Dans une première contribution sur El-Watan du 10 août, j'avais attiré l'attention du lecteur sur l'importance des choix stratégiques que revêt la construction de pipelines pour le transport de gaz, du pétrole ou de l'eau. On peut parler, aujourd'hui, de véritable «guerre des pipelines » (1) dans le monde au regard des tensions que leur construction soulève et, à titre d'exemple, tout le monde peut se référer au dossier complexe de la construction du deuxième gazoduc (Nord Stream), sous la mer qui relie la Russie et la RFA. Ce lourd dossier a pour but essentiel de tenter de gérer le problème de la sécurité des approvisionnements énergétiques, des pays, à moyen et long terme, chacun pour ce qui le concerne et en fonction de ses propres besoins, la mutualisation, dans ce domaine, reste un vœu pieu. Car cette sécurité des approvisionnements est étroitement liée aux dépendances qu'elle va créer, entre les pays, engagés ou pas dans des alliances civiles ou militaires, plus ou moins solides. Dans ce contexte plus modeste mais de la même problématique, notre pays a investi d'énormes moyens pour la réalisation de pipelines (gaz et pétrole), pour ses propres besoins mais également dans la cadre d'exportation de gaz en direction de l'Europe latine, encouragée en cela par les pays récipiendaire (l'Italie, l'Espagne et le Portugal, dans un premier temps). Cependant, la construction de ces gazoducs soulève le problème de leur transit soit directement par voies maritimes (cette option est beaucoup plus onéreuse) soit à travers un pays étranger et en ce qui concerne l'Algérie, le Maroc et la Tunisie. Toutes les analyses économiques et financières démontrent que le passage par voie terrestre est plus avantageux et permet en plus d'approvisionner les pays finaux, d'approvisionner les zones de transit, ce qui élargit l'offre commerciale. Mais le risque est géopolitique et stratégique, puisque la dépendance relative de chacun des pays de production, de transit et de consommation, va jouer un rôle prépondérant en cas d'hostilité conjoncturelle ou séculaire de l'un des pays. Nous sommes donc au cœur de la problématique que nous vivons aujourd'hui, en pleine guerre diplomatique, que se livrent le Maroc et l'Espagne, d'une intensité jamais égalée et qui entraîne l'Algérie également. En, effet, comme décrit dans mon premier article, s'agissant du gazoduc ouest, l'option de le faire transiter par voie terrestre via le Maroc était de loin la plus optimale mais les réfractaires à cette option développaient un argument massue en disant haut et fort qu' «il viendra le jour où le Maroc nous fermera les vannes» ! Or, dans sa livraison, d'il y a deux semaines, le très sérieux journal espagnol El Confidential, considérait qu'«il y a une forte probabilité que le Maroc ne renouvelle pas le contrat de transit (qui expire en Octobre 2021) relatif au gazoduc Maghreb-Europe, ce qui risquerait de perturber l'approvisionnement en gaz algérien de l'Espagne » ! Une position très claire Notre position était donc très claire, au niveau géopolitique et stratégique, il fallait que le gazoduc passe par le Maroc et si, à long terme, quelqu'un pouvait fermer les vannes, en guise de représailles, c'est bien l'Algérie et non le Maroc ! En effet, cette veine énergétique (en gaz et en électricité) allait traverser des régions sensibles du Maroc, alimentant au passage en énergie (800 millions de m3) toutes les villes et villages, les zones industrielles et les autres besoins énergétiques spécifiques et notamment militaires, au bout des dix premières années de son fonctionnement. Nous voyions donc mal le Maroc décidait de réduire toute cette région, même momentané et se priver de droits de transit qui se sont établis à quelque 51 millions de US$ en 2020. Enfin, avec le second gazoduc Medgaz, qui relie directement l'Algérie à l'Espagne, la possibilité de rupture d'approvisionnement par le Maroc (quelque 6,8 milliards de US$ de recettes d'exportations pour l'Algérie), est exclue. La déclaration de la DG marocaine de l'Office national des hydrocarbures et des mines A. Benkhadra qui a déclaré ce jour que «La volonté du Maroc de maintenir cette voie d'exportation a été clairement affirmée de manière constante, à tous les niveaux, depuis plus de trois ans !» est venue mettre fin à l'appréhension espagnole révélée par le journal El Confidential mais surtout elle se positionne en victime par rapport à l'Algérie qui pourrait réduire, voire de fermer le gazoduc terrestre au profit de celui sous la mer, ou de revoir à la hausse les prix de cession du gaz, ce qui aura certainement des conséquences désastreuses pour le Maroc ! Ainsi donc, si pour le Maroc l'option du non renouvellement, même temporaire, de l'accord de transit est exclue, l'est-il pour autant pour l'Algérie ? Le dernier communiqué de la réunion du Conseil de sécurité qui envisage une reconsidération complète des relations avec le Royaume Chérifien, peut amener notre pays à se servir de tous ses atouts, compte tenu du fait que le Maroc a invité Israël dans la région et que son ministre des Affaires étrangères a directement menacé l'Algérie à partir du territoire marocain, sans autres précautions diplomatiques d'usages... à suivre. Dr Mourad Goumiri Professeur associé (1) Il n'est pas inutile de rappeler que lors des nationalisations des hydrocarbures de 1971 et notamment de la compagnie française Répal, la France avait fermé le gazoduc qui reliait Hassi Messaoud au port d'El Borma en Tunisie. Advertisements