La comptabilité : algèbre du droit et méthode scientifique et technique d'observation, elle-même est l'ambitieuse servante des sciences économiques.» Pierre Garnier. Il est regrettable de constater après plus de 30 ans de libéralisme économique, consacré par la fameuse Constitution de 1989, les systèmes déficients prévalent toujours dans la gouvernance et les politiques publiques, dont aujourd'hui l'impact s'avère douloureux, notamment la dégradation de la structure des finances publiques du pays. A l'heure où l'Algérie se débat encore sur des questions économiques et financières difficiles et compliquées, aussi fondamentales que la crise actuelle des liquidités où les équilibres monétaires sont grandement touchés, à savoir le recours des banques primaires et du Trésor public au refinancement auprès de la Banque d'Algérie (BA), la dépréciation de la valeur du dinar, le niveau des réserves légales des banques et des changes sont en continuelle baisse, les faiblesses de la bancarisation et de l'épargne privée, l'assèchement de l'épargne publique au niveau du Fonds de régulation (FRR), l'inflation cachée et la faible traçabilité des transactions commerciales sont les symptômes d'une grave crise de gestion et de gouvernance économique et financière. Dans ce cas, il est impératif que l'Etat aille vers un nouvel ordre de comptabilité publique qui vise principalement l'actualisation et l'adaptation du système comptable de l'Etat aux normes comptables internationales dites IPSAS (International Public Sector Accounting Standards) et aux règles et principes de l'économie de marché. La normalisation comptable est au cœur du système économique et financier du monde occidental et anglo-saxon. L'Algérie ne peut se permettre le luxe de fonctionner en marge des évolutions mondiales. En effet, on ne peut parler aujourd'hui de comptabilité nationale, mais surtout de comptabilité internationale fondée sur une nouvelle conception consacrant un nouveau système de gouvernance et de système budgétaire conçu sur un système de comptabilité générale (patrimoniale), avec la volonté de moderniser le secteur public et le rendre performant et transparent. Les Etats et entreprises des pays occidentaux et anglo-saxons sont valorisés sur les marchés financiers et boursiers à travers leur comptabilité aux normes comptables internationales qui sont au cœur de leur politique de gouvernance économique et publique et de leur processus des politiques économiques et de stratégies. En effet, «la comptabilité publique en Algérie, telle qu'elle est pratiquée actuellement est une comptabilité de caisse, pour répondre à une logique de gestion de rente (l'Etat-providence), assurant juste les mouvements en moins (-) et/ou en plus(+) de la caisse dans une optique purement de trésorerie fondée sur l'encaissement et le paiement (recettes – dépenses)». Cela veut dire que les comptes publics sont tenus sans prise en compte des engagements pour cerner la dimension comptable du patrimoine de l'Etat comptabilisant les droits, les obligations et les immobilisations conformes à la comptabilité générale. Au niveau international, la notion de la comptabilité publique de trésorerie est devenue caduque, depuis la vulgarisation des normes comptables destinées au secteur public dites IPSAS (International Public Sector Accounting Standards). A l'effet, d'asseoir les gardes-fous d'une gestion saine et performante des finances publiques dans la mesure où elle indique les valeurs économiques et les repères pour la vérité des agrégats de la macro et la micro économies face à l'internationalisation des économies et des marchés financiers, les normes comptables dites IPSAS sont incontournables pour les besoins de consolidation comptable, de la centrale des bilans et d'observation pour l'économie nationale par rapport aux économies mondiales et le contrôle du budget de la nation. En conséquence, nous ne pouvons parler d'un système comptable de l'Etat efficient, cohérent, transparent, performant et un meilleur contrôle sur les finances publiques dans notre pays. Cela, dans la mesure où nos finances publiques se pratiquent au quotidien selon une fonction de caisse, et ce, au bon vouloir des pouvoirs publics sans études technico-économiques. Alors que financer les budgets–programmes de l'Etat, c'est se préoccuper des coûts et de la rentabilité économique et financière. C'est pourquoi, il faudrait impérativement aller vers une réelle réforme comptable, budgétaire et fiscale approfondie, comme principe de base pour développer l'ingénierie des systèmes financiers, améliorer la maîtrise budgétaire, le contrôle de l'argent public et la bonne gouvernance publique. Cette approche globale de réforme comptable doit se baser sur les budgets-programmes et sur la comptabilité générale aux normes comptables internationales destinées au secteur public dites IPSAS (International Public Sector Accounting Standards). Pour cela, on doit passer nécessairement par la formation des agents comptables de l'Etat spécialisés et du statut du comptable public rénové pour être en mesure d'exercer leurs tâches et responsabilités avec compétence et capables aussi de défendre les intérêts de l'Etat, l'introduction des moyens informatiques modernes et enfin l'assainissement de la comptabilité publique et budgétaire. En définitive, le cadrage budgétaire du projet de loi de finances pour 2021 doit obéir à cet objectif d'adaptation à un ajustement structurel budgétaire, de gouvernance, de normalisation et de transparence des finances publiques, mais aussi, en matière d'équilibre de la trésorerie de l'Etat et de la balance des paiements. Il va sans dire un apport certain à inscrire dans une vision moderne de la gestion des finances publiques d'aller vers des réformes structurelles orientées vers des objectifs de gouvernance et de transparence des finances publiques qui imposent d'aller vers des réformes de la comptabilité de l'Etat et budgétaire . Voilà, en effet, un sujet qui peut à lui seul résumer toute la problématique qui entrave l'efficience de la gestion des finances publiques et accroissent les fraudes, les irrégularités, les flux financiers illicites et fuites des capitaux et les risques de corruption. La comptabilité de l'Etat n'a jamais été une préoccupation quand on sait que les réformes économiques intervenues en 1989 imposent normalement cette réforme pour une rupture avec le système socialiste, notamment d'instaurer un système comptable et financier qui réponde aux exigences de l'économie de marché, notamment faire de la réforme comptable de l'Etat la réforme budgétaire et la réforme fiscale les piliers de la nouvelle politique économique du gouvernement. double refonte Cette nécessaire double refonte vise principalement la réforme de la comptabilité publique de l'Etat, qui s'impose en vue d'ajuster les politiques publiques et leur efficacité en matière de bonne gouvernance des finances publiques devant fonctionner harmonieusement en interface avec les comptabilités internationales. «Un pays sans comptabilité patrimoniale, sans statistiques et sans transparence ne peut fonctionner harmonieusement en interface d'une gouvernance en mutation constante au niveau mondial. Cette nouvelle donne devient incontournable pour notre pays, qui doit recourir aux instruments de gestion, notamment en mettant en place la comptabilité générale à laquelle on substitue aujourd'hui l'appellation de comptabilité financière, plus communément appelée comptabilité générale par rapport à son évolution perpétuelle et aux normes comptables internationales dites IAS/IFRS.» L'évolution de la comptabilité publique en Algérie reste un domaine encore en retard et encore mal connu, dans le souci de contribuer au débat de l'heure, afin de dégager les propositions permettant de lui donner son rôle et sa pleine efficacité et responsabilité dans l'économie nationale et la lutte contre la corruption. Ainsi, la réforme de la fiscalité de l'Etat doit être nécessairement accompagnée de la réforme du budget et de la comptabilité de l'Etat, en raison des changements et des mutations profondes qu'ils impliquent en matière d'interface avec la globalisation de l'économie mondiale qui engage de plus en plus l'utilisation de règles et de références communes. En plus de cette nécessité, il y a le besoin de disposer d'une information budgétaire, économique et financière crédible, fiable et vérifiable au moment où le problème des statistiques est réellement posé avec acuité en Algérie. C'est le grand enjeu d'un nouveau mode de gouvernance et d'un nouveau management public pour s'adapter à l'évolution de l'économie mondiale consacrant la prééminence de l'économique sur le juridique et le fiscal, à l'heure où le discours officiel du gouvernement algérien prône une nouvelle économie. Dès lors, les systèmes comptable, budgétaire et fiscal ont besoin d'être considérablement adaptés et améliorés aux normes comptables internationales. L'une des plus importantes est d'y introduire, à la place de la comptabilité publique, un instrument comptable nouveau plaidant un nouveau système de gouvernance et de système budgétaire, notamment en ce qui concerne la bonne gestion des ressources financières de l'Etat qui ne devront plus, comme par le passé, être octroyées selon une fonction de caisse. L'actuel système budgétaire de caisse doit nécessairement tendre vers un système de comptabilité patrimoniale. Autrement dit, vers une comptabilité générale, bâtie selon une présentation comptable conventionnelle dite «partie double» qui est un instrument fiable pour renforcer la transparence budgétaire et qui répond à des normes comptables internationales très strictes et fidèles à la réalité économique et financière d'un pays ou d'une entreprise. Passer ainsi de la comptabilité de caisse à la comptabilité de l'Etat, dans l'optique d'un système de comptabilité patrimoniale qui permet non plus de savoir ce que l'Etat a dans ses caisses, mais plutôt d'apprécier ce que sont ses actifs (ses richesses ou ses potentialités économiques) et ses passifs (ses dettes et ses engagements). Cela a pour effet d'améliorer l'accroissement du contrôle parlementaire sur les finances publiques, la responsabilisation des gestionnaires des ressources du pays à travers la mise en place de pratiques comptables aux normes comptables internationales dites IAS/IFRS. Budgétarisation pluriannuelle C'est un cadre de référence qui permettra de coordonner l'action des institutions et administrations de l'Etat. Pour cela, on doit passer nécessairement d'un système sectoriel budgétivore et statique à celui d'une budgétisation pluriannuelle par programme en tant qu'unité comptable opérationnelle gouvernée sur l'approche économique et l'obligation de résultat aux gestionnaires de l'Etat. C'est-à-dire améliorer la responsabilisation et la capacité de bien gérer les finances publiques, améliorer l'efficacité et l'efficience des dépenses publiques. Le budget de l'Etat ne doit pas coûter au contribuable ou à la nation plus qu'il ne peut rapporter, et ce, en se rapprochant notamment de la culture financière et comptable de l'entreprise pour pouvoir mieux répondre aux besoins économiques nouveaux et fonder une économie de marché moderne, cela aura pour effet d'avoir de meilleures armes en adhérant à l'OMC et à tirer avantages de l'accord d'association avec l'UE. C'est dans ce contexte qu'il faut replacer la réforme comptable de l'Etat, grâce à la grande technicité de la comptabilité générale, un moyen de ramener des intérêts privés à un intérêt général (pays) ou encore on ne doit pas occulter la réalité socio-économique qu'elle peut refléter. La problématique des statistiques très près de la réalité se pose aussi et ne peut permettre une analyse réelle du fait d'une difficile ou mauvaise maîtrise de l'information économique et financière. Une comptabilité aux normes est un facteur-clé de confiance pour les investisseurs(IDE) et les actionnaires. Elle est à même de réunir les conditions qui permettent de répondre à la multitude d'objectifs en matière d'observation économique, financière et d'analyse importante pour les organisations financières internationales, les économistes, les experts, les pouvoirs publics et les parlementaires. Il convient de préciser que les finances publiques couvrent le champ des administrations publiques : Etat, administrations publiques locales (collectivités territoriales et organismes divers d'administration locale), établissements publics (EPIC, EPA) et administrations de sécurité sociale (régimes obligatoires de base de sécurité sociale, régime d'assurance chômage, établissements de santé, éducation nationale, universités, régimes obligatoires de retraite complémentaire, les fonds concourant au financement de la sécurité sociale...) La réforme comptable de l'Etat est indispensable pour comprendre et suivre l'évolution de l'économie, établir des statistiques vérifiables et des prospectives fiables et analyser des conjonctures économiques et financières, utiliser à bon escient les fonds publics, arriver à asseoir une plus grande transparence dans la gestion des finances publiques et un meilleur contrôle tout en réduisant des gaspillages liés aux coûts de fonctionnement des administrations publiques et des collectivités territoriales. Cela, à l'effet d'appréhender aisément les performances réelles des différentes politiques menées par l'ensemble des secteurs ministériels, établissements et offices publics et d'améliorer la qualité de l'information budgétaire, financière et comptable de qualité au profit du gouvernement, du Parlement, des organes de contrôle et au citoyen en général. Ainsi, le gouvernemental actuel doit donner une nouvelle impulsion et un appui politique fort à la réforme de la comptabilité publique de l'Etat, comme levier fondamental de modernisation du secteur public. Cet instrument incontournable permet d'avoir de meilleures approches des finances publiques, qui ouvrent la voie sur les choix et les optons pour l'exercice d'un management public moderne du trésor public, à l'effet, aussi d'asseoir les gardes-fous d'une gestion saine et performante des finances publiques, d'assurer la performance comptable des établissements publics, ainsi que le fonctionnement des administrations publiques et des collectivités territoriales. Ou bien encore pour élaborer des stratégies budgétaires, afin de rationaliser les dépenses publiques et optimiser l'allocation des ressources, d'où l'efficience de l'Etat. La comptabilité générale ou comptabilité financière encadre suffisamment l'acte de gestion et enrichit le management public et l'économie en général et qui est d'être bien renseigné, bien outillé et bien conseillé et qui dépend ainsi d'une comptabilité financière normalisée, efficace, performante et transparente. Car une mauvaise gestion financière et une comptabilité inappropriée sont deux facteurs qui favorisent la mauvaise gestion du système économique et financier de l'Etat et dans lesquelles on ne peut pas maîtriser les risques de gestion budgétaires ou les plans de soutien à la croissance, voire les subventions et les facilités fiscales et parafiscales qui résultent de la politique budgétaire sans rendement économique et financier . réformes à engager Deux réformes structurelles importantes sont à engager pour l'efficience et la performance du fonctionnement de l'Etat dans sa globalité, notamment dans ses aspects économique et social : le budget de l'Etat et la comptabilité publique. L'objectif est, en effet, pour maîtriser les coûts budgétaires par programme et non sectoriel est donner une image vivante, fidèle et sincère de la gestion publique et du patrimoine de l'Etat. Dans le même temps, il est attendu une transparence des opérations de l'Etat, dans l'usage et le contrôle des ressources, une traçabilité et une visibilité des flux des capitaux qui auront pour effet de mieux optimiser les actifs de l'Etat en normes comptables internationales (IAS/IFRS), dans la mesure où la réforme comptable de l'Etat que nous préconisons est basée sur une approche économique plus conforme aux règles d'une économie de marché. Que peut-on donc conclure ? Le nouveau système régissant la comptabilité de l'Etat constitue, à ce titre, un véritable pari de modernisation et participe à la création d'un nouvel état d'esprit dans le processus de préparation, d'adoption des budgets au sein des deux chambres parlementaires, d'exécution et de contrôle des finances publiques. La modernisation des systèmes budgétaires mettra de mettre fin aux pratiques de gestion où dominent l'insuffisance d'évaluation des politiques publiques et de maîtrise des coûts prévisionnels dont la solution passe impérativement par la réforme de la comptabilité publique avec laquelle on peut asseoir les bases d'un système parfait de la bonne gouvernance économique, financière et fiscale, le souci étant d'aller vers une professionnalisation du secteur public en perspective de l'ouverture de l'Algérie sur le monde économique, car la nouvelle économie est celle d'un monde globalisé. Par M'hamed Abaci Financier et auteur de deux ouvrages sur la comptabilité et l'information de gestion et statistiques, cadre de la bonne gouvernance des entreprises. Advertisements