Pourra-t-on un jour tout savoir sur la guerre d'Algérie, la guerre d'Indochine ou sur tout ce qui relève du secret d'Etat. Ce n'est pas simple, alors que tout document, dépassant 50 ans, pourrait être étudié par tout chercheur qui en fait la demande. En effet, après une année compliquée pour les historiens et les archivistes, la question de la difficulté de l'accès aux archives publiques a été posée à l'Assemblée nationale lors d'une question écrite au Premier ministre, Jean Castex. En parties visées, les archives relatives à la période de la guerre d'Algérie, domaine où le travail scientifique sur cette période semble être sérieusement empêché, selon les historiens qui sont montés plusieurs fois au créneau en 2020. Du secret défense au droit légal de consultation C'est la députée Valérie Rabault, élue Socialistes et apparentés du Tarn-et-Garonne qui a attiré l'attention du Premier ministre, Jean Castex, sur ce thème dans une question écrite dont on n'a pas la réponse du chef du gouvernement. Elle a évoqué «l'instruction générale interministérielle n° 1300» dénoncée depuis le mois de novembre dernier par de nombreux historiens. Cette instruction porte «sur la protection du secret de la défense nationale et ses conséquences en matière de libre communication des archives publiques. En 2011, une révision de cette instruction ministérielle est venue préciser à son article 63 qu'un document classifié versé aux archives publiques est communicable à l'expiration d'un délai de 50 ans, ‘‘à la condition expresse d'avoir été préalablement déclassifié''». Pourtant, souligne la députée, cette «déclassification» exigée pose problème. En effet, «cette condition semble contraire au code du patrimoine qui garantit depuis juillet 2008 à son article L. 213-2 un accès ‘‘de plein droit'' aux documents classés secret défense à l'expiration d'un délai de 50 ans, et ce, sans déclassification préalable. Cette disposition, introduite par la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives, permet ainsi de répondre à l'articulation nécessaire entre le respect du droit des archives et celui du secret de la défense nationale. Dès lors, des documents qui, jusqu'en 2011, étaient librement communicables sur le fondement de l'article L. 213-2 du code du patrimoine ne le sont plus automatiquement au regard de l'instruction dans sa version modifiée en 2011». L'instruction de novembre 2020 qui passe mal Pourtant, après la protestation des historiens, la députée se joint à la controverse : «Depuis plusieurs mois, une interprétation plus restrictive de cette instruction ministérielle aurait entraîné des limitations d'accès à de nombreux documents d'archives, limitations qu'une nouvelle révision de l'instruction générale interministérielle n° 1300 en novembre 2020 semble contribuer à accentuer. L'instruction telle que modifiée par un arrêté du 13 novembre 2020 prévoit en effet à son point 7.6.1 qu'‘‘aucun document classifié, même à l'issue du délai de communicabilité de cinquante ans fixé par l'article L. 213-2 du code du patrimoine, ne peut être librement communiqué tant qu'il n'a pas été formellement démarqué par l'apposition d'un timbre de déclassification''». Ainsi, rappelle Mme Rabaultt, cette instruction représente «une restriction au principe de libre communication des archives publiques, consacré par la loi, qui inquiète légitimement tant les chercheurs que les archivistes». «De surcroît, cette instruction apparaît contraire à la hiérarchie des normes en vigueur dans le droit français puisqu'elle tend à faire prévaloir une disposition règlementaire sur une disposition de nature législative». La députée a ainsi souhaité qu'au vu de «ces difficultés importantes, susceptibles d'entretenir un contentieux et d'induire une insécurité juridique réelle pour les acteurs concernés», le Premier ministre envisage «le retrait de la disposition considérée, afin que les archives publiques classées secret défense soient communicables de plein droit à l'expiration d'un délai de 50 ans». Advertisements