Achevée il y a quelques semaines, l'expertise judiciaire fait état de graves révélations sur l'octroi, par l'ex-wali, d'importantes assiettes foncières, au dinar symbolique, pour des projets qui n'ont jamais vu le jour. Depuis plus d'une année, le juge de la 2e chambre pénale du pôle financier et économique près le tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, tente de démêler l'écheveau de l'affaire de l'ancien ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme et ex-wali de Mostaganem, Abdelwahid Temmar, placé sous mandat de dépôt depuis le 6 février 2020. Il y a quelques jours, l'expertise judiciaire qu'il avait ordonnée a fait état de graves révélations sur les conditions dans lesquelles il a octroyé, durant la période de son passage à la tête de la wilaya de Mostaganem, de juillet 2015 à août 2017 et même en étant ministre, des assiettes foncières, notamment agricoles, après les avoir déclassées, pour des projets d'investissement qui n'ont jamais vu le jour. Parmi la quarantaine de bénéficiaires, de nombreux hommes d'affaires, comme les frères Kouninef (en détention) du groupe KouGC, Ali Haddad, patron du groupe l'ETRHB (en détention), Hocine Metidji, (en détention) du groupe minotier éponyme, Abdelmalek Sahraoui (en détention), ex-député et industriel, mais aussi les enfants de l'ex-PDG de l'entreprise Sahel, Abdelhamid Melzi, (en détention), de l'ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal, et de l'ex-commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major Menad Nouba, condamné par le tribunal militaire de Blida, pour «enrichissement illicite», à une peine de 15 ans de réclusion criminelle (confirmée par la cour d'appel). Sur le banc des accusés, il y a aussi Mokhtar Reguieg, ancien chef du protocole du Président déchu, que beaucoup présentent comme la «boîte noire» des vingt années de règne de Bouteflika, accusé d'avoir «instruit» l'ex-wali de Mostaganem pour faciliter l'octroi d'assiettes foncières à des industriels, mais aussi de s'être «enrichi illicitement», de «ne pas avoir déclaré une bonne partie de son patrimoine immobilier» notamment à l'étranger, «d'avoir abusé de sa fonction» et usé «de trafic d'influence» sur des cadres de l'administration locale. L'ex-wali a été confronté à des «preuves irréfutables», nous dit-on, sur les affectations «illégales» d'importantes surfaces foncières, durant les années où il était en poste à Mostaganem (2015-2017). Mieux encore, l'expertise a montré que même après avoir été nommé ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme au mois d'août 2017, en remplacement de Abdelmadjid Tebboune, il a continué à signer des décisions antidatées et donnait des instructions à ses anciens cadres et à son successeur pour privilégier certains hommes d'affaires. D'importantes superficies agricoles ont été détournées de leur vocation et octroyées pour des projets industriels et touristiques, ayant obtenu des financements bancaires, jamais réalisés. Ce qui constitue pour le juge d'instruction des faits qualifiés de «faux et usage de faux en écriture administrative et publique». Cité dans le dossier, un autre ex-wali de Mostaganem, Abdennour Rabhi, très proche de la famille de Ali Haddad, auquel il aurait attribué des terrains dans au moins deux communes, est lui aussi épinglé avec l'ancien chef de daïra de Mostaganem et le secrétaire général de la wilaya. De nombreux cadres de l'administration foncière, du Cadastre et des Domaines ont fait des révélations sur la «dilapidation» du foncier agricole, industriel et touristique. Onze cadres de l'administration locale sont inculpés, en plus des hommes d'affaires bénéficiaires des terrains et de Reguieg, ainsi que 14 sociétés en tant que personnes morales. Au moins une dizaine de chefs d'inculpation ont été retenus contre les mis en cause par le juge, avant de criminaliser l'affaire. Parmi les griefs : «octroi d'indus privilèges à autrui en violation des dispositions législatives et réglementaires», «abus de fonction», «trafic d'influence», «changement de la vocation d'une terre agricole», «atteinte au domaine national et à l'état naturel de littoral», «dilapidation de deniers publics», etc. Cette affaire concerne aussi le «financement occulte» de la campagne électorale du 5e mandat du Président déchu, pour laquelle sont poursuivis l'homme d'affaires Hocine Metidji et l'ex-chef du protocole Mokhtar Reguieg, lequel devra répondre de l'accusation d'«enrichissement illicite». En tout état de cause, l'affaire de l'ex-wali de Mostaganem, Abdelwahid Temmar, a levé le voile sur une vaste opération de rapine opérée avec l'aide des responsables pour permettre à des hommes d'affaires d'accaparer les deniers publics. L'enquête judiciaire est presque à sa fin et le procès s'annonce révélateur de l'ampleur de la corruption au sein de nos institutions et de notre administration. Advertisements