Le 27 février 1993 à 8h30, les terroristes du GIA assassinèrent Abdelhafid Senhadri, président de l'Association nationale des cadres de l'administration publique (ANCAP). A 8h45, nous nous sommes rencontrés, Abdelhamid Benhadouga et moi, devant le domicile de feu Senhadri. Benhadouga était le président du Conseil consultatif national (CCN) dont Senhadri était membre. Ce dernier était aussi mon voisin. « Quelle fidélité, si Abdelhamid ! », lui dis-je. Il me répondit : « Je fais mon devoir, mais on doit faire vite, on ne sait jamais ! » Heureusement qu'on entendait les sirènes des voitures de police qui s'approchaient. J'ai voulu commencer par « cette rencontre », dans un moment si triste et horrible, juste pour parler du courage de Si Abdelhamid. Mais en fait, j'ai connu Benhadouga durant les années 1970 dans le célèbre café Lotus. Il y venait rarement, mais on se rencontrait quand même. Poli, affable, généreux et courageux, Abdelhamid Benhadouga était aussi un écrivain d'envergure universelle. Son roman Le vent du Sud a été traduit en 15 langues. Malgré ma jeunesse (sa fille aînée a le même âge que moi), A. Benhadouga m'a très vite « adopté » et nous sommes devenus amis. Je suis toujours fidèle à sa mémoire. En 1997, j'ai fondé avec l'ex-wali de Bordj Bou Arréridj, Abdelkader Bouazghi, (actuellement wali de Khenchela) le colloque A. Benhadouga (spécialisé dans la narration). Ce colloque se tient toujours dans la wilaya où si Abdelhamid a vu le jour. Quand j'étais directeur des éditions de l'Entreprise nationale du livre (ENAL), j'ai remarqué que des romans restaient plus de quatre ans à l'imprimerie. Si Abdelhamid m'a dit qu'il a un roman (El Djazia et les derviches) mais qu'il hésitait à le donner à l'ENAL. J'ai pensé à ce problème d'impression qui retient les manuscrits pendant une période aussi longue, des nuits entières, puis j'ai trouvé la solution. L'ex-président Chadli avait déjà ouvert une brèche dans le régime rigide du « socialisme algérien » en encourageant les gestionnaires du secteur public à sous-traiter avec le secteur privé. Pourquoi ne pas remettre les manuscrits de l'ENAL aux imprimeurs privés ? Ils sont légion à travers le territoire national. J'ai discuté avec si Abdelhamid de ces nouvelles donnes économiques. Il m'a remis son manuscrit, j'ai, alors, pris un billet d'avion Alger-Constantine-Alger. J'ai remis le manuscrit d'El Djazia à Si Ayat - à l'époque, il était le plus grand imprimeur « arabophone » d'Algérie à Constantine. Moins de quatre mois plus tard, Si Abdelhamid contemplait avec plaisir le premier exemplaire de son roman. C'était le dernier livre édité par l'ENAL pour A. Benhadouga. Ce dernier voyant l'entreprise (j'avais déjà quitté cette dernière) en faillite a préféré donner ses nouveaux romans aux éditeurs privés.