Skikda vit une juvénile effervescence créatrice que certains attribuent aux aléas de la pandémie ambiante de la Covid-19, au confinement plus précisément. Pour preuve, pas moins de 16 œuvres, toutes consignées par des jeunes, sont venues ces derniers mois garnir le répertoire littéraire en langue arabe de la wilaya, générant ainsi une belle et fraîche vague littéraire. Rencontrées à la maison de la culture où elles étaient venues présenter leurs créations, Chaima, Abir, Narimane et Imène, pour ne citer que ces quatre jeunes auteures, reconnaissent toutes qu'elles ont trouvé dans la vacuité suscitée par les premiers confinements du pays une belle aubaine pour se remettre sérieusement à l'écriture et concrétiser, en langue arabe, de vieux projets romanesques et poétiques. Forçant le monde de l'édition, toutes les quatre, et tous les autres nouveaux auteurs de Skikda, ont opté pour l'autofinancement en publiant leurs œuvres à compte d'auteur. Une impatience de jeune qui trouverait son explication dans les méandres de la publication dont seules les maisons d'édition ont le secret. Pour revenir à nos quatre jeunes auteures, leurs écrits ont d'abord la force de leur jeunesse et de ses faiblesses aussi. Sensibilité oblige, et hormis Chaima Khefif qui s'est essayée à une ballade poétique, les trois autres ont toutes héroïsé la femme, l'indétrônable maîtresse de leurs moutures romanesques. Le recueil de poésie «les pas du solitaire» de Chaima, 21 ans, est un panachage de poèmes versant presque tous dans un spleen permanent. «La solitude est un sentiment qui m'habille tout le temps, néanmoins je le transpose en vers pour évoquer la solitude des autres aussi», explique la jeune poétesse. Les trois autres auteures ont pour leur part usé de la condition féminine dans leur pays et donnent même l'impression de s'être accordées à rehausser leurs histoires d'héroïnes bien de chez nous. Les mots choisis pour évoquer cette femme sont puisés dans les lourdes conditions sociales, dans les amours interdits, dans les fléaux de la société et de ses difficiles conjonctures. Abir Louzat, 20 ans, explique qu'elle s'est inspirée de faits réels dans son œuvre Le poing de Floridna, un roman qui tente de dénuder les faussetés de la société à l'égard de la femme à travers l'histoire d'une fille abandonnée. La même thématique revient dans La Malédiction, un roman de Narimene Zouitèn, 21 ans, qui, à partir de faits réels, invite le lecteur à s'immiscer dans le monde interdit de la sorcellerie dans notre société. A noter qu'en plus d'une partie écrite en langue arabe, La Malédiction est également traduit en allemand, une langue que l'auteure maîtrise parfaitement. La dernière œuvre Illégale s'assimile à une rétrospective de la décennie noire finement écrite par Imen Hedli. «A travers une histoire réelle, je voulais parler des franges fragiles de la société durant la décennie noire et d'évoquer aussi la situation de la femme», explique l'auteure. Elle juge que «l'innocence est souvent assassinée par toute une société et seule la femme reste en mesure de la préserver». Ces premières œuvres et en dépit d'un soupçon de facilité dans certains écrits ne devraient pas être jugées en vrac. Leurs auteures, et sans exception, n'ont à aucun moment joué aux grandes romancières ni cherché à faire dans le «m'as-tu-vu». Simples et humbles, comme leurs œuvres, elles sont déjà assez heureuses d'avoir publié leurs premiers jets et pensent déjà à plein d'autres écrits. Advertisements