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La faune et la flore assiégées par les feux de forêt
Publié dans El Watan le 19 - 08 - 2021

A court terme, le feu est dévastateur pour la faune et la flore. Toutefois, autant il peut être ravageur pour ces dernières, autant les espèces referaient, selon certaines hypothèses, rapidement leur apparition et leur diversité dépasse en quelques années seulement celle de la forêt initiale. «En fait, cela dépend de l'endroit ou se situe notre foret», précise Mourad Ahmim, enseignant chercheur en écologie et environnement à l'université de Béjaïa.
Selon lui, les différentes forêts qui existent à travers le monde possèdent chacune sa propre biodiversité qui est très différente d'un lieu à un autre. «L'Algérie est située dans la région méditerranéenne ou les températures sont en continuelle progression et les précipitations de plus en plus rares, ce qui fait que ces conditions ne sont pas comparables aux conditions des forets paléarctiques ou afro tropicales et la vitesse de reconstitution de la forêt est différente», ajoute-il.
De ce fait, le chercheur, explique qu'en Algérie, il n'est pas évident que la diversité des espèces dépasse celle de la forêt initiale, ou du moins, pour au moins des dizaines d'années. «En réalité, les forets ou la diversité après incendie dépasse celle de la forêt initiale sont situées dans des régions humides, à pluviosité importante et sans épisodes de sécheresse comme c'est le cas en Algérie», assure-t-il. A vrai dire, un feu de forêt modifie les propriétés physiques et chimiques du sol et cela n'est pas sans conséquences sur la faune et la flore. A cet effet, M. Mourad Ahmim explique qu'il existe une biodiversité qui vit dans le sol et une biodiversité qui vit sur le sol et les deux sont interdépendantes.
Perte d'organismes
Selon lui, la biodiversité qui vit dans le sol est représentée par plusieurs groupes. Le premier est celui de la mégafaune, comme les crapauds, les serpents et certains petits mammifères. Le second est celui de la macrofaune visible à l'œil nu comme les vers de terre, les termites, les fourmis ou encore les larves d'insecte. Le troisième groupe est celui de la mésofaune, visible à la loupe comme les acariens et les collemboles. Et le dernier groupe est celui de la microfaune et les micro-organismes, visibles seulement au microscope comme les protozoaires, les nématodes, les bactéries, les champignons ou encore les algues. «Ceux-ci décomposent la matière organique qui fera libérer les nutriments disponibles à l'absorption par les plantes et les essences forestières dont dépend toute une faune diversifiée à l'exemple des oiseaux, des mammifères, des arthropodes ou encore des batraciens», explique M. Ahmim.
Selon lui, après un incendie, ces organismes sont très affectés et peuvent même disparaître pour des périodes qui sont longues et de ce fait la biodiversité qui vit sur le sol comme la flore et la faune se trouvera aussi affectée de facto. Ainsi, la perte d'organismes clés dans les écosystèmes forestiers, comme les invertébrés, les pollinisateurs et les décomposeurs, peut ralentir considérablement la régénération de la forêt. Et cela est tout à fait logique pour M. Ahmim qui explique que sans ces organismes, il y aura moins de pollinisation et moins de décomposition, ce qui fera que la forêt ne se régénérera pas rapidement.
Survie
Par ailleurs, le feu de forêt modifie les conditions de vie et facilite la propagation de nouvelles espèces. La raison : après un incendie, la structure forestière temporairement plus clairsemée ainsi que l'amélioration à court terme de la situation nutritionnelle offrent des conditions de vie favorables à de nombreux animaux et végétaux. A cet effet, M. Ahmim explique, que selon une étude australienne, le feu agit directement sur la croissance des végétaux, sur leur survie et sur leur reproduction. «C'est la seule contrainte naturelle de la région ( le feu ), qui est capable d'une part d'entraîner la mort de végétaux adultes et, d'autre part, de stimuler quasi-simultanément une régénération de masse sur différents paysages et sur d'immenses superficies», précise-t-il. Ajoutant que le feu consume aussi bien les végétaux vivants que les végétaux morts : «C'est donc un élément clé dans la modification structurale et la composition des formations végétales».
Ainsi, l'élimination des matières végétales vivantes et mortes génère une augmentation immédiate de la lumière au niveau du sol avec, simultanément, une augmentation de l'humidité des sols. Ainsi, la teneur en éléments nutritifs du sol change de façon très importante. De plus, le chercheur fait savoir que le feu stimule la reproduction de nombreuses espèces végétales par une amélioration de la floraison, de la production de graines, de la dissémination des graines et de la germination.
Il poursuit : «Il prépare également une couche d'humus riche en nutriments, tout en réduisant provisoirement la présence des prédateurs de graines et des herbivores, ainsi que la compétition entre végétaux pour la lumière et l'humidité pendant l'établissement des jeunes plants». Selon lui, le feu est indispensable à la reproduction de certaines plantes et en l'absence de feu, elles peuvent dépérir, alors que d'autres dépérissent si la fréquence des incendies dépasse leur capacité de reproduction et de croissance. De ce fait, les plantes ont développé des spécificités végétatives et reproductives qui leur permettent de survivre, et dans certains cas, de dépendre d'un certain type de régime du feu (intervalle, saisonnalité, intensité). Toutefois, selon M. Ahmim, ces conditions restent valables quand il y a une pluviosité importante, ce qui n'est pas le cas de l'Algérie ou la reconstitution d'une forêt prend beaucoup de temps et cela est un facteur limitant pour une bonne remontée biologique surtout faunestique.
Cimetière de la biodiversité
Par ailleurs, un feu de forêt implique également la perte d'aliment. En d'autres termes : Les animaux forestiers tirent leur alimentation de la forêt et la chaîne alimentaire va de la mousse au grand prédateur. Les espèces herbivores consomment des végétaux, celles-ci sont consommées par les prédateurs primaires qui, à leur tour, sont consommées par les prédateurs supérieurs. «Si un de ces maillons arrivait à disparaître, ca sera automatiquement un chamboulement de toute la pyramide», explique M. Ahmim. Assurant que le feu de foret, en faisant perdre les aliments implique la disparition ou la migration des espèces qui consomment ces aliments. C'est pourquoi, suite à un incendie, le chercheur estime qu' «on peut parler de cimetière de la biodiversité forestière».
Si le mot est fort, M. Ahmim assure que la raison est valable : «Tout sera calciné en commençant par les arbres et leur cortège floristique, ce qui aura pour conséquence la migration des espèces, d'une part, et la mortalité des espèces qui ont été entourées par le feu et qui n'ont pas pu fuir de l'autre. A titre d'exemple, le nombre important de signes, de loups, de tortues, de serpents qui ont péri lors des derniers incendies.» Selon lui, étant donné que la reprise ou la reconstitution d'une forêt prend des années, il y a donc une perturbation totale de la vie au niveau des zones incendiées.
Sofia Ouahib
[email protected]
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