Les Algériens comme les Mancuniens ont dû se sentir groggy à la fin de la finale de la Champions League dont Manchester city était donné raisonnablement favori avant le coup d'envoi. Tout plaidait pour l'avènement du premier sacre continental des Citizens, un couronnement ardemment esperé par le public national pour Riyad Mahrez qui venait d'offrir une place en finale a son équipe au terme de son match tout en efficacité contre le Paris Saint-Germain au tour précédent. Large dominateur du championnat anglais, les observateurs estimaient le club de Manchester bien placé pour inscrire à son palmarès la première Coupe d'Europe majeure de son histoire. Le propriétaire émirati a consenti pour cet objectif, cette année, la bagatelle budgétaire de près d'un milliard de dollars fournissant à Guardiola un effectif talentueux et pléthorique, pratiquement deux équipes compétitives en une. Mais voilà que pour cet ultime rendez-vous exceptionnel, l'entraîneur catalan nous refait le coup de Lyon en quarts de finale où, on s'en souvient, il avait affaibli la cohésion de son équipe en s'amusant à un remaniement incertain de la formation rentrante. D'entrée de jeu, samedi soir, les absences sur l'aire de jeu de Rodri et surtout Fernandhino (un joueur chevronné au long cours qui s'était imposé efficacement il y a trois semaines au milieu parisien), se font ressentir. Une entame timorée, sans fraicheur physique et sans imagination, des attaques confuses et une arrière-garde qui s'était départie de la sûreté que nous lui connaissions. Mahrez dans la tourmente Les lignes mancuniennes étaient trop écartées les unes des autres pour pouvoir installer une domination territoriale durable comme Man City ne manquait pas de le faire brillamment à chaque fois en étouffant toute velléité adverse. La récupération était de ce fait ardue et les attaques n'avaient pas de mordant à l'image d'un Sterling sans efficacité et dont l'individualisme forcené a considérablement gêné ses coéquipiers, de Bruyne et Foden. En face, une équipe de Chelsea réglée comme une horloge qui donnait l'impression d'avoir bien étudié les forces et les faiblesses de son adversaire. Agressivité pour la récupération et la possession du ballon, encerclement en nombre des individualités mancuniennes marquantes, coupures des relais offensifs et occupation du milieu de terrain excellement coordonné dans sa relance par un étincelant Kanté : les ingrédients annonciateurs d'une domination des Blues londoniens. Cette mainmise a été rendue encore plus pressante sur les «Bleu ciel» suite à l'absence d'un ou deux milieux récupérateurs (les consultants TV appelle ça des «sentinelles») placés dans la périphérie immédiate de la défense. Les observateurs spécialisés ont mis le doigt, dans leurs analyses d'après-match, sur la légèreté avec laquelle Guardiola a mésestimé son adversaire en ne prenant pas sérieusement en compte le jeu direct, la fraîcheur physique et la vitesse d'exécution des percées offensives des joueurs de Thomas Tuchel. Les attaquants londoniens évoluaient souvent dans le dos de la défense mancunienne (?) et ont raté d'un cheveu l'ouverture du score, particulièrement par Wherner, qui s'est emmêlé les pieds dans les six mètres du gardien Ederson. Guerre tactique de deux authentiques experts de football, Thomas Tuchel semblait à la fin de cette première mi-temps prendre l'ascendant et pouvoir profiter du trou d'air laissé par Guardiola au milieu de terrain. L'illustration de ce constat en sera fait peu avant la fin du premier half et mettra à nu la carence tactique de Manchester City. L'attaquant de Chelsea, Havertz, est lancé du point central et prend à défaut le cœur de la défense de Manchester City avant d'éviter la sortie du gardien Ederson et marquer l'unique but de la partie dans des buts déserts (42'). La seconde période consacrera l'équipe qui aura su apporter un football limpide, volontaire et un esprit collectif sans faille. Man City perdra en chemin son meneur de jeu pour blessure au visage (fracture du nez et l'œil gauche tuméfié). Tout au long du temps où il est resté sur le terrain, le joueur belge s'est fourvoyé dans le schéma mis en place par Guardiola sans qu'il retrouve efficacement ses acolytes, Mahrez et Foden, au moment où Gündogan labourait un espace trop grand pour lui. Encore une faillite de Guardiola au moment où l'on attendait une mise en branle normale du plan de campagne habituel qu'on lui connaissait. En allant tenter de déjouer ce qu'il a pensé être un piège concocté par Tuchel, c'est lui, en définitive, qui a été surpris et sa stratégie pour cette finale neutralisée. A la fin de la rencontre qui a vu le couronnement mérité de Kanté et ses camarades, les fans cityzens étaient mortifiés et, avec eux, les Algériens qui attendaient une couronne magnifique pour notre Riyad Mahrez national. Quant à l'Allemand Tuchel, voilà un homme qui a été débarqué sans ménagement en décembre par le Qatari du Paris Saint-Germain et qui se retrouve, métamorphosant Chelsea, au sommet du football européen des clubs en mai. La preuve d'un talent et d'une maitrise que ne manqueront sûrement pas de lui reconnaitre ses pairs dans le monde de la ronde balle.