D iriger une institution de défense des droits de l'homme relevant de l'Etat n'a pas empêché son président, maître Mustapha Farouk Ksentini,de se livrer à un sévère réquisitoire de la situation en Algérie : bureaucratie tentaculaire, corruption généralisée, cas de tortures au niveau des services de sécurité, instrumentation de la justice, bafouement des principes de la présomption d'innocence et du caractère exceptionnel de la détention préventive, liberté d'expression malmenée..., c'est la facette hideuse de l'Algérie, celle qui empêche la sortie du tunnel à un pays exsangue sur lequel se sont sédimentées toutes les stragédies. C'est le visage de la honte devant lequel il n'est plus possible désormais, du côté officiel, de se voiler les yeux : se battre aujourd'hui pour les droits de l'homme ne peut être l'apanage de la seule opposition politique et des militants engagés à tire individuel ; l'Etat dans son ensemble est interpellé afin qu'il se réhabilite lui-même et rende crédibles les actions qu'il engage sur le terrain. Longtemps on a évoqué l'urgence de réformer en profondeur le pays,et un certain nombre de secteurs vitaux ont été désignés :justice,école,économie,code de la famille, Etat, droits de l'homme,presse,etc. Mais le Pouvoir politique a laissé dormir les dossiers dans un tiroir,prêtant le flanc à l'opposition qui en a fait un de ses thèmes favoris durant la campagne électorale passée.Cloué au pilori par ses adversaires,Bouteflika n'a pas eu beaucoup d'arguments solides pour se défendre.On peut penser que c'est une des raisons qui l'ont poussé ces derniers temps à prendre au sérieux la question des réformes et à s'atteler à leur mise en oeuvre : quelques signes laissent à penser que le train est lancé,mais la prudence reste de rigueur tant le Pouvoir est resté maître dans la politique du bâton et de la carotte et dans les coups sans lendemain destinés essentiellement à calmer l'opinion publique et à amadouer les partenaires étrangers. La voie dangereuse consisterait à réduire les réformes à la seule sphère économique du fait de la disponibilité de l'argent nécessaire à cela.Ne pas introduire les changements fondamentaux au niveau de la sphère politique et dans la société, c'est vider les réformes économiques de leur substance.Le vrai changement ne peut être que global et total ; il ne peut être sélectif et partiel.L'Algérie a besoin de ce que le défunt Boudiaf a appelé la rupture. Maître Mustapha Farouk Ksentini a indiqué hier un certain nombre de réformes parmi toutes celles que le pays attend : s'y attaquer de front et sans calcul créditerait le Pouvoir politique d'un bon point et relierait le fil entre l'Etat et le citoyen.