions socio-économiques et politiques puis la guerre civile avec, hormis les milliers de victimes musulmanes, la multiplication des assassinats de prêtres et de religieux français, dont les moines de Tibhirine. De nationalité algérienne, son amour pour sa terre d'adoption l'avait poussé à ne jamais quitté ce qui était devenir son terroir, parmi les musulmans dont la foi le nourrissait et l'encourageait à persévérer. Après sa retraite, il était ainsi resté vivre en Algérie, entre Alger et Tlemcen. Depuis deux ans, il s'était replié, en raison de son âge avancé et de difficulté à se mouvoir, vers Lyon où il vivait modestement. Un AVC soudain a mis fin à son parcours mardi matin. Comme si le ciel lui faisait un signe, il est parti au petit matin du 1er décembre, jour célébré par les catholiques puisque c'est la date anniversaire de Charles de Foucault, que le Vatican a décidé de canoniser. Pour la conjonction des planètes, on se souvient aussi que son prédécesseur, Mgr Léon-Etienne Duval était décédé au moment où on enterrait les frères de Tibhrine, signe d'une déchirure, et d'une incommensurable peine pour des hommes de dialogue. Hier, le père Paul Desfarges, archevêque d'Alger a écrit un message à la communauté catholique d'Algérie, dont nous avons eu connaissance : « Nous imaginons la belle rencontre avec Frère Charles, le bienheureux et futur saint dont c'est la fête au Ciel aujourd'hui ». « Clin d'œil du Ciel à notre Eglise d'Algérie qui doit tant au père Teissier dans son histoire, depuis la guerre de libération, l'indépendance du pays, la traversée des années noires, jusqu'aujourd'hui. » Radio Vatican dans son hommage au défunt écrit hier après-midi : « ‘‘L'existence en Algérie d'une communauté chrétienne est la preuve que nous vivons dans une atmosphère de tolérance et que nous partageons les mêmes joies et les mêmes épreuves que les autres peuples de la planète'', déclarait Mgr Teissier en 2005, témoignant par là son souci de construire la fraternité et la paix à l'école du Christ ». IL EST RESTE EN ALGERIE POUR TEMOIGNER DE LA FORCE DE L'AMITIE Pour La Croix avec la mort d'Henri Teissier, « s'éteint un véritable monument de l'histoire de l'Algérie et de son Eglise. Ce pasteur au grand cœur était en quelque sorte le ‘‘20e bienheureux », rejoignant « les 19 martyrs d'Algérie pendant la décennie noire », parmi lesquels les moines de Tibhirine, mais aussi, entre autres, son ami l'évêque d'Oran, Pierre Claverie, assassiné en août 1996. Cette série noire terrifiante n'avait jamais poussé l'archevêque à quitter l'Algérie, bien au contraire, il y est resté le plus possible pour témoigner de la force de l'amitié entre les croyants de quelque religion qu'ils soient. Son rôle a été important pour l'apaisement des consciences heurtées et aussi pour les prémisses du dossier de sanctification des malheureux religieux lâchement abattus par les terroristes sanguinaires. Processus qui a abouti il a tout juste deux ans par une célébration unique en pays musulman, à Oran. Voici ce qu'écrit La Croix en guise d'ultime hommage à Henri Teissier : « Le 8 décembre 2018, dépasse tous ses espoirs. Aussi incroyable que cela puisse paraître, c'est l'Algérie, pays à la mémoire blessée, toujours tiraillé entre la tentation du repli et celle de l'ouverture, qui accueille la première béatification dans un pays très majoritairement musulman. La célébration a lieu là même où ‘‘ces hommes et ces femmes sont restés par fidélité avec un peuple et un pays'', avec le soutien des autorités algériennes, les représentants des autorités civiles, des familles des martyrs et des quatre diocèses de l'Eglise catholique en Algérie, ainsi que de nombreux Algériens. Elle réunit dans un même hommage ces « milliers et milliers d'intellectuels, de journalistes, d'imams, de pères et de mères de famille », à qui une minute de silence a été dédiée en ouverture de la célébration. Pour cet homme au cœur de pasteur, et à la larme facile, la très belle célébration au sanctuaire de Santa-Cruz est un accomplissement, mais aussi une forme de guérison. Elle vient couronner une vie toute entière donnée à l'Eglise et à l'Algérie ». Après cela il pouvait partir se reposer en France, quelques mois loin du pays, avant le dernier souffle hier à Lyon.
Lyon, de notre correspondant Walid Mebarek
El Watan adresse ses sincères condoléances à l'Eglise d'Algérie et toute la famille d'Henri Teissier.