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Peut-on transformer radicalement les déterminants du climat des affaires ?
Publié dans El Watan le 11 - 01 - 2021

Peut-on transformer radicalement les déterminants du climat des affaires pour rendre notre économie attractive et compétitive ?
Peut-on reconsidérer notre conception et notre vision de l'acte d'entreprendre, d'investir, de gérer une entreprise ou de piloter un projet ?
Plusieurs options et mesures ont été appliquées depuis des décennies, mais aucun résultat significatif n'a été obtenu. Peut-on cerner l'ensemble des causes profondes qui ont fait échouer toutes ces tentatives ?
Pourquoi des nations moins dotées en ressources naturelles et en capacités financières et humaines ont pu rendre leur pays très attractif aux investissements étrangers et réussir leur élévation au niveau des économies émergentes ?
L'environnement, avec toutes ses caractéristiques politiques, économiques, sociales et réglementaires, détermine la qualité du climat des affaires d'une économie et son attractivité. Il influe considérablement sur l'économie d'un pays, sur la création d'entreprises, l'implantation des projets et la création d'emplois. Selon ses spécificités, le climat des affaires favorise ou entrave l'acte d'entreprendre et d'investir.
Voyons donc les différentes approches qui nous aident à apprécier le climat des affaires, les causes qui empêchent le climat des affaires en Algérie à évoluer, à être attractif et les conséquences de cette incapacité à faire évoluer l'économie nationale ?
Quelles sont les solutions proposées par les spécialistes pour faire sortir le pays de cette léthargie très nuisible à l'économie algérienne. Une économie qui a, pourtant, beaucoup de potentialités, mais qui reste en dehors du processus de développement et de la croissance.
En effet, les détenteurs de capitaux ou d'expertise, les porteurs de projets qui cherchent des opportunités d'investissements, les exportateurs qui veulent pénétrer un nouveau marché, les entreprises qui, pour des raisons de rentabilité, optent pour la délocalisation ont tous besoin de données pertinentes sur le marché qu'ils veulent atteindre et occuper.
En général, des conditions fondamentales constituent des préalables à tout investissement national ou étranger. Ces préoccupations sont liées aux lois sur les transactions et la flexibilité de l'emploi, à la taille du marché, à la stabilité macroéconomique, à l'évolution des échanges internationaux, aux transferts de capitaux, aux infrastructures, à la qualification de la main-d'œuvre, à la protection des biens...
Le climat des affaires est apprécié sur la base d'indicateurs qualitatifs et quantitatifs donnant des informations sur un environnement d'un pays, d'une région ou d'un marché. Ces indicateurs sont, dans la plupart des cas, mesurables pour favoriser la comparabilité entre les différentes situations.
Le porteur de projet peut ainsi détecter les marchés qui possèdent les capacités à attirer les capitaux, facilitent la création d'entreprises et permettent d'investir sans contrainte et d'éviter les environnements contraignants où la bureaucratie, l'instabilité politique ou économique et la corruption sont endémiques.
Le caractère déterminant de l'attractivité d'une économie a conduit les institutions internationales (Banque mondiale, FMI, OCDE, Union européenne, forum économique mondial de Davos) à définir des batteries d'indicateurs pour apprécier annuellement l'attractivité et la compétitivité des nations. La Banque mondiale publie annuellement le Doing business. C'est un rapport qui offre des informations très pertinentes sur le climat des affaires par pays. C'est une référence en la matière. Il s'appuie sur des études et des bases de données pour évaluer des critères liés, notamment à la facilité de faire des affaires, à la création des entreprises, à l'octroi de permis de construire, au transfert de propriété, à l'obtention de prêts, à la protection des investissements, au paiement des impôts, au raccordement d'électricité, au commerce transfrontalier, à l'exécution de contrat et au traitement de l'insolvabilité.
Cette approche vise également l'appréciation de l'instabilité politique et économique, du déficit budgétaire, de la dette publique, de l'inflation, de la qualité des institutions financières, de la concurrence, de l'information sur l'insolvabilité, de l'efficacité ou non des services publics, du poids du secteur informel dans l'économie, de la corruption, du marché de l'emploi et à sa flexibilité…
En général, nous relevons une certaine complémentarité entre les appréciations fournies par les différentes institutions spécialisées.
Par exemple, un pays, qui possède des institutions défaillantes, enregistre inévitablement un mauvais classement dans la lutte contre la corruption et dans l'attractivité de son économie.
Nous constatons que face à ces exigences, les différentes nations tentent continuellement d'améliorer leur climat des affaires. Les rivalités entre les nations sont permanentes et la recherche de la supériorité des uns par rapport aux autres est vitale.
En effet, les économies ont un besoin permanent de capitaux pour assurer la croissance et la création d'emplois. Les détenteurs de fonds cherchent les conditions les plus appropriées à l'investissement et à la création d'entreprises. Ils apprécient un climat des affaires attractif qui leur garantit la rentabilité des fonds engagés et la sécurité.
Un impact considérable
L'impact de l'attractivité d'une région sur l'économie d'un pays est considérable. C'est pour cette raison que «rendre une économie attractive» est devenu une préoccupation primordiale et permanente de beaucoup de gouvernements.
Cette volonté incessante a conduit des économies à rechercher une certaine synergie entre l'entreprise, l'université, la formation et les institutions financières en créant des pôles de compétitivité.
Quels sont les domaines à évaluer ? Quels sont les indicateurs à choisir pour évaluer l'attractivité d'un pays ou d'un territoire ?
En général, la bonne gouvernance, la qualité des institutions, les équilibres macro-économiques, la qualité des infrastructures, le niveau de qualification, la réglementation, la fiscalité, la lutte contre la corruption et le volume des Investissements directs étrangers (IDE) constituent, entre autres, des critères qui confirment l'attractivité d'un territoire ou d'un pays.
La Cnuced apprécie annuellement les situations des économies nationales en procédant à l'établissement d'un classement des pays en fonction du degré de leur attractivité sur la base d'indicateurs. L'Indicateur de performance en termes d'investissements entrants (IPIE) est souvent utilisé.
Il se calcule annuellement selon la formule suivante :
(IDE reçus par le pays/IDE dans le monde)/ (PIB du pays/PIB mondial)x100
Cet indicateur lie et compare le montant des IDE reçus par le pays durant une année par rapport à son PIB. Il permet de comparer l'attractivité aux IDE de chaque pays. Plus le pays est attractif et compétitif plus les IDE sont conséquents. L'attractivité et la compétitivité d'une économie sont indissociables et complémentaires.
Dans le cadre du développement durable et de la responsabilité sociale, des critères liés au respect de l'environnement, à la responsabilité sociale des entreprises et à la qualité de la gouvernance (les facteurs ESG) viennent compléter les conditions qui déterminent l'attractivité d'un territoire.
Quelles sont les réformes et options qui contribuent à d'amélioration de l'attractivité et de la compétitivité ?
Beaucoup d'économistes optent pour la nécessité de réformes structurelles. Ces réformes visent des mesures en profondeur, voire radicales, touchant l'ensemble des institutions ayant un lien avec l'économie du pays. Le but de cette transformation radicale est de corriger les dysfonctionnements et de réunir les conditions d'une relance économique fiable. Ces changements fondamentaux ont souvent des conséquences difficiles à supporter par les couches sociales les plus démunies (perte d'emploi, suppression des aides sociales, cherté de la vie...).
W. Rostow (prix Nobel d'économie) suggère aux nations qui optent pour le développement d'identifier, au préalable, les facteurs capables d'exercer une action conséquente sur les transformations économiques et de faire réussir les réformes entreprises. Aussi, le diagnostic de la situation spécifique de chaque économie et l'identification de ses potentialités sont incontournables.
Dans une économie libérale, la priorité est donnée aux réformes visant l'ouverture du commerce et de l'économie, l'intégration régionale, la réglementation, la protection de la propriété, la flexibilité dans le travail, une gestion budgétaire plus ou moins rigoureuse, des infrastructures de qualité, la persévérance dans l'action réformatrice.
libéralisation de l'investissement
Par ailleurs, la Cnuced propose des mesures visant la promotion et la libéralisation de l'investissement, notamment l'assouplissement des restrictions, l'amélioration des procédures, la création de zones économiques spéciales…
Une feuille de route a été mise à la disposition des pays en développement. Cette feuille comprend un ensemble de mesures et d'actions visant à améliorer l'attractivité d'une économie et attirer les capitaux. La simplification des procédures, la qualité des institutions, notamment les douanes, l'administration fiscale, les banques, la mise en place de mécanismes de soutien aux investisseurs. L'ensemble de ces mesures et actions constitue l'ossature de toute démarche visant l'amélioration de l'attractivité d'une économie. Plusieurs démarches ont été expérimentées par des pays d'Asie et d'Amérique latine. Les résultats ne sont pas uniformes, des facteurs spécifiques à chaque pays influent considérablement sur la réussite de chaque stratégie de développement.
Tenant compte de l'importance de la qualité du climat des affaires sur l'attractivité des capitaux, les décideurs algériens ont toujours inscrit l'investissement parmi les objectifs prioritaires. Malheureusement, les résultats ont été souvent décevants. Le classement du pays n'évolue pas et se détériore dans certains domaines.
L'Algérie est classée globalement par le Doing Business au 157e rang, dans la création d'entreprise notre pays est à la 152e place, pour l'obtention d'un prêt à la 181e place. Dans la région MENA, sur 13 pays étudiés en matière d'attractivité, l'économie algérienne occupe le 11e rang. Au niveau de l'Afrique, sur 50 pays étudiés, l'Algérie occupe le 30e rang. Ces données confirment que le climat des affaires actuel, dans toutes ses composantes, ne permet pas à l'économie algérienne d'être attractive.
Malheureusement, avec la réduction continue des réserves, la faiblesse du prix du pétrole, les conséquences de la pandémie sur toutes les économies, l'amélioration du climat des affaires d'une manière significative n'est plus un choix, elle est devenue une nécessité incontournable et vitale pour l'économie algérienne. Des réformes structurelles s'imposent pour conduire l'économie algérienne vers l'émergence. Le but fondamental des réformes structurelles est de modifier en profondeur les structures et institutions de l'économie et de favoriser l'émergence de nouveaux comportements économiques visant la performance et un degré élevé de compétitivité et d'attractivité.
Mais quels sont les facteurs qui assurent la réussite d'une réforme ?
Les professeurs Levy et Spiller estiment que pour atteindre les objectifs recherchés par une réforme, il est indispensable de respecter trois conditions :
a) la faisabilité (qualité des institutions et leur efficacité) ;
b) la crédibilité (protection des réformes, indépendance de la justice) ;
c) l'acceptabilité (équilibre entre gagnants et perdants).
Une réforme doit être crédible. C'est-à-dire que l'Etat et ses institutions s'engagent à réunir toutes les conditions de réussite et de ne pas changer d'option en cours de route.
Vito Tanzi conseille un changement dans les fondements des structures de l'Etat : décentralisation, implication de la société civile, transparence, réformes institutionnelles et économiques, réforme de la gestion publique.
Mais des contraintes et des dysfonctionnements font échouer des réformes et des stratégies de développement, notamment l'absence d'une vision de développement et d'une stratégie stable à moyen et long terme. Le but de cette démarche et de préciser les principales caractéristiques qui détermineront l'économie algérienne durant la période 2021-2030.
Dans le cas algérien, les réformes traditionnellement appliquées pour améliorer le climat des affaires ne suffisent plus. Le blocage est plus profond. Il y a nécessité de revoir en profondeur les principes fondamentaux de la doctrine économique appliquée depuis les années 1970.
En effet, la conception de développement appliquée depuis des décennies était fondée sur des approches qui ont déterminé la configuration d'un système et ses choix économiques. Cette démarche n'a jamais accordé la priorité aux performances des entreprises et au management des projets. Les notions de coûts, de délais, de qualification, de rentabilité et de qualité étaient reléguées en second plan.
Or, ce sont ces principes qui ont conduit au développement et la performance. Les malfaçons, les dépassements des délais, la fréquence des réévaluations des projets, la sous-productivité sont, entre autres, la parfaite illustration de cette manière de gérer qui a annihilé tous les efforts de développement entrepris depuis des décennies.
Il est évident que la réussite des réformes économiques pour améliorer le climat des affaires et rendre l'économie algérienne compétitive passera inévitablement par une remise en question profonde de la conception du mode de développement et du fonctionnement de l'économie algérienne.
Les principes et facteurs, qui ont permis à diverses nations d'accéder à un niveau de développement supérieur, doivent être les fondements d'une nouvelle démarche. L'abandon des visions et pratiques surannées est indispensable pour éviter les dysfonctionnements, les blocages et les comportements qui n'ont pas permis à l'Algérie d'être parmi les économies émergentes.
Il convient de rappeler que depuis les années 1980, toutes les données économiques et financières prédestinaient l'économie algérienne à un niveau de développement remarquable. L'échec ne se justifiait pas par un manque de moyens, mais s'expliquait par des démarches erronées.

Par Brahim Lakhlef ,

N. B./ Pour plus de détails, voir Qualité des institutions, réformes et résultats économiques du même auteur, les éditions ALE.
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