Lors de sa dernière session, l'Assemblée populaire de la wilaya de Skikda (APW) s'est attaquée au lourd dossier de l'agriculture. Le travail présenté s'est limité, pour des raisons évidentes à énoncer, quelquefois superficiellement à certaines entraves qui minent le secteur. Néanmoins, cette démarche, peut-être volontaire, a permis d'enclencher des débats assez poussés qui ont abouti à l'instigation d'une enquête administrative actuellement en cours. Ainsi, et selon le rapport des élus, le secteur de l'agriculture souffre d'un lourd cumul de défaillances, dont les origines remonteraient à plusieurs années. Le rapport cite, entre autres, les lenteurs enregistrées dans la réalisation du périmètre d'irrigation du Saf Saf, les incohérences relevées dans la gestion des exploitations agricoles, et surtout les « inexplicables dépassements » enregistrés dans la mise en application du programme des mises en valeur des terres par les concessions. Autant de tergiversations qui pénalisent, aux dires des élus, une wilaya agricole par essence. Le rapport de l'APW relève, dans son chapitre relatif au périmètre d'irrigation de la plaine du Saf Saf, le retard enregistré dans sa réception ainsi que les défaillances qui le minent aujourd'hui. Ce périmètre lancé en 1984 n'est aujourd'hui qu'à 63 % de son achèvement et les parcelles, dites réceptionnées, enregistrent des fuites et de multiples dégradations occasionnées parfois par les agriculteurs eux-mêmes. Autant dire une catastrophe que la wilaya continue à traîner depuis plus de 21 ans déjà, et qui aura coûté au Trésor public des sommes colossales. Dans leurs recommandations, les élus ont insisté surtout sur « la nécessité de tout entreprendre pour parachever le périmètre et envisager un autre cadre de gestion ». Concernant la situation des exploitations agricoles collectives ou/et individuelles (EAC et EAI), le rapport a surtout mis en exergue des incohérences criantes en matière de statistiques. S'appuyant sur les données chiffrées fournies par l'administration, le rapport a fait ressortir, grâce à un tableau comparatif, de grandes et graves discordances. En voici quelques exemples : le nombre d'EAC communiqué par les services agricoles (SA) est de 581 pour une superficie totale de 27 492 ha, alors que le recensement général agricole (RGA) ramène le nombre des EAC à 994 pour une surface de 10 438 ha. Le même constat a été dressé, chiffres à l'appui, pour les EAI qui seraient, selon les SA, au nombre de 3345 pour une superficie de 10 261 ha. Pour les domaines, leur nombre n'est que de 2787, alors que le RGA les porte à 2932 pour 15 509 ha. Et si on peut à l'évidence imputer ces frasques à la non-implication effective des exploitants qui peuvent a priori donner de fausses déclarations au retard des régularisations ou à l'absence d'une actualisation des statistiques, on comprend mal cependant que ce phénomène puisse concerner aussi les fermes pilotes. Ces dernières, bien qu'elles ne soient que 4 dans toute la wilaya, n'ont pas échappé aux écarts relevés dans le même tableau. Leur superficie serait de 1171 ha pour les SA, alors que le RGA leur accorde une surface nettement plus importante : 15 509 ha. Les élus, en présentant ces données, se sont abstenus de les commenter. Ils ont néanmoins mis en évidence plusieurs autres lacunes enregistrées dans la gestion du foncier agricole. Ils ont surtout insisté sur le morcellement des exploitations et leur location à des tierces personnes. Le dernier point relevé dans le rapport de l'APW, et qui a été de très loin le plus débattu, concerne l'anarchie qui caractérise le dispositif de la mise en valeur des terres par les concessions. Ce volet, à titre de rappel, avait déjà fait l'objet d'un débat lors de la session du 15 juillet 2001. A l'époque déjà, plusieurs anomalies avaient été mentionnées dans sa gestion, mais depuis rien ne semble avoir changé, pour ne pas dire que les choses ont empiré. D'une superficie globale de 12 771 ha, les périmètres, accordés au niveau de la wilaya de Skikda, sont au nombre de 6. Les élus ont fait ressortir que les données rapportées par l'administration chargée de la gestion du dispositif sont nettement amplifiées comparées aux réalités du terrain. Ils ont même estimé que le taux de réalisation ne dépasserait pas les 10% pour des projets engagés pourtant depuis plus de 3 années. Les débats ont permis également aux élus de s'attaquer frontalement aux « rumeurs » qui n'ont pas cessé de concerner le périmètre de Zaitria. Une façon d'amener les responsables locaux à intervenir pour enclencher une enquête administrative pour une meilleure appréciation. A ce sujet, des élus ont avancé que des parcelles importantes ont été données sur la base du principe du « copinage ». L'enquête actuellement en cours aura certainement à dénuder beaucoup de « non-dits » et les élus que nous avons approchés et qui disposent a priori de beaucoup de données ont laissé comprendre qu'ils préféraient attendre l'aboutissement de l'enquête pour juger par la suite des suites à entreprendre.