« Le travail de mémoire » auquel appellent, aujourd'hui, les autorités françaises trouve dans le dossier relatif aux harkis matière à ouvrir les portes à une grande polémique. Mais c'est surtout une tentative de mettre dans la même logique des responsabilités historiques. Le jour où Paris reconnaîtra ses crimes de guerre en Algérie, il voudra, d'une manière plutôt insidieuse, faire admettre à Alger une reconnaissance de fait à propos « des massacres des 150 000 musulmans qui sont restés fidèles à la France ». Des accusations qui sont portées par plus de 400 associations de harkis en France. Reste que pour le moment « aucun accord ni engagement » n'a été pris, selon la déclaration faite mercredi 14 juillet par Belkhadem, sur « la facilitation par les autorités algériennes de voyage de harkis en Algérie » à laquelle a fait allusion Michel Barnier, chef de la diplomatie française, en séjour à Alger la semaine dernière. « Les harkis sont des Français qui possèdent des passeports français et sont soumis aux mêmes mesures légales imposées à tous les Français », a même précisé le ministre algérien. Une déclaration qui est venue conforter celle faite, un jour auparavant, par Mohamed Chérif Abbas, ministre des Moudjahidine. Celui-ci a refusé « catégoriquement toute éventualité d'enterrer les dépouilles » de harkis en Algérie. Ces deux mises au point rejoignent, en fait, l'intervention du président Bouteflika qui, sur France 2 en juin 2001, avait bien assimilé les harkis aux collaborateurs de Vichy. Par ailleurs, le mémorial érigé le 5 décembre 2003 à Paris (Quai Branly), à la mémoire des harkis comme celui inauguré le 11 décembre 1996 au square de la Butte au Chapeau rouge a pour but non avoué d'interpeller « l'histoire commune » aux deux pays. La France feignant d'oublier que les harkis étaient encadrés par le décret du 7 novembre 1961 portant statut des harkis. Citant le général Faivre, à partir des archives de la guerre d'Algérie, dont une partie est accessible au public depuis le 1er juillet 1992, le colonel Abdelaziz Meliani (ancien président de la mission nationale de réflexion sur les harkis et qui était à la tête des commandos de chasse durant la guerre de Libération) publiait en décembre 1994-janvier 1995 que « globalement près de 290 000 personnes ont fait le choix de rester fidèles à la France ». Le décompte établissait ainsi 62000 harkis proprement dit,20 000 Mokhzanis (SAS), 60 000 éléments des groupes d'autodéfense, 9 000 des GMS (groupes militaires spéciaux), 3 500 des unités de réserves, 65 000 (dont 300 officiers et 3 500 sous-officiers) militaires d'actives et d'appelés. Soit un total 219 450 (un chiffre qui est arrondi à 220 000 dans son livre La France honteuse, le drame des harkis (Editions Perrin 1993). A cela, il faudrait ajouter, selon toujours le colonel Meliani, 50 000 notables (élus de toute sortes), 10 000 fonctionnaires et de 10 à 15 000 musulmans de statut civil. Aujourd'hui, on se pose la question de savoir si on est arrivé au stade du « temps qui finira par faire son œuvre en guérissant définitivement les blessures ».