La campagne de fenaison bat son plein dans la vallée de la Soummam. L'opération est entamée avec plusieurs semaines d'avance sur le calendrier agraire. En effet, par le passé, la coupe du foin n'intervenait qu'à la période dite Iwraghen, coïncidant à peu près avec la 3e semaine du mois de mai. Cette campagne prématurée est dictée par l'aléa climatique et les nouvelles conditions météo, caractérisées par la hausse du mercure et le recul de précipitations. La fenaison de cette année ne diffère en rien de celle de la campagne écoulée, apprend-on. Jadis drapés d'un tapis dru, les prés arborent une végétation aérée et clairsemée. A priori, la récolte s'annonce plus abondante dans les parcours de piedmonts et des zones de montagne. Néanmoins, seule la faucille sied sur ces lopins de plus en plus morcelés et à forte déclivité. «J'ai commencé à couper le foin dès les premiers jours du mois de mai. Certains s'y sont pris un peu plus prématurément. Nous en sommes entre 20 et 40% de taux d'avancement des travaux. Nous entrevoyons une maigre récolte, un peu moins chiche que la fenaison de l'année dernière», dispose un sexagénaire du village Tighilt Makhlouf, dans la commune d'Ighram. «La récolte prévisionnelle ne suffira même pas à nourrir mes deux vaches laitières. Outre l'inévitable achat de l'aliment de bétail, j'aurai besoin d'un complément en fourrage pour tenir jusqu'à l'année prochaine», dira un éleveur de Chellata. Rareté du foin oblige, on traque le moindre brouillon de végétation, la moindre brindille qui pousse sur les prés. En fait, l'avantage est double : baisser la facture du fourrage, tout en débarrassant les champs de ces végétaux inflammables qui favorisent la propagation des incendies.Dans les plaines jouxtant la Soummam, seuls les propriétaires exploitants de larges parcelles d'un seul tenant font intervenir la faucheuse ou, à défaut, la barre de coupe montée sur un tracteur agricole. Sur les lopins très morcelés, le fauchage artisanal à l'aide de la faux est toujours de mise. Là encore, les prévisions de production ne prêtent pas à optimisme. «Chaque année, nous perdons en qualité et en quantité. Le réchauffement climatique et la sécheresse qui sévissent depuis longtemps ont induit une perte progressive de la diversité floristique et une perte de la valeur fourragère des foins. Hélas, la tendance n'est pas prête de s'inverser et l'on s'achemine tout droit vers un scénario calamiteux», souligne, sur un ton sceptique, un fellah de la région d'Amalou, sur la rive droite de la Soummam. Versé depuis des décennies dans un élevage familial de vaches laitières, un métayer de Seddouk fait état du même constat affligeant. «Le déclin des récoltes de fourrage est inéluctable. Il se confirme d'année en année. Si cette tendance devait persister, et il y a tout lieu de le craindre, on ne sait vraiment pas ce qui adviendra de notre activité», affirme-t-il d'un ton emprunt d'inquiétude. Faute de pluie, la plupart des champs ne laissent pousser qu'un simulacre de végétation jaunie avant l'heure. D'autres parcelles sont complètement dégarnies. Pour les éleveurs, nourrir les bêtes revient de plus en plus cher. Cédée à plus de 1000 dinars, la botte de foin risque de connaître une flambée sans précédent.Comme un malheur n'arrive jamais seul, cette campagne de fenaison est gâchée par les averses récurrentes de pluie qui joue les trouble-fête. L'activité pluvio-orageuse qui s'est invitée de manière itérative, constate-t-on, est de nature à compromettre la dessiccation sur les près du foin coupé. «La pluie nous a coupé l'herbe sou le pied. Elle est tombée au moment où on l'attendait le moins. Comme si les vaches maigres ne suffisaient pas à notre infortune, nous aurons, en prime, du foin sentant le moisi», ironise un agriculteur d'Akbou. Advertisements