La semaine dernière, elle a reçu trois disques d'or en Pologne. Après un concert en Croatie et avant d'aller se produire à Budapest, la Mama qui sait distiller l'émotion sans discontinuer s'est produite, hier soir, à la salle Ibn Khaldoun. Et parce que les billets ont été épuisés en deux jours, elle a décidé de faire une seconde scène, ce soir, dans le même lieu. Une fois de plus et en quelques heures, les billets ont été raflés. Césaria Evora, la dame à la voix rauque et chaloupée, a su répandre la musique du Cap-Vert auprès du public du monde entier. Ses envolées aux accents magiques parviennent, en même temps, à écorcher l'âme et réchauffer le cœur lorsqu'elle chante les mornas, un genre traditionnel cap-verdien qui se rapproche quelque peu du blues et qui est l'expression d'une certaine rébellion. Nous avons rencontré la diva à l'hôtel Hilton, dans sa suite executive, à quelques heures de son premier spectacle. Détendue, souriante et aussi tendre qu'une douce mamie, elle était prête à découvrir du pays. C'est la première fois que vous venez en Algérie. Vous n'avez pas hésité à accepter l'invitation ? Je ne suis pas du genre à me faire prier. On m'invite, j'accepte. Et je suis capable de faire deux concerts en une soirée s'il le faut. Cela a été le cas en Tunisie et aux Etats-Unis. Vous êtes originaire de Sao Vicente, une île du Cap-Vert, où il existe un formidable brassage culturel. Quelle est la place accordée à la musique là-bas ? Nous n'avons pas grand-chose en matière de richesses et de culture. La musique est ce qu'on a de plus important. On vous surnomme la “diva aux pieds nus”. D'où vous vient cette habitude de chanter sans chaussures ? C'est une chose naturelle pour moi. Je n'ai jamais aimé les chaussures. Vous êtes une femme pleine de joie de vivre. Comment se fait-il que vos chansons soient empreintes de tristesse ? Mes chansons paraissent tristes, mais elles ne le sont pas. Ce sont des thèmes de joie et d'amour que je chante. ça n'est pas triste tout le temps, en tout cas. Votre carrière a pris un nouvel essor après votre rencontre à Lisbonne avec le producteur José Da Silva en 1987... J'étais là pour un concert et lui en vacances en famille. Il m'a invitée à chanter en France et tout a démarré de là. Pour Sao vicente di longe, votre huitième album, vous avez enregistré à Paris, La Havane, Rio de Janeiro, avec une soixantaine de musiciens et arrangeurs. Les mélanges culturels sont-ils indispensables à votre musique ? Oui, le mixage est très important. L'intention était justement de fusionner avec d'autres genres musicaux. Vous avez parcouru plusieurs continents. Quelles ont été vos escales préférées et votre meilleur public ? J'ai eu un très bon public partout où j'ai été, particulièrement en France, parce que c'est là où j'ai vraiment démarré ma carrière et où j'ai le plus chanté. Et le Cap-Vert dans tout cela ? J'y vis quand je ne suis pas en concert. Et comme je fais en moyenne 170 concerts par an, je n'y passe pas autant de temps que je le souhaiterais. Quel est l'instrument de musique traditionnel type du Cap-Vert ? Le Cap-Vert est un pays jeune et la base de notre musique est le quhavaquiniho, une guitare à quatre cordes. D'origine, c'est un instrument brésilien, mais il a été modifié. Il a un son très particulier et c'est lui qui marque le côté langoureux de la mornas. Et quel est votre sentiment par rapport à ce concert ? Eh bien, je suis là ! Pour moi, ce concert est une porte qui s'ouvre...