Le décès du père François Cominardi a suscité une vive émotion et une sincère compassion, particulièrement de la part de la population de Aïn Sefra. Atteint d'un cancer, le défunt, après plusieurs voyages en France pour des soins, a fini par s'éteindre lors de son dernier déplacement, la semaine dernière. Celui-ci avait vécu plus de 40 ans (depuis 1961) parmi les Sefraouis. Hormis ses actions humanitaires quasi quotidiennes, feu Cominardi avait consacré sa vie entière à la recherche et à des travaux de longue haleine, notamment sur les ksour et sur les gravures rupestres de la région du sud-ouest. A ce propos, en 1980, un mémoire sur ses recherches avait été présenté à l'Ecole pratique des Hautes études de Paris. Erudit, il a su peindre les hommes en peignant les lieux, il a su aussi faire parler les pierres et dire ce qu'elles cachent, et ce tout en mettant au point une carte des sites préhistoriques, chaque fois actualisée. Différents écrits sur ses découvertes ont été publiés sur des revues scientifiques. « Au cœur des monts des ksour » a paru en 1994 dans la revue française « Lybica » ainsi que dans la revue algérienne « Arcco ». Selon ses amis dont Khelifa Benamara, auteur de plusieurs ouvrages, qui dira « que c'est Cominardi qui m'a donné le goût de la recherche », sa modeste demeure est une véritable caverne d'Ali Baba, nantie d'une bibliothèque hors du commun et par d'autres documents relatifs à ses travaux paléontologiques et anthropologiques. Bref, un lieu chargé de tout ce qui a trait à la région de l'Atlas saharien, mais aussi d'une collection d'images et d'histoire, d'évènements qui sont une somme d'expériences vécues ou des évocations de personnes et de faits (photos rarissimes d'Isabelle Eberhardt). Il avait toujours réservé une place importante à une assistance aux personnes démunies, aux malades et à l'écoute de l'épanchement des âmes tourmentées. Un homme à qui toutes les sympathies sont acquises (il était l'un des fondateurs de l'association Bouchraâ). Cependant, le grand choc qu'avait subi feu Cominardi, lui provoquant de longues et amères méditations, fut l'histoire et le destin tragique de la jeune Soumia. Une histoire qui mérite d'être connue. Soumia Lamri était une jeune lycéenne de Aïn Sefra, née le 23 juillet 1981 et décédée le 25 mars 1999, après avoir lutté pendant plusieurs années contre un cancer des os. Malgré trois opérations chirurgicales, la maladie s'est généralisée. Depuis 1998, le père Cominardi l'avait accompagnée jusqu'au bout, d'abord chez elle, puis à l'hôpital. Huit jours après son enterrement, sa mère avait confié aux soins du défunt un cahier d'écolier sur lequel Soumia avait consigné trois poèmes écrits depuis qu'elle se savait condamnée. Trois poèmes dont le premier reflète la peur face à la mort. Ces poèmes ont été traduits de l'arabe au français. Dans ses écrits, père Cominardi avait souligné que les trois poèmes de Soumia « sont des textes remarquables par l'authenticité que leur confère la proximité de la mort et par la profonde foi musulmane qui les sous-tend. » Plus loin, il ajoutera : « Personnellement, c'est au terme de l'accompagnement de Soumia Lamri, jeune malade de 17 ans, en phase terminale, que j'ai fais le lien entre ce que je vivais au chevet des malades et la réflexion sur la compassion... en lien permanent avec la famille et l'équipe soignante durant plus de trois mois, nous avons entouré de tendresse la jeune Soumia.