La briqueterie d'El Achour, une perle en argile qui dort sur 40 000 m2 de terrain, risque une paralysie dans les prochains jours. Les travailleurs, 150 au total, sont en colère et menacent de radicaliser leur mouvement de protestation s'ils ne trouvent pas bon entendeur. Déjà, hier, une démonstration de force a été donnée par la section syndicale, affiliée à l'UGTA, devant le siège national de la Société de gestion des participations (SGP), à Hydra, dans la capitale. Le rassemblement, auquel les syndicalistes avaient appelé, a drainé une foule compacte. Nombreux sont les travailleurs venus de l'intérieur du pays pour se solidariser avec leurs collègues d'Alger. Les organisateurs parlent de plus de 200 personnes. La mobilisation a duré une heure au cours de laquelle une délégation de syndicalistes a été reçue par le président de la SGP, Saïd Bouzid. Selon un membre de cette délégation, le président de la SGP a adopté une attitude peu rassurante, sinon contraire aux vœux émis par les employés. « Il nous a dit que c'est trop tard, la briqueterie a été vendue. Vendue bien avant 2001 », nous a-t-il souligné. La principale, sinon la seule revendication des travailleurs est « l'annulation de l'acte de cession de l'unité » et « l'application de l'ordonnance 01-04 du 20 août 2001 ». Cette ordonnance garantit, dans son article 29, le droit à la péremption. Droit piétiné, selon la section syndicale, qui n'y est pas allé de main morte avec la SGP et le président-directeur général de l'entreprise ayant donné une fin de non-recevoir à leur requête. D'ailleurs, elle a intenté une action en justice au lendemain de la signature du contrat de cession, le 24 novembre 2004, avec un homme d'affaires étranger au secteur des produits rouges, à savoir Tewfik Boudiaf. Le procès, reporté une fois, s'ouvrira le 18 du mois en cours. Outre le non-respect de l'ordonnance sus-mentionnée, la section syndicale a relevé une autre « anomalie ». Sous-évaluation N'ayant pas subi une expertise, la briqueterie, aux équipements renouvelés pour une somme avoisinant les 90 millions de dinars quelques mois avant sa mise en vente, est sous-évaluée, a attesté la section syndicale. Le prix de vente de l'entreprise, faut-il le préciser, est de 380,7 millions de dinars. Mais, indubitable, Mustapha Bouadna, membre du bureau de la section syndicale, estime qu'on est loin de la valeur réelle de cette briqueterie. Selon lui, en plus de l'assiette de terrain d'une valeur de près de 4 milliards de dinars, l'entreprise dispose d'un stock d'argile estimé à 53 millions de dinars. Selon la section syndicale, la briqueterie a réalisé, en 2004, un chiffre d'affaires de près de 170 millions de dinars, représentant une production annuelle allant de 70 000 à 80 000 t. Cette capacité de production pourra dépasser les 90 000 t/an, a-t-elle indiqué. Manière de dire que l'entreprise est loin de la faillite. Estimant que leur entreprise a été cédée de gré à gré, les travailleurs, mobilisés autour de leur section syndicale, ont un seul souhait : récupérer la briqueterie en usant de leur droit à la péremption, d'autant plus qu'elle est rentable. L'acquéreur de la briqueterie, Tewfik Boudiaf, estime que la transaction s'est déroulée conformément à la loi. Dans une déclaration, dimanche dernier à un quotidien national, il a précisé : « Ni les travailleurs ni les syndicalistes n'ont manifesté, en 1998, un quelconque intérêt, et ce, en présence de toutes les parties concernées par cette transaction. » Selon lui, le contrat est le cheminement d'un processus de vente engagé bien avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance 01-04. « Nous avons répondu à un appel d'offres national et international lancé par le gouvernement en 1998, comme n'importe quel autre opérateur. Nous avons été les seuls à répondre à l'appel et notre offre est en mesure de développer l'entreprise et d'améliorer la situation socioprofessionnelle des travailleurs », a-t-il souligné. En revanche, la section syndicale, documents à l'appui, a précisé que l'appel d'offres lancé en 1998 était infructueux. « L'opération a été arrêtée en 1999, suite à l'annulation des holdings », a indiqué Mustapha Bouadna. D'après lui, les soumissions ont été annulées définitivement juste après la promulgation de l'ordonnance en question fin 2001. Dans un communiqué paru dans la presse le 4 décembre 2001, le ministère de la Participation et de la Coordination des réformes, qui n'est plus, avait invité « les soumissionnaires pour l'achat de briqueteries ayant déposé des chèques ou des garanties bancaires auprès de l'ex-conseil de privatisation à récupérer leur dû ». En sus, la section syndicale a souligné qu'elle s'était déjà constituée, en 1998, en association des travailleurs manifestant leur intérêt à récupérer l'unité en question. Le président de la SGP a promis à la section syndicale de transmettre leurs doléances à la commission nationale chargée de la privatisation des entreprises (CNPE). Mais les travailleurs ne sont pas près de lâcher du leste.