Le plasticien Abderrahmane Kahlane ne s'est jamais éclipsé de la scène artistique. Cet inconditionnel passionné des arts plastiques est toujours actif, voire créatif, au niveau de sa propre galerie d'art, à l'Office de Riadh El Feth. Il a pris le risque de faire de la peinture son métier. Il ne cesse de peintre à tout heure de la journée et de la nuit. Il est, pour ainsi dire, en perpétuelle inspiration, puisée du patrimoine algérien ancestral. Il nous confie cette fois-ci de découvrir sa nouvelle collection de peinture intitulée «Couleurs et Mémoire», aux dimensions moyennes et de grandeur nature. Une collection rétrospective, entièrement dédiée au regretté homme d'affaires, mécène et collectionneur algérien Azzeddine Mana. Les 43 œuvres oniriques exposées montrent une parfaire maîtrise de son art. Le visiteur est à même de se rendre compte que les œuvres de cet artiste dont la discrétion n'a d'égale que le talent. Des tracés bien définis, des couleurs chatoyantes et une sérénité certaine se dégagent de l'ensemble des œuvres. L'artiste Abderrahmane Kahlane a ce don inné d'inviter plus d'un à entendre, à sentir et ressentir les couleurs et les messages comme vous ne les avez jamais perçus auparavant, et ce, grâce à son génie créatif du moment. Si la plupart des œuvres sont récentes, l'artiste peintre a jugé utile de greffer dans cette nouvelle collection d'anciennes œuvres à lui, issues de sa collection personnelle : façon singulière de suivre sa progression artistique au fil des années écoulées. Il nous confie qu'au départ, il voulait faire uniquement une rétrospective de son travail, étalé sur une trentaine d'années, mais il a dû changer d'avis. C'est justement pendant le confinement, lié à la pandémie de la Covid-19 qu'il a réalisé l'ensemble de cette présente exposition de peinture. Ainsi «Couleurs et Mémoire» n'est autre qu'un hommage au bâti de l'ancienne Médina d'Alger La Casbah d'Alger, inscrit au patrimoine mondial de l'humanité de l'Unesco depuis 1992. On retrouve des «douirette» superposées les unes aux autres avec toujours au sommet un minaret rappelant celui de Sidi Abderrhmane, dominant une vue imprenable à couper le souffle. Tout visiteur est invité à une belle escapade à travers les dédales de La Casbah en choisissant un tronçon précis : le départ commence par le bas pour se terminer vers les hauteurs. Justement, Sidi Abderrahmane est un tableau regorgeant d'un assemblage de «douirette» aux tons reposant. De part et d'autre de cette construction millénaire, une délimitation à travers des traits verticaux est à l'honneur. La Médina d'Alger semble suspendue entre ciel et terre. Il faut dire aussi que cette délimitation n'est autre qu'un échafaudage. Le regard est quelque peu intrigué par des traits noirs qui accaparent les côtés de la toile. En fait, ces traits tapissés de plusieurs couches de peinture ne sont que des vautours. Par ce coup de pinceau réussi au niveau de cette toile, l'artiste Abderrahmane Kahlane a voulu restaurer à sa manière La Casbah d'Alger. «Avant, dit-il, je peignais toute La Casbah avec la baie d'Alger. Maintenant, j'ai changé d'approche. A présent, je suis rentré à l'intérieur de cette fabuleuse Médina d'Alger pour la restaurer en lui donnant des couleurs et lui redonner vie. En toute modestie, j'essaye de me mettre à la place d'un restaurateur. Je tente de sauvegarde modestement ce patrimoine qui part en péril. Cela est fait avec amour et abnégation. Les traits noirs ce sont des vautours. C'est ceux qui veulent s'accaparer de La Casbah en essayant soi-disant de faire quelque chose. Ils prennent l'argent mais ils ne font rien en contre partie». D'autres tableaux se donnent à voir toujours avec cette redondance de douirette, de parchemins, de calligraphie, de tapis suspendus et de minarets au pluriel. Le plasticien use et abuse des coupoles et de la calligraphie. Pour Abderrhamane Kahlane, cette redondance de minarets est la résultante d'une existence réelle dans un passé récent. «Je sais qu'au siècle dernier, il y avait beaucoup de minaret à La Casbah d'Alger. Il y a eu un tremblement de terre qui a tout détruit. C'est pour bien greffer ces objets dans mes peintures», note-t-il. A la question de savoir pourquoi les douirette d'Abderrhamne Kahlane oscillent entre le vert et le doré, il rappelle avec un large sourire que le vert incarne la couleur de l'espoir, du hasard, du destin et de la chance. Quant à la couleur dorée, elle fait référence à son appartenance à une famille de brodeurs. Son grand-père était brodeur sur cuir et ses sœurs s'adonnaient à la fetla pour la réalisation de karakou. L'artiste reste toutefois fidèle à la couleur bleue de la Méditerranée, déclinée sous tous ces tons. Une couleur qui, selon lui, le repose et l'apaise. A travers l'exposition «Couleurs et Mémoire», Abderrhamne Kahlane offre un éventail de la parfaite maîtrise de plusieurs techniques artistiques, à savoir entre autres la peinture à l'huile, l'acrylique et l'aquarelle. Le plasticien ne se perd jamais dans les dédales de ce lieu puisqu'il détient le secret de l'ouverture et de la fermeture des portes de cette Médina. Advertisements