La libération du diplomate algérien Mohamed-Ziane Hasseni, sous contrôle judiciaire depuis le mois d'août, se pose avec acuité même si, officiellement, on évite pour l'heure de parler de crise entre Alger et Paris. “L'Etat algérien doit se préoccuper et s'occuper de cette affaire qui est celle de l'administration. Je proteste et je continue d'inciter par tous les moyens à sa libération. Pour l'instant, il n'y a pas de réponse, mais j'espère qu'il y en aura une dans les plus brefs délais.” C'est avec cette déclaration que s'est exprimé à nouveau le président de la Commission nationale consultative de défense des droits de l'Homme, M. Farouk Ksentini, sur la mise sous contrôle judiciaire en France du diplomate algérien Mohamed-Ziane Hasseni, accusé d'avoir commandité l'assassinat de l'opposant Ali Mecili en 1987 à Paris. M. Farouk Ksentini, accompagné de Me Miloud Brahimi, était l'invité, hier, du Forum d'El Moudjahid. Autre affaire, celle des prisonniers algériens en Libye. Ils sont au nombre de 56 et ont été l'objet de condamnations sévères : mains coupées, perpétuité et peine de mort. M. Ksentini fait part de tractations entre les deux pays pour leur rapatriement en vue de leur emprisonnement en Algérie. Cela se fera dans le cadre d'un échange de prisonniers. La Libye hésite à franchir ce pas, mais selon lui, ce pays a “engagé sa parole”. Me Brahimi a plaidé en faveur de l'abolition de la peine de mort et l'introduction dans le droit algérien de la notion de crime contre l'humanité, tout en s'insurgeant contre le recours abusif à la détention préventive. Il pense que la chancellerie “ne fait aucun effort” par rapport à ce problème, alors qu'il suffit “d'une instruction donnée au parquet et des séminaires” pour le régler. Concernant les policiers condamnés à trois ans de prison par le tribunal de Blida pour torture dans le cadre de leur fonction, M. Farouk Ksentini estime que “la condamnation est justifiée et qu'elle aura certainement son effet dissuasif pour que les autres apprennent à respecter la personne et l'interroger verbalement sans la brutaliser pour obtenir des aveux”. Interrogé sur l'ampleur du phénomène de la torture dans les commissariats, il répond que “les prisonniers ne se plaignent pas de la torture, mais du fait que leur jugement traîne en longueur”. Les moyens financiers étant disponibles, il considère que l'Etat doit “faire un effort supplémentaire pour satisfaire les droits sociaux”. Le président de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme se déclare très préoccupé par la situation sociale qui engendre des fléaux comme celui de l'émigration clandestine. “La condamnation des harragas est une chose abominable et je pèse mes mots. L'Etat algérien doit s'interdire toute condamnation. Pour ce que signifie ce problème, c'est une atteinte aux droits de l'Homme”, enchaîne Me Brahimi. Accusé par un citoyen présent dans la salle d'accepter de défendre en tant qu'avocat les corrompus, alors qu'il cumule la fonction de président de commission des droits de l'Homme, M. Ksentini soutient qu'“il se bat contre la corruption parce qu'elle engendre des illégalités sociales”, mais en tant qu'avocat, il est pour le principe que “chaque personne a droit à une défense”. Abordant le difficile vécu du citoyen algérien, il est d'avis qu'il “existe un mépris de l'administration à l'égard de l'Algérien et inversement. La bureaucratie est une véritable entrave au développement du pays parce que les droits de l'Homme ne sont pas respectés”. Justement, sur ce chapitre, un peu plus tôt, M. Farouk Ksentini a jugé que la situation des droits de l'Homme dans notre pays “va bien, en dépit des dénigrements d'ici et de l'extérieur, de ceux qui pensent que les choses ne sont pas assez bien ou ne vont pas assez vite. Il y a des choses à faire, certes. Certaines demandent du temps et des moyens. Nous sommes dans la bonne direction, même si nous ne pouvons pas lever la main pour applaudir”. Il a ajouté que la réconciliation nationale “n'est pas en contradiction avec les droits de l'Homme. Son objectif, c'est le retour à la paix, la sécurité et la protection des citoyens. La réconciliation nationale satisfait les revendications essentielles des droits de l'Homme”. Qu'en est-il du droit des familles des victimes du terrorisme ? Me Miloud Brahimi réplique qu'“une réaction qui appelle à la vengeance ne peut entraîner dans ce sens une démarche de la part de l'Etat. Sinon, c'est le retour à la justice privée. Les victimes peuvent prétendre à une réparation matérielle. Le droit régalien revient à l'Etat qui a le droit de dépasser cette réaction pour rétablir la paix et la sécurité”. Mes Miloud Brahimi et M. Ksentini saluent au passage le courage du journaliste irakien auteur de l'attaque à la chaussure contre le président américain et demandent aux journalistes algériens d'exprimer leur solidarité avec lui et aux membres du barreau de se joindre aux 200 avocats dans le monde qui se sont proposés pour le défendre. Nissa Hammadi