La cheikha Rimiti de la musique capverdienne a mis le public à ses pieds... La Mama du Cap-Vert, Cesaria Evora a captivé plus d'une heure et demie le public venu nombreux l'écouter chanter dimanche soir à la salle Ibn Khaldoun. «La diva aux pieds nus » a fait vibrer les coeurs des présents en accord avec les cordes chantant le vague à l'âme des milliers de gens pauvres du Cap Vert. Ses ballades langoureuses et plaintives conféraient toutes les lettres de noblesse au genre de mélodies mornas. Mornas qui proviendrait du verbe anglais «to mourn» c'est-à-dire pleurer. Felicitade, Besame mucho, la célébrissime et mythique «reprise» Sodade, qui l'a propulsé au sommet, mais encore des morceaux tirés de son dernier album Voz d'amor, Cesaria Evora feuillettera son parcours musical comme on feuilletterait les pages de son destin. Entre joies et drames. Rire et larmes. «Cise» comme la surnomme ses amis affectueusement, nous a d'emblée, plongés dans une ambiance chaleureuse des îles du Cap-Vert ou les champs de la Havane. La diva est une reine, la soixantaine entamée, Cesara Evora l'artiste,prend sa revanche sur la misère qu'a connue cette fillette d'antan. Aujourd'hui, quand elle se permet de faire la pause, prendre une cigarette en plein milieu de concert, c'est le respect total à son égard. Le public debout n'a de cesse de l'acclamer. Un peu la cheikha Rimiti de la musique capverdienne, Cesaria Evora est généreuse et émouvante parce qu'elle est simple. Ses chansons teintées de mélancolie et de poésie sont rehaussées de ce son déchirant du violon ou encore du sax. Cesaria est entourée d'une superbe bande de musiciens. Sa musique exhale un parfum de tristesse mais aussi de goût de sel des nombreuses plages de l'archipel. Mais l'essence de cette musique est «l'espérance qui est la dernière à mourir», comme nous l'a confié Cesaria Evora. En effet, après les «mornas» succèdent les «coladeras», ces rythmes latino qui vous font remuer sur votre chaise à défaut d'occuper la piste de danse! Des mélodies joyeuses qui célèbrent la vie contre la pauvreté et l'alcool, ses ennemis de jadis. Elle chante également le déracinement: plus de la moitié de sa population vit à l'étranger et notamment au Portugal où elle a été un jour repérée et révélée par un certain B. Leza... Mais c'est tardivement qu'elle connaîtra le succès. Aujourd'hui distinguée par plusieurs récompenses (Grammy Award et Victoire de la musique...), Cesaria Evora distribue de l'argent à ses petits-enfants, ses amis, ses voisins, sans crainte de mauvais lendemains. On se bat pour travailler avec elle. Des bars aux scènes du monde entier, Cesaria Evora s'est transformée en «impératrice des musiques capverdiennes». Elle est nommée à Lisbonne, ambassadrice du Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies. Après Alger, dimanche et hier soir, elle s'envolera à Budapest pour un autre concert des plus magiques et voluptueux. Avec dans ses bagages, ces airs de blues, de fado mais aussi son... incollable fer à repasser...