La commune de Oued Koriche (ex-quartier de Climat de France) souffre de précarité sociale, bien qu'elle soit accolée au quartier chic d'El Biar et aux communes fastes d'Alger-Centre et de Bab El Oued. On accède au quartier de Climat de France par la route de Frais Vallon sinon par l'avenue Askri Hacène ou bien encore par les escaliers en piteux état de la rue Saâdi Mebrek, situés aux Tagarins. Ces colimaçons sont en piteux état et pour cause. Les marches sont envahies par les herbes sauvages et l'éclairage est déficient. Autant de désagréments qui s'ajoutent au sentiment d'insécurité dominant. Les esplanades intermédiaires, naguère lieu de halte et de repos, croulent littéralement sous les immondices. A ce tableau peu reluisant, viennent s'ajouter les éboulements de pierres qui bloquent actuellement l'abriposté en bas des paliers. Cet escalator offre une vue imprenable du quartier de Fontaine fraîche et du centre de transit bâti en... 1947, que l'on appelle communément Diar El qarmoude, où les conditions de vie sont très dures. Un habitant s'est fait l'écho de la misère dans laquelle sont englués ses congénères, obligés de recourir au hammam et de faire la queue dans les toilettes collectives. Le regard de ces malheureux suit de près l'opération de recasement du bidonville établi à la Beaucheray, du côté de la cité Legembre. Ce quartier n'est pas le pire, car à l'autre bout, on découvre les baraquements coloniaux de Paul Bert implantés près du château d'eau ainsi que le favela Rabah Timsit, établi en contrebas du ministère de la défense nationale et les toutes récentes baraques de la carrière Jobert. Promiscuité Un peu plus bas, sur l'avenue des Barreaux rouges, on trouve le quartier de Climat de France, construit en 1957 dans le cadre du plan de Constantine par Jacques Chevalley, alors maire d'Alger. Le quartier de Climat de France, rebaptisé Oued Koriche, englobe l'immeuble Serpentin, l'îlot Amari Aïcha, le Bâtiment carré, la cité des 200 colonnes, la cité Pérez et la place de l'espérance. Le quartier passe ainsi du statut de simple agglomération urbaine à une annexe de la commune de la Casbah Oued Koriche. Seulement, le passage au rang d'une apc jouissant de l'autonomie administrative et financière promise à la faveur du découpage administratif opéré en 1984 s'est avéré un leurre. Et pour cause, le divorce d'avec la commune de La Casbah a été prononcé aux torts exclusifs de la commune de Oued Koriche, qui ne dispose d'aucune ressource pour subsister. M. T. Abdelmalek, premier vice-président du comité de quartier, que nous avons rencontré au siège de la cellule de proximité de l'apc de Oued Koriche, nous a déclaré : « Il y a eu erreur d'appréciation dans la mesure où la séparation avec la municipalité de La Casbah n'a rien apporté de probant à notre quartier. La carrière Jobert et le parking à étages sont gérés par l'apc de Bab El Oued, qui en tire de substantiels bénéfices en dépit de leur implantation dans le territoire de la commune de Oued Koriche. Quant aux écuries des ânes, elles appartiennent toujours à l'apc de La Casbah et pour lesquelles notre apc ne touche aucune redevance. » Chômage inquiétant L'une des grandes faiblesses de l'apc de Oued Koriche est liée aux droits fiscaux. « Les charges d'habitations et les multiples taxes relatives aux activités commerciales, notamment celles des commerçants du marché de Triolet, sont versées directement à l'apc de Bab El Oued. Ce qui est contraignant, c'est le recours aux communes limitrophes, pour effectuer de simples opérations bancaires ou contracter une police d'assurance automobile », tient à préciser notre interlocuteur. Le tour du propriétaire de la cité des 200 Colonnes, lieu du tournage du film Omar Gatlatou radjela, en compagnie de nos interlocuteurs, est édifiant. Ici, la journée qui s'achève est semblable à celle d'hier. Le taux de chômage avoisine les 80 % sur une population estimée à 60 000 habitants et les 100 locaux de l'emploi de jeunes promis par les pouvoirs publics tardent à venir. Au demeurant, le manque est aussi bien matériel que culturel. Au chapitre des loisirs, cela ne prête pas à sourire. « La commune ne dispose ni de salle omnisports ni d'une maison de jeunes. Les travaux du centre culturel, situé sur le site des Barreaux rouges, durent depuis plus de vingt ans. Le chantier a été relancé par l'ancien secrétaire général de la wilaya d'Alger, l'actuel wali de Tipaza. Nos jeunes espèrent retrouver une vie normale après la violence liée aux groupes armés », a déclaré M. T. Abdelmalek. La cité des 200 Colonnes a été classée orange 3 et 4 par le Ctc, suite aux dégâts occasionnés par le séisme du 21 mai 2003. Les travaux de confortement et de réhabilitation du bâti sont en deçà des vœux des riverains : « L'eau de pluie s'infiltre des plafonds et le renouvellement du réseau de l'alimentation en eau potable n'a touché pour l'instant que 10 immeubles. Comme vous le voyez, les caves sont inondées et les eaux usées débordent sur la chaussée. Pis, l'éclairage des cages d'escalier ne fonctionne pas, malgré les travaux d'installation entrepris récemment. » Les projets de mariage cèdent donc le pas au célibat forcé et l'argumentaire le plus efficace au chapitre des revendications reste la crise du logement. « Le logement figure en tête du procès-verbal, qui a sanctionné la réunion tenue avec le wali délégué de Bab El Oued. La commune de Oued Koriche a bénéficié d'un quota de 120 logements sociaux à Beni Messous et Draria. C'est le premier quota depuis l'indépendance », a ajouté M. T. Abdelmalek. Les autres immeubles sont abandonnés à la poussière et font face à de multiples dégradations. Les constructions érigées sur les terrasses disputent la place aux antennes paraboliques. « C'est un accord tacite. Les occupants du quatrième étage s'adjugent les terrasses et les propriétaires des rez-de-chaussée accaparent les vides sanitaires. C'est une manière commode de convoler en justes noces. Malheureusement, le squat des vides sanitaires a entraîné de multiples ouvertures effectuées, en dépit du bon sens, dans les murs porteurs. Le squat des sanitaires est dévastateur en raison des multiples mutilations apportées aux réseaux des eaux pluviales et des eaux usées », nous confie M. H.S., membre actif de la cellule de proximité, qui a bien voulu nous ouvrir la porte de sa demeure. « La moyenne d'une famille est de 12 personnes qui s'entassent dans de minuscules F2. Les plus chanceux occupent des F3. Il y a même des habitants qui installent leur lit sur les paliers à la tombée de la nuit. Ce qui explique les constructions sur les terrasses », tient à préciser ce riverain. Au lieu d'appartements, le terme tombeau serait beaucoup plus approprié. Dans ce conglomérat, la santé se maintient difficilement, depuis le transfert de l'unique centre de soins au profit de l'hôpital Aït Idir : L'isolement « Le transfert a été décidé en dépit du mécontentement populaire dûment consigné dans une pétition adressée à la direction de la santé de la wilaya d'Alger et à l'ancien wali délégué de Bab El Oued. Les habitants sont obligés de se rabattre maintenant sur le dispensaire de Fontaine Fraîche ou à l'infirmerie de la rue Rachid Kouache à Bab El Oued », ajoute M. T. Abdelmalek. Autre sujet de préoccupation, l'absence d'une maternité, qui délègue encore une fois aux communes voisines la sensible question de la protection maternelle et infantile. Comme si ce lot d'insuffisances ne suffisait pas aux malheurs de ces habitants, voila que l'épineux problème de transport en commun se pose avec acuité. « Le transport public est assuré uniquement à la périphérie de la commune, plus précisément au terminus de l'avenue Askri Hacène. A charge ensuite pour les usagers, particulièrement les personnes âgées, de rallier leur quartier à travers le chemin sinueux d'El Kettar ou les chemins dédallés des Barreaux rouges. L'étude préliminaire portant sur la création d'un réseau de transport à l'intérieur même de la cité, élaborée par la cellule de proximité et adressée en 2001 au ministre des Transports, est restée lettre morte », a conclu M. H. S. En l'absence du premier magistrat de la commune, un élu de l'apc nous a déclaré : « La miri guellila, le maire n'a que le dialogue et la concertation à opposer aux doléances de ses concitoyens. » De l'avis général, la commune de Oued Koriche est sinistrée.