Les Chiliens ont commencé hier à voter pour désigner les rédacteurs de leur nouvelle Constitution. Ils sont 14 millions appelés aux urnes pour choisir parmi 1373 candidats, 155 élus. Etalé sur deux jours pour limiter les possibilités de contagion à la Covid-19, le scrutin comprendra aussi des élections locales de maire, de conseiller municipal et, pour la première fois, de gouverneur régional. Le Chili est l'un des rares pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui n'a pas d'autorités régionales élues. Remplacer la Constitution rédigée en 1980 sous le régime militaire d'Augusto Pinochet (1973-1990) constitue une des revendications issues du soulèvement social déclenché en octobre 2019 pour réclamer la justice sociale. Après la victoire du «non» au référendum de 1988 sur le maintien au pouvoir d'Augusto Pinochet, la Constitution subit des réformes. Les mesures les plus antidémocratiques ont été retirées après la fin de la dictature. Mais le modèle néolibéral imposé sous Pinochet est aujourd'hui encore protégé par la Constitution. Ainsi, en 1989, est consacrée la fin de la dictature militaire, en inscrivant dans la Constitution le principe de pluralisme politique, les sièges de sénateurs à vie sont abolis, et le mandat présidentiel est réduit de six à quatre ans. A la recherche d'une ère nouvelle Le changement de la Loi fondamentale actuelle, qui limite l'action de l'Etat et consacre l'activité privée dans tous les secteurs, notamment l'éducation, la santé et les retraites, constitue une des conditions sine qua non quant à amorcer des réformes dans un pays où les inégalités sociales continuent à sévir. La nouvelle Constitution doit être rédigée dans un délai de neuf mois, prolongeable une seule fois de trois mois supplémentaires. Elle sera approuvée ou rejetée en 2022 par un référendum à vote obligatoire. Ce processus électoral est le premier au monde à élire une Assemblée constituante sur une base paritaire, avec un nombre égal d'hommes et de femmes. Il est marqué également par le fait qu'il réserve 17 sièges aux 10 peuples autochtones du Chili, (Mapuches, Rapa Nui, Aymaras, Quechua, Lickanantay, Diaguita, Colla, Kawashkar, Chango et Yaga). L'opposition de gauche, dispersée sur 69 des 70 listes en lice, entend proposer un nouveau modèle pour le pays, avec différents droits sociaux garantis, comme l'éducation, la santé ou le logement. De leur côté, les candidats de la droite au pouvoir regroupés sur une seule liste alliée à l'extrême droite défendent le système actuel, qui, selon eux, a favorisé la croissance économique du pays. Les premières estimations sont attendues ce soir. La hausse des tickets de métro à Santiago a déclenché un mouvement de contestation le 18 octobre 2019. Malgré la suspension de cette décision et les mesures sociales proposées par le président conservateur, Sebastian Pinera, (augmentation de 50% du minimum vieillesse, cotisations des employeurs au régime de retraites, gel des tarifs de l'électricité entre autres), la contestation face aux conditions socioéconomiques et aux inégalités s'est étendue à d'autres régions et revendique une nouvelle Constitution. Le mouvement de protestation ne s'identifie à aucun parti politique ou syndicat. En octobre 2020, plus de 78% des Chiliens se sont prononcés par référendum en faveur du remplacement de la Constitution. Advertisements