A défaut de pouvoir l'afficher par les moyens usités par les mouvements de contestation, consternés qu'ils sont par la tournure des événements et l'arrestation d'une vingtaine de personnes, les habitants de Ksar El Hirane ne parlent plus que de la libération des personnes incarcérées. Alors que du point de vue des autorités la mesure est justifiée - « tout a été filmé », souligne-t-on. La plupart des personnes abordées récusent le fait que les détenus en question soient mêlés de quelque manière que ce soit à l'atteinte à l'ordre public pour la simple raison que, dans ce cas, il serait difficile de parler d'atteinte aux biens d'autrui. « Même à l'aide d'un microscope, il serait vain de chercher, ne serait-ce que la trace d'un dégât aussi minime soit-il », précise-t-on. Tristement célèbre pour avoir été le théâtre de l'attentat terroriste qui a coûté la vie à trois gendarmes en 1993, Ksar El Hirane est plutôt une paisible localité, livrée depuis à une gestion qui ne sied pas à une ville de 22 000 habitants. La réalisation d'un tribunal sur un terrain marécageux, dans le lit d'un oued même, est édifiante. Entre-temps, ce tribunal a été cédé à l'APC. A 40 km au sud du chef-lieu de wilaya, la commune, qui est à la merci des crues soudaines de l'oued Mzi, est pauvrement dotée en ressources en eau potable. Décrié par moments et sollicité en d'autres circonstances, le président de l'APC MSP semble être le seul à croire au miracle de pouvoir régler ce problème. Deux forages réalisés récemment se sont avérés négatifs. Parmi les raisons du malaise qui règne à Ksar El Hirane, on ne manquera pas de citer la mésentente entre le président de l'APC et le chef de daïra au point qu'il a fallu la médiation du député Azziez (MSP). Selon les informations recueillies auprès des jeunes chômeurs, en l'occurrence ceux qui faisaient partie du groupe qui s'est entretenu avec le chef de daïra, les propos tenus par ce dernier à l'endroit de leurs doléances seraient à l'origine du durcissement. « Vous n'êtes pas concernés par les postes d'agents de sécurité. Les jeunes ici ne veulent pas travailler », aurait-il soutenu. Alors que l'offre d'emploi doit passer par les agences d'emploi, selon le dispositif en vigueur, et profiter à la main-d'œuvre locale, les chômeurs à Ksar El Hirane se sentent exclus dès lors que seulement cinq parmi les agents de sécurité recrutés dernièrement pour assumer la surveillance du pipeline qui longe la ville sont issus de cette commune. « La plupart des recrues dans le secteur pétrolier viennent du Nord par le truchement de mutation afin d'éviter le passage par les agences d'emploi locales », déclare-t-on. « Même les entrepreneurs qui viennent ici ramènent la main-d'œuvre d'ailleurs », ajoute un autre. Outre le chômage qui sévit, les habitants de Ksar El Hirane, particulièrement des éleveurs, se sentent à l'étroit, cernés qu'ils sont par trois communes ayant les mêmes intentions. Ils réclament la prise en charge de la délimitation territoriale, particulièrement avec les communes voisines de Djelfa. Si la liste des revendications est remise à plus tard, la libération des détenus est aujourd'hui la préoccupation des notables et associations avec l'absence curieuse des partis politiques, la plupart des élus interpellés ne se sentent pas concernés. « Les affaires ayant trait à l'ordre public relèvent de la compétence de l'administration », déclare-t-on. Livrés à eux-mêmes et convaincus de l'innocence des personnes arrêtées, les citoyens de Ksar El Hirane, qui crient à qui veut les entendre que la manifestation de samedi dernier se voulait pacifique, jugent injuste et démesurée l'incarcération des leurs, alors que rien n'a été entrepris à l'endroit d'événements plus graves qui ont eu lieu dernièrement dans d'autres communes. « Plusieurs parmi les personnes arrêtées se rendaient au siège de l'APC pour constituer, à la demande des autorités, la délégation qui devait se rendre auprès du wali », fait-on remarquer. Pour sa part, le correspondant d'El Djazaïr News, libéré depuis avec huit autres, dont une personne qui souffrait des reins, confirme ces faits et souligne que les personnes arrêtées, dont certaines portaient des badges d'organisateurs, s'attendaient à l'arrivée du wali quand les forces antiémeutes intervinrent. « Il faut être dupe pour croire que des perturbateurs se distinguent par le port de badges. Dès l'entrée en action des forces antiémeutes au lieudit Minas, nous nous sommes mis à l'écart, loin de la principale artère, pour éviter tout dérapage », dit un jeune. Parmi les personnes arrêtées se trouve l'enseignant, Z. A., connu comme étant acquis au soutien du programme du Président. Ceux qui le connaissent dénoncent la manœuvre visant à discréditer un militant gênant. Son frère et sa famille s'interrogent comment on peut l'accuser d'atteinte à l'ordre public occupé qu'il était pour conduire sa femme sur le point d'accoucher à l'hôpital. Son premier enfant est né, alors qu'il passait sa première nuit en prison. « Ce ne sont pas les dégâts fictifs qui pourraient justifier les mesures en cours à moins que l'on ne veuille nous faire payer les dérives des autres », ajoute un autre.