Saci Benhamla, président de l'Association du 8 Mai 45 de la wilaya de Guelma, est un militant acharné de la cause des martyrs de cette triste et douloureuse date pour les Algériens. Nous l'avons sollicité de nous parler du four à chaux d'Héliopolis, village situé à trois kilomètres de la ville de Guelma, sur la route de Annaba. En ce temps-là, tous savaient, et les témoins rescapés de ces massacres savent que le four à chaux se trouvant sur les terres de Marcel Lavie, industriel, délégué financier, a été utilisé comme four crématoire. Il servait à Marcel Lavie pour la fabrication de la chaux. Il avait aussi une minoterie et une unité de fabrication de pâtes alimentaires. Ce four à chaux était géré par un Maltais. Au début des massacres de mai 1945, ce sont les militants nationalistes qui étaient abattus, puis les civils armés, constituant des groupes de quelques miliciens, tuaient qui ils voulaient, s'en donnaient à cœur joie. A été donné par André Achiary le feu vert pour les exécutions sommaires, les tueries collectives un peu partout à travers la région de Guelma. On ne s'embarrassait pas de jeter les cadavres dans des fosses communes. Les bien-pensants ou les commanditaires de ces massacres se sont rendu compte qu'ils allaient commettre une grave faute, comme si leur conscience, à supposer qu'ils en eussent une, les avait dérangés. Et cette conscience ou ce qui lui ressemble ou d'un autre genre ou celle de tueurs - qui sait ? - leur a sûrement dicté le fait de déterrer les cadavres des fosses communes et de les brûler pour ne pas laisser de traces de ces massacres. Serait-ce dû à la peur de la presse américaine surtout et un peu au travail de la commission d'enquête conduite par le général Tubert, laquelle d'ailleurs n'a en quelque sorte rien vu ni rien entendu. Elle a parlé de quelques émeutiers algériens qui ont tué des Européens. Elle a éludé les massacres de milliers d'Algériens innocents... Donc, le four à chaux est dans la mémoire collective ? Il est dans notre mémoire collective et dans nos archives. D'ailleurs il y a un autre fait non moins étrange : une mise en scène a été montée à Guelma, précisément au square Maréchal Pétain. Eh oui ! à Guelma, on était pétainiste. Donc au milieu de ce square, trois ou quatre jours après celui de l'Armistice, on a exposé 11 cercueils hermétiquement clos pendant plusieurs jours, faisant dire qu'il y avait dedans des cadavres de colons, ayant tristement fait les frais de sauvages Algériens, et faisant dire aussi qu'on ne pouvait pas les enterrer parce que le cimetière chrétien était encerclé par des émeutiers. Cela, bien entendu, pour inciter les civils non convaincus pour plus de vengeance et de représailles. Cela prêterait à rire si la chose n'imposait pas le recueillement. Car, comment quelques émeutiers, comme ils disaient, pourraient-ils encercler le cimetière, si toute la ville était assiégée par la milice, la police, la gendarmerie et l'armée, si le premier Arabe qui montrait le nez dehors était abattu comme un canard ? Nous remercions vivement Saci Benhamla pour sa collaboration à la confection du numéro spécial sur le 8 mai 45.