Une poignée d'enfants d'immigrés algériens, autour de Mehdi Lallaoui, réalisateur et écrivain, et de Samia Messaoudi, journaliste, mais aussi de jeunes Français, militants de l'antiracisme et de l'égalité des droits, comme David Assouline (actuellement maire-adjoint à la Mairie de Paris) et Anne Tristan (journaliste et réalisatrice), créent, en 1991, l'association « Au nom de la mémoire ». Il s'agissait alors de sortir de l'oubli le 17 octobre 1961. Depuis, un autre événement d'importance mobilise l'énergie des animateurs de « Au nom de la mémoire », qui ont organisé, vendredi soir au Forum des images, à Paris, une projection-débat autour de « L'autre 8 mai 1945 » avec la projection du film « Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945 » de Mehdi Lallaoui et Bernard Langlois, et un débat avec les historiens Gilles Manceron, Benjamin Stora, Claude Liauzu, Sylvie Thénault, Jean-Pierre Peyroulou. La soirée devait être dédiée à Florence Aubenas et Mohamed Benchicou. Un travail de fourmis L'association « Au nom de la mémoire » est invitée dans une trentaine de villes au mois de mai, mais aussi de juin autour de « L'autre 8 mai 1945 » : à Rennes qui est jumelée avec Sétif, Saint-Denis, Strasbourg, Marseille, Saint-Etienne... Même au Canada, mais dans ce dernier pays, « pour les jours qui viennent, ce n'est pas possible, on ne peut pas être partout, nous sommes peu nombreux », nous dit Mehdi Lallaoui, président de l'association. Il y a six mois, « Au nom de la mémoire » lançait l'idée de faire une campagne pour que Sétif, Guelma, Kherrata, l'« Autre 8 mai 1945 », ne soit pas occulté. Et cela prend une ampleur très large. « En 2001, quand on avait commémoré le 40e anniversaire du 17 octobre 1961, il y a eu des initiatives dans plus de 50 villes de France. Dans plus de la moitié de ces villes, des associatifs qui n'étaient pas liés à l'immigration se sont emparés de l'événement, en se disant que c'était leur histoire. Ce n'était plus un événement parisien, et ce n'était plus un événement des Algériens et de leurs descendants, c'était un événement national. C'est ce qui est en train de se produire avec “L'autre 8 mai 1945” », nous affirme Mehdi Lallaoui. Et « nous avons compris depuis longtemps, parce que nous sommes des militants associatifs - ce sont les 2/3 de ma vie -, qu'il fallait faire un travail de fourmis. Pendant tout le mois de mai, on va sillonner la France, pour que l'autre 8 mai 1945 ne soit pas occulté et pour construire la fraternité, à la demande de municipalités, d'associations. Les gens se reconnaissent, ils vont être des milliers. Le film sur Sétif a été fait il y a dix ans pour Arte, il est passé en 1995. Aucune chaîne n'a proposé de le diffuser pour ce soixantième anniversaire. Nous, on va le passer dans toute la France, et c'est cela qui permet de faire la différence. Ce qui nous intéresse c'est que le peuple de France s'approprie de cette histoire. » « L'intervention citoyenne est importante, c'est un levier pour la reconnaissance publique », souligne le président de « Au nom de la mémoire ». Dans « Les massacres de Sétif, un certain 8 mai 1945 », un documentaire de 56 minutes, réalisé en 1995, Mehdi Lallaoui reconstitue ces événements occultés, à partir d'archives et de témoignages poignants et inédits. Le film rappelle que « les tirailleurs algériens, de retour au pays, après avoir contribué à libérer la France, découvrent leurs familles décimées. Parmi eux, Ben Boulaïd et Ben Bella, les futurs “fils de la Toussaint”, qui firent partie du groupe à l'origine du déclenchement de la guerre d'Algérie, le 1er novembre 1954 ».